Quand on entre dans le building de la place Des Moulins au 2° étage, on ne s’attend pas de voir dans un espace d’appartement une exposition prestigieuse présentée par le Maître roumain Botarro lui-même. Les sculptures sont si rapprochées que l’on a l’impression qu’elles sont dans notre propre maison de riche collectionneur ! C’est le 50° anniversaire de la mort de Brancusi et quelques chefs d’œuvres forment le noyau de l’exposition : une esquisse de la sublime Mlle Pogany, un autoportrait sculpté (improvisation corrigeant un travail d’élève), le coq abstrait, merveille architecturée de la dernière période… tout autour, rayonnent les rêves de son cadet spirituel Botarro, cadet car né en 1946, onze ans avant la mort du Maître.
(Brancusi : Mademoiselle Pogany 1913)
Lui-même roumain d’origine (il y naquit en 1876), Constantin Brancusi fut élève d’Auguste Rodin. En 1907, la même année que Picasso en peinture, il instaure les fondements de la sculpture moderne avec son « baiser » dans lequel le couple ne forme plus qu’un, introduisant dans ce thème rodinien la dimension de l’androgynie… Il devient le maître de la réduction aux lignes les plus nécessaires. Botarro, dont la démarche est très intérieure, nous a livré une lumineuse interprétation des œuvres de Brancusi : « quand, dans la lumière, le contour d’une personne se dessine, il ne reste plus que l’ombre : les yeux, les oreilles, les cils sont annexes, la forme acquiert une dimension mystique. Cette mystique est proche de la pensée japonaise qui veut qu’une idée trop simple à comprendre est sans valeur, tandis qu’elle acquiert beaucoup de prix en se livrant au bout d’une longue méditation ». Il ajoute dans la conversation d’autres belles réflexions : « que l’art débute là où s’arrête le quotidien ; que dans la création il faut mettre un peu de son « dramma » personnel, sinon cela ne fonctionne pas »… Botarro a sculpté lui aussi son « baiser », pour ainsi dire celui de la troisième génération artistique : il s’évade vers des espaces inconscients, le vide central pourrait être le cœur des époux. Botarro est le maître du rêve. On peut regretter en admirant cette sculpture dans l’exposition que la lumière la place pas ici en position de star, de « baiser star », en position d’idole du Subconscient, ce qu’aurait d’ailleurs méritées toutes les statues de l’exposition. Les œuvres de Botarro sont à admirer durant des heures : ici un geste, ici une habitation avec sa petite porte, là un mouvement qui progresse vers l’avant : l’axe de stabilité est aboli et la statue s’envole presque ! Elles ont ce quelque chose de percutant et de bien choisi, cet équilibre parfait qui parle sans que l’on ne sache vraiment où dans notre cœur, mais c’est bien parce qu’elles dialoguent avec notre monde enfoui intérieur, à tous. Elles ont tout simplement la profondeur d’un Gérôme Bosch et la fantaisie d’un Salvatore Dali, deux artistes d’ailleurs évoqués dans ses intéressants dessins graphiques. On dira d’ailleurs que le monde de Botarro est non pas formellement mais par la sensibilité très proche de celui de Gérôme Bosch et c’est cette dimension qui en fait un artiste majeur.
Monte-Carlo, Maison de l'Amérique Latine
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