vendredi 31 décembre 2010

Le Petit Faust d’Hervé, une oeuvre exquise qui aura de la gloire bientôt dans nos théâtres


Il n’y a pas qu’Offenbach qui écrivit de belles opérettes sous l’Empire : quel chef-d’œuvre que le Petit Faust d’Hervé, cette oeuvres sera bientôt à nouveau célèbre, c'est certain...

Or donc, le père de l’opérette, c’est Hervé ! D’accord, Offenbach s’est hissé à un niveau d’inspiration inouï, il savait mouler toute inspiration sur sa langue adoptive, il en est même l’un des plus grands prestidigitateurs, c’est entendu, mais Hervé est délicieux, raffiné, irrésistible et pataphysicien avant l’heure. Américains qui aimaient le music hall, qui vénéraient les Folies bergères et le Moulin rouge, les dessins de Toulouse Lautrec et de Degas, qui voyaient Paris avec les yeux de la joie parisienne, pourquoi donc vous passez dans les rues qui portent le nom d’ « Hervé » sans savoir qui il est ce drôle : partie entière de ce rêve ! Comment ! Vous ignorez encore que L’œil crevé, Chilpéric, Le petit Faust et Mam’zelle Nitouche (voir le film éponyme avec Fernandel) sont d’irrésistibles éclats de rire ?

« Hervé », de son vrai nom Florimond Ronger avait un papa brigadier qui mourut en 1834, quand le petit avait 9 ans. Sa maman prend alors les trois enfants qui lui restait, et part d’Artois pour Paris. Elle s’éreinte, Florimond a de la sensibilité et ce petit maîtrisien à Saint Roch, par un jour de balade, touche l’orgue de l’Hospice des fous de Bicêtre, improvise, se fait remarquer par l’abbé, lequel avait grand besoin d’un organiste. Aussitôt l’adolescent de 14 ans est embauché avec logement pour toute sa famille, un travail de blanchisseuse pour sa maman, une fenêtre sur la tristesse des aliénés.


Il remarque alors que quand il joue de l’harmonium dans sa chambre, cela fait de la musicothérapie de l’autre côté de la cour. Il obtient de monter des scénettes avec les pensionnaires de Bicêtre, la première opérette fut donc jouée à l’hôpital psychiatrique : elle s’appelait l’Ours et le Pacha. C’est l’histoire d’un pacha qui a un ours noir qui est mort (personne n’ose lui dire), à qui l’on offre un autre ours blanc très adroit qui est un faux ours. Aussitôt il ordonne de le confronter à son ours noir dont on revêt la peau. Les têtes noire et blanche sont emmêlées d’un corps d’ours à l’autre et le pacha qui n’y comprend plus rien pardonne à tout le monde.


Florimond est ensuite organiste à Saint Eustache, ce n’est pas assez pour vivre, il aime toujours le théâtre, il y fait pianiste, puis acteur puis ténor, puis chef d’orchestre et administrateur et surtout compositeur sous le pseudo d’Hervé - on le virera de sa tribune d’organiste quand son succès sera trop retentissant, ce qui inspirera l’histoire de Mam’zelle Nitouche.


Notre « compositeur toqué » (c’est le nom d’une de ses œuvres) monte sa propre boite, les Folies-Nouvelles, lance lui-même la carrière d’Offenbach avec Oyayaye Reine des îles, y chantant avec son complice Joseph Kelm. Notre « compositeur toqué » peut s’enorgueillir de la gloire d’avoir enchanté Richard Wagner lors d’une soirée par sa spiritualité et sa gaîté folle, il se trouvèrent le point commun d’écrire eux-même leur livret, Wagner écrira les Maîtres chanteurs et y utilisera la technique du « Coq à l’âne » chère à Hervé.


Après bien des péripéties, un voyage en Egypte, plusieurs théâtres et café concerts comme l’Eldorado, revues et chanteuses, Hervé avait pris du retard sur Offenbach qui avait agrandi l’opérette à trois actes et conquis le monde par les succès d’Orphée aux enfers, La Belle Hélène et Barbe-bleue. Aux Folies Dramatiques, Hervé consacre sa gloire avec la célèbre trilogie des années 1867-69 : l’Œil crevé, Chilpéric, Le petit Faust.

Dans le Petit Faust, ce chef d’œuvre absolu, Hervé s’inspire évidemment du grand Faust de Gounod qui fêtait en 1869 ses 10 ans à l’Opéra. Faust donne un cours d’anatomie par une dissection, mais l’attitude des écoliers le navre : que l’on rapporte le cadavre ! Les écoliers, c’est Lisette et sa bande que Marguerite va bientôt mater. Arrive le soldat Valentin, frère de Marguerite, qui est sensé être à cheval dans une irrésistible parodie de « Gloire immortelle de nos aïeuls » bien en rythme militaire ! Valentin veut se débarrasser de sa sœur : il vent bien la marchandise, même si, quel malheur, cette fille a plus de seize ans, elle est déjà bien formée ! En apparence fleur de candeur, Marguerite est plein de désir d’aller plus loin : elle gifle les écoliers, séduit Faust, Marguerite, une vraie cocotte, une Nana de Zola, une entraîneuse.


Là dessus apparait Méphisto, soprano colorature ensorceleuse, embobineuse comme un rythme de sarabande, Faust redevient jeune et vive l’amour, plus d’école plus de pion, c’est la révolution !


A l’acte II, la « Kermesse » du Faust de Gounod est excellemment imitée dans sa forme par emboitement. Chez Hervé, les cocottes chantent un quadrige à l’esprit creux, les vieillards, dont la bourse régale, ont des ardeurs espagnoles de ténors, les étudiants à qui les filles font de l’œil philosophent sur le tabac et font semblant de rien, puis les trois chœurs chantent leur trois mélodies ensemble, magnifique et très habile quodlibet.


Méphisto annonce aux cocotte que Faust cherche sa Marguerite et divertit le public en chantant, comme chez Gounod Méphisto, la chanson « du Satrape et de la puce » ; Faust qui a mal à la tête chante soit disant blasé et ennuyé une polka toute espiègle ; Méphisto lui présente alors des marguerites, des anglaises, des françaises et des javanaises… mais sur un air aux airs romantiques de Gounod, il les rejette : « non vous n’êtes pas ma Marguerite ». Elle arrive, Marguerite, elle est reine, plus forte que Terpichore, l’idole des gandins, la charmeuse, la demi-mondaine parisienne ! Alors Méphist avertit Faust du danger, par une belle sarabande, la complainte des quatre saisons, fini l’humour, c’est la tristesse de la vie qui passe. Moment d’émotion, le plus célèbre à l’époque et loué par toutes les chroniques des journaux.


Faust reconnaît Marguerite, il donne le bras à la naïve fille qui se dit ni demoiselle ni belle et alors, ô miracle, c’est elle ! « gretchen ! » (diminutif allemand si poétique chez Goethe et si lourd-dingue chez Hervé) et voilà un danse bavaroise avec tirolienne : « Vaterland o Vaterland » en allemand comique avec des pouëts pouëts ! Pour le final : qui tombe ? Le fils de ta mère : Valentin, d’un beau coup d’épée. Grand moment beethovénien (Hervé avait dirigé ses symphonies avec irrespect) car Valentin expirant va révéler les vérités immortelles à sa sœur, en fait, des lapalissades. Valentin meurt plusieurs fois avant de prendre l’escalier.


Dans l’acte III, on chante « séparons-nous » pour la noce, c’est le moment pour Marguerite de chanter la chanson du Faust de Gœthe, la complainte du Roi de Thulé, devenu de Thuné (en argot Roi de Tunis ou Roi des Gueux et les « tunes » sont déjà les pièces de petites monnaies). C’est un Roi qui perd ses pantalons publiquement et ça le déconsidéra. Le chœur des Vierges apporte le bouquet de la mariée, et aux garçons la soupe au vin à la cannelle et un peu de thym. Méphisto déguisé en amant de Marguerite, révèle ensuite que Marguerite est coquine, le spectre de Valentin (sur une musique de Lohengrin) sort d’une soupière, en colère le militaire ! Valentin Faust et Marguerite chantent en trio que Marguerite, « elle est mauvaise ». Alors à Watepurgis, Méphisto qui mène le bal entraîne tout le monde dans une furieuse bacchanale et comme le couple ne fonctionne pas, les voici condamnés à tourner dans la danse pour l’éternité.

Juste vous raconter l’histoire, ce n’est même pas vous dire la drôlerie des dialogues des librettistes, Hector Crémieux et Jaime fils, ni même la loufoquerie de la musique, toute en décalages entre le grand opéra et les polkas et valses à la Strauss, entre la diction pathétique et un français argotique savoureux, ni même vous démontrer combien l’on est vite entraîné par les mélodies souvent inspirées de notre auteur, au point qu’on y décèle ça et là maintes notes annonçant la Carmen de Bizet. Vive Hervé ! Scènes, ressuscitez-donc le : que l’on rapporte le cadavre !


Cédric Costantino pour présencemusicale.com




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mercredi 15 décembre 2010

Facilité et difficulté de l'instrument



Beauté de la difficulté d’un instrument, fascination de la facilité d’un autre



Jouer sur un instrument rudimentaire exhausse l’expressivité de la virtuosité. Je me souviens avoir entendu pour des raisons de programme plutôt tourné vers la musique très ancienne, une œuvre de Johann Sébastian Bach pour violon, interprétée à rebours, non pas à la viole, mais sur une reconstitution d’instrument médiéval, c'est-à-dire une gigue ou rebec : sa sonorité, plus roque que celle du dessus de viole fut choisie pour rivaliser avec les vents présents dans le concert, une dulciane, un cornet à bouquin.


L’instrument était bien faible, il fallait une oreille bienveillante, bien tendue vers le discours du contrepoint, pour entendre tout de même suffisamment clairement. C’était aussi ce genre d’instrument où les cordes tiennent leurs positions à peine, où il faut cent ans pour obtenir l’accord juste, et encore : la demoiselle instrumentiste n’osait plus toucher à la cheville de peur qu’un millimètre de trop mette par terre tout le travail de dix minutes pour accorder. Pourtant ce genre d’instrument ajoutait quelque chose d’ineffable : l’ingratitude technique qui lui est inhérente est propice à la plus noble émotion.

L’instrumentiste s’y meut difficilement et c’est cela même qui procure un sentiment lancinant. Qu’est-ce alors d’entendre sur ces cordes immobiles et contraintes ces volutes infiniment flexibles, plastiques, expressives de l’écriture de Johann Sébastian Bach : c’est un arrachement du cœur, une admiration pour l’artiste adroite, plus adroite encore que si elle eût tenu un violon au son rond et facile. C’est ainsi que parfois on est plus admiratif à entendre une soprano lyrique parvenir au registre aigu qu’une soprano colorature s’y promenant avec aisance. De même la virtuosité sied aux instruments difficiles sous les mains des habiles.


Cependant la facilité de l’émission du son fascine comme un exploit sportif. En voici un exemple : il arrive d’une allure décidée, mouvements larges et adolescents, resserré dans son costume de concert, grand, élancé, mince comme parfois le sont les basses. Le maintien trahit l’autorité du conquérant, à peine amollie par le regard sensible et inquiet de l’artiste. Avant de l’entendre, on sait que la corporalité joue un rôle expressif, qu’elle apporte un soutien véritable et physique à la ligne vocale. « Il chante avec son corps », c’est un dompteur du public, le fixant droit dans ses mille yeux.

Dépit, dédain, douleurs et pleurs imités, vengeance, colère, tendresse ou grâce pastorale, tempêtes et déraison … tous ces affects se déploient dans de longues vocalises, dans un souffle unique, dans une impeccable virtuosité, dans une lamentation, dans des souffrances vécues, dans un timbre de voix personnel et féminin. C’était Nicolino capturant l’Angleterre, aussi parfait dans les récitatifs que dans les airs, expression et combat.

L’envoûtement de la voix s’est imposé au public interdit. C’était Farinelli dans ses joutes avec les trompettistes. C’était comme un hautbois aux inflexions faciles. Fluide magique, magnétisme enchanteur, l’un de ces moments où l’aveuglement du plaisir ressenti l’emporte sur tout esprit critique. Le secret : ne pas faire aucune respiration, même naturelle au milieu des longues phrase de Haendel, être dans un souffle perpétuel, comme les hautboïstes. Jadis dans les cavernes napolitaines, les jeunes gens écoutaient l’écho pour s’entraîner à tricher avec l’acoustique, aujourd’hui ils sont rare ceux qui ont ce naturel surnaturel.


De même dans sa Defense de la basse de viole contre les pretentions du violoncel, éditée à Amsterdam en 1740, Hubert Le Blanc, parlant du « sultan » violon, est bien obligé de reconnaître que cet instrument jusqu’ici rustre, a subitement acquis en Italie une facilité d’émission coulante absolument fascinante, grâce à un long coup d’archet qu’il attribue au violoniste Giovanni Battista Somis (1686-1763) : « Il étala majesteusement le plus beau coup d`archet d`Europe.

Il franchit la borne, où l`on se brise, surmonta l`écueil où l`on échoue, en un mot vint à bout du grand œuvre sur le violon. Un seul tiré d`archet que le souvenir en fait perdre haleine quand on y pense, et parut semblable à un cordage de soie tendu, qui pour ne pas ennuyer dans la nudité de son uni, est entouré de fleurs, festons d`argent, de filigranes d`or entremêlés de diamants, de rubis, de grenats, et sourtout de perles ».


Cédric Costantino pour presencemusicale.com


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Mi bémol Majeur : couleur cruelle et dure ou solaire et tendre ?



Rien n’est plus dangereux que de parler de la couleur des tonalités. Peut-être même que si Bach lisait ce petit texte, il rirait, tant chacun au XVIIIème siècle avait son opinion. C’est qu’en ce temps on cherchait à pouvoir jouer dans toutes les tonalités, ce qui ne s’était pas fait auparavant.


Or plus il y avait de dièses et de bémols plus tout sonnait faux. Comment faire ? Il fallait raboter les espaces entre les notes, il fallait abimer, mais pas trop, les tonalités les plus simples pour rendre audibles les plus compliquées, c’est un peu comme les 365 jours du calendrier, tous les jours sont faux pour que le calendrier soit circulaire, et pourtant chaque jour est vraisemblable.


Même si on avait tout rendu assez faux pour être accessible, mais assez juste pour être écoutable, on n’en était pas encore arrivé au « tempérament égal » d’aujourd’hui, où toutes les tonalités sont identiques comme sortie d’usine. Elles avaient encore leurs couleurs, assez sensibles pour prêter alors aux interprétations subjectives, suivant qu’on utilisait un système de rabotage (de « tempérament ») différent. Bien différente est la transposition, une option qui détruisait la couleur de la tonalité d’aboutissement. Car on partait d’une note, comme mi bémol, et on mettait à sa gamme, entre chaque note, tous les espaces d’une autre couleur de tonalité comme celle de do. Par exemple, Michael Praetorius donnait à Wölfelbuttel le choral du Veilleur en Do Majeur. Le diapason de chœur étant très haut, ce Do Majeur pouvait sonner en Mi bémol Majeur, et Bach écrit sa cantate Wachet auf ruft uns die Stimme en Mi bémol majeur. Peut-être que la cantate de Bach sonnait avec la couleur de Do Majeur ? Comment savoir ?


Pour le choral O Mensch, bewein’ dein’ Sünde groß, (BWV 62), la motivation de Bach semble bien d’utiliser la couleur propre de la tonalité Mi bémol Majeur. Il prend une mélodie qui originellement est en Fa Majeur et l’abaisse en Mi bémol Majeur. Cette mélodie s’est revêtue dans le culte luthérien des paroles du chemin de croix, elle fut utilisée comme hymne pendant la terrible guerre de Trente Ans qui déchira l’Allemagne. Ce fut aussi le fameux Psaume des Camisards (Que Dieu se montre seulement). C’est dire combien de valeurs émotionnelles ce choral se retrouve chargé. On est à l’orgue, et forcément Mi bémol Majeur possède sa couleur propre à cause du tempérament de l’instrument. C’est un figuralisme au même titre que la somptueuse ornementation du chant au soprano, épousant l’émotion du texte. Quel figuralisme ? Bach respecte « l’éthos » (le sentiment) que l’on prêtait à cette tonalité : « cruelle et dure » pour les Français et les Italiens, plus adoucie en Allemagne et, selon Mattheson, « contenant beaucoup de pathos, et n’ayant par nature rien à faire avec autre chose que des œuvres à la fois sérieuses et tristes ». Ainsi, adéquate aux paroles de la Passion, cette tonalité permet, à la fin du choral, d’extraordinaires et inhabituelles couleurs « bémolées », et un saisissant arrêt sur image Adagissimo exprimant le lourd fardeau de la Croix. Même si l’on suppose que Bach rejette l’idée de « cruauté », comme le disait Marc-Antoine Charpentier, de la tonalité de Mi bémol Majeur pour lui donner plus de chaleur, on est frappé de lire bien après lui, chez Quantz, compositeur flûtiste et pédagogue de la génération de ses fils, la même idée d’une tonalité faite pour le pathétisme : « On a différentes sortes de pièces lentes. Quelques une sont fort lentes et tristes, d’autres ont plus de vivacité (…) Les tons de do mineur, Mi bémol majeur, fa mineur, expriment un sentiment triste beaucoup mieux que d’autres modes mineur ; ce qui fait que le plus souvent les compositeurs s’en servent à cette fin. On emploie au contraire les autres modes majeurs et mineurs pour les pièces agréables, chantantes et pour celles qui n’ont d’autre but que de plaire. » (La citation n’est pas exacte pour faciliter la compréhension, il faut se reporter à l’original).


Pour la première version de Magnificat de Bach, la tonalité de Mi bémol Majeur est en contradiction flagrante avec ce figuralisme du « pathétisme » et sa réputation d’être « une tonalité rebelle à toute sensualité », car la pièce est dans l’ambiance de Noël et exprime avant tout la tendresse. Il y a donc chez Bach une autre dimension pour cette tonalité. À la Noël 1723, pour la tradition de l’inauguration de sa nouvelle fonction de Kantor à Saint Thomas de Leipzig, Bach donna un Magnificat en position de motet avec cinq chanteurs. Cette première version semble plus chambriste, et Mi bémol permettait un jeu brillant plus doux que Ré majeur, il s’agissait peut être aussi d’une question d’accord des instruments, d’une transposition. La tonalité Mi bémol Majeur dans les mains de Bach transforme sa crudité en luminosité et son pathétisme en tendresse. Bach a-t-il voulut suivre les pas de Monteverdi en plaçant la dévotion de Marie dans un contexte trinitaire ? Car Mi bémol majeur est une tonalité à trois bémols, ce qui semble l’élément capital pour faire aimer cette tonalité à Bach. Recopié soigneusement dès 1728, et transcrit en Ré Majeur, tonalité joyeuse et naturelle pour les trompettes, le Magnificat finit par recouvrir sa version définitive en vue de la fête de la visitation du 2 juillet 1733.


Quantz, encore une fois, se fait l’écho du danger de se fixer à une idée précise des couleurs de tonalités ; il signale que personne n’est d’accord sur les effets particuliers des modes ; il en donne l’historique et souligne le fait que les anciens en avaient de très nombreux, avec des gammes différentes ; qu’aujourd’hui, il n’en reste que deux, le Majeur et le Mineur. Pour lui, la seule manière de se convaincre, c’est l’expérience de transposer les morceaux pour savoir si l’effet sentimental varie d’une tonalité à l’autre. C’est exactement l’enjeu des deux cahiers du Clavier bien tempéré de Bach dans les 24 tonalités. Pour Quantz « l’expérience de l’oreille » était encore très signifiante : « Pour moi je me fierai à mon expérience, qui m’a persuadé des divers effets des différents modes, jusqu’à ce que je serai convaincu du contraire. » Jusqu’à Chopin l’on sentait toujours ces différences. À l’époque industrielle, après Brahms et Liszt, comme les colonnes romanes standardisées, identiques au château de Neuschwanstein et à la Cathédrale de Monaco, les tonalités sont devenues jumelles et ne différaient que par la hauteur. Nous avons perdu de la saveur. Mais nous en avons acquises d’autres, grâce à l’extraordinaire capacité du XIXème siècle à passer d’une tonalité simple à des tonalités compliquées avec tant de rapidité.


En définitive, il ressort que c’est à Bach que revient L’honneur d’avoir enrichi Mi Bémol Majeur, de l’avoir « attendri ». Après lui, c’est une tonalité lumineuse et sereine, solaire et tendre. Nous sommes au soir de la vie de Bach : Mi bémol Majeur est aussi la tonalité du sublime choral Schmücke dich ô liebe Seele, à l’écoute duquel Schumann écrivit à Mendelssohn : « tu m’as affirmé toi-même que si la vie devait t’enlever la foi et l’espérance, ce choral à lui seul te les rendrait ».


Cédric Costantino pour presencemusicale.com


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vendredi 15 octobre 2010

L’éducation de Wilhelm Friedemann Bach

Bach était un enseignant sévère pratiquant à la fois des tests d’aptitude et un apprentissage pratique. Son fils cadet, Carl Philipp Emmanuel relate les premières rencontres avec les jeunes compositeurs : « il faisait immédiatement commencer ses élèves avec des œuvres de lui n’ayant rien de facile ; quant aux idées originales, il en exigeait dès le début, et à ceux qui en étaient dépourvus, il conseillait de renoncer définitivement à la composition. Ni avec ses enfants ni avec d’autres élèves, il ne commençait l’étude de la composition sans avoir vu des œuvres d’eux témoignant selon lui d’un talent certain ».

Johann Christian, son frère cadet, raconte aussi de quel objet il était la vigilance : « j’improvisais au clavecin de manière tout à fait mécanique et je m’arrêtai sur une quarte-et-sixte. Mon père était au lit et je croyais qu’il dormait, mais il sauta de son lit, me donna une gifle et je résolus ma quarte-et-sixte. »

Wilhelm Friedemann, fils aîné (né en 1710), jouait l’Allemande en La majeur de François Couperin à deux clavecins, avec son papa. Le 22 janvier 1720, pour honorer les dix ans de ce dernier, Bach rédige un Klavierbüchlein für Wilhelm Friedemann Bach, « petit livre de clavier pour W.F. Bach ». Cet ouvrage pédagogique fondamental s’avéra être essentiel dans l’Histoire de l’Humanité si maltraitée par l’histoire de l’exégèse du Kantor, car il faut attendre la Neue Bach Gesellschaft pour voir apparaître les pièces non expurgées par le souci d’authenticité. Elles seront éditées intégralement par Bärenreiter en1978. Enfin, nous pouvons les considérer autrement qu’un ramassis de petites pièces inabouties ou inachevées.

Ce cahier d’écolier sera tenu par Johann Sebastian et Wilhelm Friedemann jusqu’en 1725-26. Il restera en possession du dédicataire jusqu’en 1746. Sa structure est faite de véritables séquences pédagogiques. C’est une main géniale qui contient l’apprenant dans un premier temps pour le lâcher progressivement et définitivement afin de l’offrir à sa propre créativité !

Suivront les six sonates pour orgue, transmises par un autographe de Bach et une copie que se partagent les mains d’Anna Magdalena et de Wilhelm Friedemann. En 1802, dans sa biographie, Forkel nous apprend que Bach les écrivit exprès pour son fils aîné Wilhelm Friedemann. « C’est en les étudiant que Friedemann se préparait à devenir le grand organiste que je connus par la suite. » L’enfant a alors 12 ans lorsque Bach arrive à Leipzig, en 1723. La mise en forme de ces sonates daterait alors de cette période.

On peut penser que Bach réutilisa tout un matériel de musique de chambre préexistant. On peut aussi penser que ce fut un travail qu’il exécuta directement en enseignant à son fils la pratique de deux claviers et d’un pédalier (notamment sur un de ses trois clavecins pédalier à la maison. Une telle méthode pourrait expliquer ce en quoi Wilhelm Friedemann s’attribua la transcription d’un concerto de Vivaldi. Il est possible qu’il l’ait faite sous la direction de son père.

Dans l’année 1726, alors que son fils a quinze ans et demi, Bach fait donner une série de six cantates avec orgue. La progression en difficulté jusqu’à la septième cantate rend l’orgue virtuose. Il y a alors tout lieu de penser que ce fut en vue de l’épreuve publique pour son fils.

Le 25 mars 1729, à Cöthen, Wilhelm Friedemann participe à l’exécution de la musique funèbre composée par Johann Sébastian en mémoire du prince Leopold, son ancien employeur. En 1730, délégué par son père, il donne des leçons de clavecin au jeune Christoph Nichelmann, ce dernier se chargeant de la théorie et du chant. Pendant ce temps le jeune Carl Philipp Emannuel copie de nombreuses cantates.

Le Café Zimmermann

Wilhelm Friedemann entre à l’université en 1729, il se perfectionne au violon auprès de Johann Gottlieb Graun et joue également aux concerts du collegium musicum ainsi qu’au café Zimmermann dont son père venait de reprendre la direction. Nombre de villes développèrent un Collegium Musicum. Musiciens professionnels et amateurs-étudiants de haut niveau qui s’y réunissaient pour travailler et pour offrir un divertissement aux publics curieux et mélomanes. Ils jouaient sur les terrasses de café pour populariser ce que les grandes cours entendaient en privé : ouvertures, concertos, musique de chambre, arie, cantates profanes.

Suivant le témoignage de Forkel, Bach composa les concertos pour trois clavecins pour ses trois fils avec Maria Barbara, Wielhelm Freidemann (1710-1784), Carl Philipp Emannuel (1714-1788) et Johann Gottfried Bernard (1715-1739) : on peut penser même qu’il rendit hommage aux goûts de chacun d’eux dans les différentes parties de clavecin. Johann Gottfried Bernard, le puîné du premier mariage devait être un interprète très jeune et de première force, il mourra à Iéna alors qu’il cherchait à quitter la carrière de musicien pour celle d’avocat.

Ces années de félicité se ressentiront dans la quête tragique de Wilhelm Friedemann pour trouver son propre style sans renier la profondeur de son père. Le résultat dont témoigne en particulier l’œuvre de clavier, est à la fois torturé et frissonnant.

Cédric Costantino pour presencemusicale.com




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dimanche 8 août 2010

l'exposition Munch "l'anti cri" à la pinacothèque de Paris

Ce titre est beau, il est faux cependant, tout est cri chez Munch. Il est faux aussi de dire que le cri a caché le reste de l'oeuvre de Munch quand toute l'oeuvre va au cri pour retourner au cri.

Munch ne s'est pas toujours intéressé qu'au cri, parfois il fut serein, toujours quelque chose de beau ou de virtuose donne un intérêt à son oeuvre quotidienne.

Mais c'est le désespoir acharné qui jalonne régulièrement ses recherches, ici et là, de chefs d'oeuvre sublimes, jaillissants, comme des instants échappés de son inconscient.

Trop simple d'évoquer les ombres inquiétantes, les formes floues qui juxtaposées aux visages donnent une double interprétation morbide comme si la mort avait fait une photo en surimpression. (Ah, et aussi cette ombre noire qui est un monsieur lubrique et méchant à triple visage, se frottant à une grosse femme naïve, l'inverse des femmes vénéneuses si nombreuses.)

Mais cette rage à creuser le tissu de la toile plus loin que la couche de peinture, comme pour la crever, juste pour peindre l'ombre de la neige, ou bien ce pin jaune gisant à terre, écorché de son écorce au milieu des verticalités obsessionnelles.

Et, à en pleurer ! sur le tissu de la toile vierge, cet enfant qui agite, insouciant, un voile de sable blanc tandis qu'accroupi derrière lui l'adolescent semble accablé.

L'adolescent à gauche, accroupi, l'enfant debout lui tournant le dos à droite : suivre le sens de la lecture serait-il suivre Freud et le blanc agité par l'enfant, est-ce la douleur du premier vécu ?

A côté, serré par le bleu de la mer, un autre adolescent debout et solitaire des autres agenouillés sur un complot commun : l'exposition tourne au tragique.

Partout Munch n'a jamais cessé de racler le visage de l'enfant malade aux beaux yeux-bleu.

Oui partout chez Munch le sapin blanc des vers orphiques.


jeudi 29 juillet 2010

Réquisitoire pour faire bouger les volontés à Nice


(Suite à la réponse négative de Mgr Pontier, métropolitain, à l’appel précédent).

Je voudrais le thématiser, ce réquisitoire, sur l’amour dans l’agir. Car ce n’est pas une chose aisée, tant selon le mot d’Emmanuel Bellanger, « nous avons raison tous ensemble et non seul ».
Je ne partirai pas d’emblée sur l’explication de l’expression « amour dans l’agir », mais poserai au fur et à mesure les jalons de la transformation de la pensée qu’il faut pour que l’on puisse agir chez nous, à Nice, suivant l’enseignement reçu à l’Institut Catholique de Paris.
Entre autre pour illustrer mon propos, je retiens de cet enseignement, parmi les notions historiques dans les cours sur le chant Grégorien de Dom Saulnier, la publicité par le pouvoir carolingien d’un antiphonaire prétendument authentique et trop lointain pour être vérifiable, là-bas à Rome, dans un local de la Scola Cantorum du défunt Pape Grégoire, bien utile pour labelliser le métissage de Rome et du chant Gallican qu’on ne pouvait éradiquer, bien utile pour promulguer universel cet hybride inattendu. Et je suis loin de retenir cet élément par hasard : les carolingiens ayant compris qu’ils pouvaient mieux encore faire l’unité du peuple par la culture que par la guerre et cette unité ce faisait par le chant.
De même ce n’est pas un hasard si je retiens le parallélisme de cette tendance carolingienne avec les buts de la restauration-reconstruction au XIXème du chant dit grégorien, bientôt proclamé par Pie X comme particulièrement propre à l’Eglise, toute chose dont nous a parlé Rémy Campos à l’Institut Catholique et qu’à Solesmes j’ai pu toucher du doigts dans les ouvrages de Dom Mocquereau, ouvrages si décriés de nos jours et dont le seul but était de trouver une méthode et des règles faciles pour faire sentir la souplesse de la langue latine à tout un peuple.
C’est que tout cela, préfigure plus qu’on ne le pense Vatican II : tout cela montre combien la ferveur du chant et de la musique fait corps, combien l’agir du musicien participe à l’église en tant que corps. Que cet agir ne peut être mis en œuvre que par la foi de toute l’église en tant qu’elle est un corps. Combien le musicien que je suis adhère au projet de l’Eglise : tel, cette année, a été également à l’Institut Catholique l’enseignement de Pierre Barthez.
Voilà que cette année donc, j’ai cherché à situer mon agir en tant que ministère dans la propre activité du Christ lui-même, quand, là, présentement, dans la célébration « le fils se communique et donne à célébrer sa propre relation au père » (Pierre Barthez). Bach savait cela. Chacun de nous musicien peut aboutir par son travail à l’excellence dont témoigne l’enseignement pédagogique de Bach, dévoué à la sainteté. Jusque dans son agir hors de l’église, envisageant toutes conséquences « ramifiantes » en tout domaine, sacré, profane, en tout instant de vie.
Aussi l’agir de chacun ne peut s’arrêter à soi-même. A l’exemple du Christ l’agir est pour tous. Mon « je » n’est certes pas suffisant, développons ce qu’il représente dans ce projet et l’on verra qu’il faut un « tous ».
Je suis venu au CML, mandé par mon église de la Côte d’Azur, afin d’avoir les outils pour essayer de lancer une formation des organistes liturgiques dans le Sud de la France. Ou bien si l’on envisage moins utopiquement : mes études tendent vers l’acquisition d’un diplôme permettant de montrer patte blanche dans mon Diocèse. Car même mon Diocèse n’est pas tout acquis à la cause où il m’a envoyé puiser, il a tout à construire, il veut être sûr de qui va le persuader de créer sa Commission Diocésaine de Musique. Or, ce projet de la Commission Diocésaine de Musique ne pourra se faire, entre autre, qu'avec un diplôme à l'appui du membre le plus actif pour être crédible auprès des instances de l'Evêché.
Serais-je cette personne ? J’en doute fort, l’humilité doit bien me persuader que je n’ai pas les qualités requises : elles sont d’abord d’autorité. J’ai donc échoué à cette tâche. Cependant, je peux avec chaleur exhorter d’autres mieux dotés en tempérament à suivre la même voie que moi, la mieux tracée , la meilleure : suivre l’enseignement de l’Institut Catholique de Paris pour la liturgie et la musique liturgique afin que, fidèles à Vatican II, nous puissions ici à Nice nous organiser efficacement et saintement tous ensemble.
Chez nous, je l’espère (tel est le meilleur plan que le Vicaire général, le responsable de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle et moi-même, en tant que responsable de l’orgue, avons pu dessiner), la Commission Diocésaine de Musique commencera par une Commission de l’Orgue qui reprendra le flambeau de celle défunte en 1974, avec la participation de son ancien président, René Saorgin, organiste honoraire de la cathédrale de Monaco, et professeur honoraire du conservatoire de Nice.
René Saorgin : étant proche de lui, j’ai sollicité sa retraite. Plus que moi, aux yeux de l’évêché, il est une caution . Le Vicaire général cosignera la lettre d’Etats-généraux des organistes liturgiques, écrite par le père Filippi, responsable de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle, relue par René Saorgin.
En compagnie donc de mon vénérable ancien professeur, Maître Saorgin, et tout comme lui, je suis très conscient que je vais bâtir les choses mais que d’autres que moi seront responsables au bout des chaînons du travail, tant les imbrications diplomatiques sont nombreuses à Nice et j’en appelle à tous les organistes d’ici pour s’interroger eux même sur leur volonté d’engagement. Ma présence, du moins au départ, fera que les choses auront pour racines les acquis de l’ISL de Paris, celle des autres fera le succès de la nouvelle structure.
Quant au projet d’une association azuréenne de la formation des organistes liturgiques vite affiliée à l’Association Nationale de la Formation des Organistes Liturgiques, je l’ai défendu désespérément à la réunion interdiocésaine des PLS de la région Provence. Cependant j’étais seul et sans autorité. Vous avez ici jointe la réponse du Métropolitain, Monseigneur Pontier. Il n’y a pas lieu, dit-il, de créer une structure régionale, il vaut mieux travailler avec la structure nationale. J’en appelle à vous, Emmanuel Bellanger, à l’ANFOL. La structure nationale désire-t-elle travailler avec la région ? Répondra-t-elle au désir du Métropolitain ? Doit-on envisager, lors de la réunion constitutive de la Commission de l’Orgue du diocèse de Nice, de proposer une motivation de l’ANFOL à travailler en liens serrés avec cette nouvelle commission ? Et les activités porteront-elles le nom de cette AZURFOL ou FAZUROL que les évêques du sud ne souhaitent pas pour l’instant voir naître comme association indépendante, même pour un bref temps, de l’association nationale ? Ou bien serrait-ce l’ANFOL qui, en prompt renfort, expliquera directement aux autorités ecclésiales le bien fondé de mon idée ?
A toutes ces questions je réponds que le mieux et que nous créions ensemble, sur Nice, cette association FAZUROL que j’ai décrite dans un autre article : « Pour la réouverture d’une commission de l’orgue au diocèse de Nice et la création d’une formation des organistes liturgiques. ». Et je ne suis pas le seul à y répondre, car les ayant posées à MM Emmanuel Bellanger et Pierre Barthez, ils répondirent à la volonté de Monseigneur Pontier en affirmant qu’ils soutiennent le beau projet de FAZUROL et qu’ils sont ouverts à toutes les propositions des Evêques du Sud de la France pour travailler avec les structures nationales dont ils sont les ambassadeurs : l’ANFOL (Association nationale de la formation des organistes liturgiques) et le SNPLS (Service nationale de la pastorale liturgique et sacramentelle).
Allons, l’amour dans l’agir ! Gens de Nice, vous ne souhaitez pas que Paris, que la France dise : « Il est certain que dans le sud de la France, il n’y a pas d’entrain commun à construire du nouveau, l’immobilité, la pérennité des situations anciennes ont souvent plus de force que les enthousiasmes. » ? Gens du Sud, je voudrais vous entendre dire vous-même : « Il faut temps, patience, amour, organisation, persuasion, ne pas avoir raison seul mais en commun. Il faut de l’énergie. » !
Ici la question se pose sur la priorité de l’énergie, et d’autant plus après un beau Synode : « témoigner, croire, servir ». Servir.
Il m’est arrivé de penser à l’énergie d’un Saint. J’ai été frappé de la figure de Saint Damien de Molokaï au point de faire la veillée de Noël des enfants de Beaulieu sur son histoire. Ce n’était pas triste du tout, avec, à la fin, cette princesse Liliuokalani déposant des dons, sa sœur, des vêtements, son ministre des médicaments, aux pieds de la crèche du Jésus des lépreux. Si l’urgence, l’immédiateté, c’était le combat de la charité envers ces malheureux, il n’en demeure pas moins que Damien lutta aussi pour l’adoration perpétuelle à Kalawao de Molokaï, et celle-ci qui aurait pu paraitre, en superficie, plus secondaire, contribua si sublimement à la renaissance des âmes malades.
Il en est de même partout. Déjà dans ma propre église de Beaulieu, où les tuyaux de mon orgue (digne de la beauté liturgique) s’effondrent mais sont moins prioritaires que la construction de la chapelle d’Eze. Le choix sera peut-être de laisser mourir l’orgue. Il faudrait créer dans cette paroisse un élan de fraternité, faire naître le sentiment de bâtir une seule et même Eglise, de la chapelle à l’orgue, et cette construction musicale qui paraissait moins immédiatement utile, pourrait alors s’insérer dans le cœur de la communauté.
Il en est de même pour la formation des organistes liturgiques dans la région Provence Alpes Côte d’Azur. Certainement suivrait-on plus une aura qui se dévouerait aux plus malheureux et qui secondairement tiendrait aussi à aider les communautés les plus démunies dans leur droit à une belle liturgie avec musique.Alors cette personne dont l’énergie toute entière est tournée dans le seul but de la charité pourrait être utile à un tel projet. Elle pourrait avoir l’autorité nécessaire (dans le sens de faire grandir) comme Saint Damien l’eut pour mille projets sur son rocher de Molokaï. Je ne dis pas qu’il faudrait un Saint, mais un homme entièrement voué, dans toutes ses forces, à l’émulation du Christ : un prêtre peut-être.
Je me suis posé la question s’il n’y avait pas de but plus noble que la musique dans ma propre vie. Il faut beaucoup d’énergie pour être dans la musique et il en reste peu pour déplacer la montagne de la Sainte Victoire. Et ce n’est certes pas au terme d’une formation qui m’a soutenue dans l’acceptation d’être enfin musicien que je vais changer la direction de mon fuseau d’énergie. Mais j’en appelle ici aussi aux prêtres de Nice : n’oubliez pas la musique, beauté au service de l’amour du Christ : agissez avec nous, musiciens, pour que le diocèse se dote des instruments adéquats à dispendre la beauté sur le cœur des chrétiens, des instruments qui sont la voix de la communauté du ciel quand nous sommes celle de la communauté d’ici bas.
Je ne suis donc ni l’autorité nécessaire pour faire bouger les volontés, ni un prêtre pour obtenir les adhésions par une belle pastorale, tout au plus puis-je faire l’orateur de ce réquisitoire envers les futures grandes volontés du sud pour ces projets. Pour ces projets pourtant, qui m’ont fait venir étudier à Paris, je ne baisserai pas les bras, non ! Mais au contraire, je réalise qu’il faut plus d’humilité et d’amour dans l’agir : et je m’adresse à vos cœurs de musiciens.
Voilà bien ici définie la notion dont je parlais au départ : l’amour dans l’agir. Avoir vocation de musicien, être plus humblement, mais avec autant d’amour, au service du Christ et de l’Eglise. Accepter de voir, (pourquoi pas ?) mourir l’orgue de Beaulieu-sur-Mer sans colère . Accepter qu’il faille encore des années avant que les évêchés du sud soutiennent ensemble une formation liturgique organisée de leurs organistes et un certificat au terme. Accepter qu’ici les sublimes phrases sur l’orgue de Sacrum Consilium ne touchent pas tant les cœurs qu’on le rêverait… attendre… mais puiser son bonheur dans la joie des enfants qui ont joué la veillée de Noël sur Saint Damien et qui s’en rappelleront toute leur vie, c’est assez.

ANNEXE
courriel du Père Stéphane Cabanac Arles, le 19 janvier 2010
12 rue du Cloître
13200 ARLES
Objet : lettre aux délégués diocésains de PLS - AS - ML
Chers amis,
(…)
J’ai eu Mgr Pontier au sujet de la proposition de Cédric Costantino.
Il ne lui semble pas indispensable de créer quelque chose au niveau provincial car il existe une structure nationale et il vaut mieux travailler avec elle.

Je vous souhaite une sainte et heureuse année.

lundi 26 juillet 2010

A l'attention des évêchés du sud: propositions de création d'une association à la dimension interdiocésaine pour Formation des Organistes Liturgiques

PROPOSITIONS POUR LA CREATION D’UNE ASSOCIATION A LA DIMENSION INTERDIOCESAINE POUR LA FORMATION DES ORGANISTES LITURGIQUES & POUR UNE FUTURE MISE EN PLACE D’UN CERTIFICAT DES ORGANISTES LITURGIQUES DANS NOS DIOCESES DU SUD-EST DE LA FRANCE

PRELIMINAIRE : LE LONG TRAJET DE L’ORGANISTE POUR ACQUERIR L’ATTITUDE LITURGIQUE DANS SON AME.

« Comment mieux définir la tache de l’organiste liturgique ? » dit Claude Duchesneau dans la plaquette de l’ANFOL[1], toute neuve intitulée Orgue éveille-toi ! « il est celui qui, dans la célébration, crée le beau en fabriquant de l’utile. » Définir ce beau et cet utile demanderait des pages, mais primordialement, ce beau et cet utile demandent une attitude, celle d’être ministre au service de la liturgie.

Quelques extraits des propos du Père Barthez à l’Institut Catholique de Paris permettent de réaliser l’importance et la longueur du trajet allant du savoir-jouer au savoir-être de l’organiste :

« Le culte liturgique est l’intercession médiatrice, sacerdotale du Christ auprès du Père pour son Eglise et par son Eglise. Il reste le sujet propre et premier de la liturgie de l’Eglise. L’assemblée se constitue dans la célébration comme intermédiaire, en servant, célébration dans laquelle le Fils communique et donne sa propre relation au Père. Il nous faut ainsi tous nous insérer dans la glorification du Christ qui nous rend Dieu présent. Là se loge le ministère de la vie musicale dans l’Eglise. Le service, c’est la mise en présence sacramentelle du propre sacerdoce rédempteur du Christ. Ce sacerdoce opère une relation directe entre Dieu et l’Homme et donc la liturgie réalise en nous la relation du Fils au Père, elle l’effectue afin d’acquérir pour nous aux yeux du Père la conformité à l’image de son Fils, afin que le Fils soit le premier né d’un grand nombre de Frères, Rom., 8, 29.

Chacun participant à sa mesure au ministère, l’organiste, le chantre, la musique et le chant, sont ainsi fédérateurs de communauté. Une aide des individualités au passage en communauté. Combien avons-nous à le vivre ! Combien de batailles disparaitraient si nous savions nous situer comme ministres dans la propre activité du Christ lui-même. Puisque nous devons nous situer dans un ministère, notre tâche est de nous approprier le Sacrifice. Rappelons-nous ce que les prêtres, ces ministres ordonnés, disent in petto : « humbles et pauvres, nous te supplions que notre sacrifice se retrouve devant toi. » Aussi lorsque le culte liturgique est défini de la sorte, il ne peut jamais être le fait de quelqu’un d’isolé. Un engagement, un ministère n’isole pas ; s’il isole, il y a une faille. Le Christ n’a pas accompli son sacrifice comme individu isolé mais comme tête de l’humanité, et nous continuons tous en tant que tête de l’humanité nouvelle. Il nous a pas simplement rendu enfant du Père mais rassemblés aussi en tant que Frères. […]

Il y a un pouvoir qui est en la communauté sans être d’elle : ce pouvoir est celui que le Saint-Esprit déploie dans l’Eglise en réponse à sa Foi d’Eglise, la foi de l’ensemble des membres, se laissant rassembler par l’Esprit et se reconnaissant rassemblés par lui. Notre ministère, ce pouvoir d’agir est le fait de l’Esprit, il est dans l’Eglise sans venir d’elle. Cet agir fait exister l’Eglise en tant que corps et il ne peut être mis en œuvre que par la foi de l’Eglise entière. Nul ne met en œuvre ce pouvoir qui est dans l’Eglise s’il ne conçoit ce qu’il doit faire dans le cadre de l’Eglise. Entrer dans l’intelligence, au moins d’une manière intellectuelle, du projet de l’Eglise, est le devoir de l’organiste et du chantre. Ainsi Fauré, quoique agnostique, mais parce qu’il fut écoutant, est celui qui nous rappelle la parole de l’Eglise après une longue période de contre-sens sur le texte du Requiem. « Qu’est ce que l’Eglise veut dire ? Je vais essayer de mettre en musique ce que veut dire l’Eglise ». Voilà la question fondamentale que d’autres, parfois bien plus convaincus, oublient. »

La charte des organistes donne les règles pour adhérer au projet de l’Eglise.

Après avoir situé l’orgue dans le « dialogue permanent entre Dieu et les hommes » et insisté sur le long héritage culturel de l’orgue dont sont aussi héritiers les claviéristes des synthétiseurs modernes, la Charte des organistes place l’organiste comme serviteur de la liturgie : « même modeste ou peu expérimenté, il donne vie, bien mieux que toute musique enregistrée à l’action liturgique dont il perçoit ou prévoit le déroulement. »

L’organiste doit être accompagnateur du chant de l’assemblée, interprète des œuvres du répertoire et improvisateur : « il donne à la liturgie une dimension poétique nécessaire », notamment en préludant au chant et en prolongeant le chant par un postlude. Il est serviteur d’une communauté, agissant en concertation donc connaissant la liturgie et participant à la mise en œuvre. « Dans le cas des mariages et funérailles, il sait accueillir les familles pour l’élaboration du programme musical ». Avec l’affectataire, il participe à l’entretien de l’orgue, a son rayonnement culturel. Son recrutement, bénévole ou salarié, se fait « en concertation avec des conseillers musicaux et des membres des services diocésains. ».

Sa formation est musicalement « sanctionnée par un diplôme », liturgiquement et pastoralement prise en charge par « des services diocésains ». « Ces formations initiales doivent être régulièrement entretenues par des actions de formation ». « La communauté paroissiale se fait un devoir de participer au financement d’un complément de formation ». Il faut investir dans les jeunes, « il faut penser qu’une formation acquise servira ailleurs ». En contre partie, l’organiste veillera à la transmission de ses acquis, il peut être agent pastoral.

PROJET D’UNE ASSOCIATION DE FORMATION DES ORGANISTES LITURGIQUES POUR LA PROVINCE

Un moyen : créer un service fort de formation liturgique des organistes regroupant les diocèses du sud.

Une association loi 1901, qui aurait une approbation des évêques, pourrait se bâtir grâce à leur permission de recruter - à travers les antennes diocésaines de communication, dans le corps des chrétiens engagés - une équipe de bénévoles motivés pour la faire fonctionner. Cette association, soutenue par les diocèses, pourrait jouer un rôle fort pour la formation des organistes liturgiques. Elle trouvera vite, par sa taille et son action, un soutien de l’Association Nationale de la Formation des Organistes Liturgiques, l’ANFOL, à laquelle notre association pourra s’affilier. Elle sera alors à son tour un vecteur immense pour soutenir chaque diocèse dans la création d’un Certificat d’Organiste Liturgique.

Un but : le Certificat d’Organiste Liturgique dans chaque diocèse

Ce certificat, labélisé par les évêques, délivré par les Pastorales Liturgiques et Sacramentelles ou les Commissions Musicales des diocèses, pourra être une garantie de qualité liturgique des organistes pour les prêtres et les communautés qui le souhaitent. Nombre de craintes faisant abandonner les orgues disparaîtront ; nombre de tribunes muettes, faute de candidats qualifiés, pourront ainsi retrouver vie. Il ne s’agit pas d’en faire une obligation : mais les organistes informés et désireux de s’investir dans la liturgie s’y engageront volontiers.

Un nom, une structure pour cette association

Nous proposons comme nom AZURFOL : « Azuréenne de la formation des organistes liturgiques ». On peut aussi proposer FAZUROL : « Formation azuréenne des organistes liturgiques ». Mais le nom de AZURFOL semble s’inscrire dans la lignée de l’ANFOL et son antenne francilienne, FRANCIFOL.

Elle regrouperait les activités pour la formation des organistes liturgiques locales à chaque diocèse, parfois déjà existantes, avec en plus une rencontre-séminaire annuelle, centralisée sur Nice, faisant appel aux organistes et liturges nationaux, membres de l’ANFOL, du SNPLS, des Instituts Catholiques.

Elle fonctionnera avec une équipe de bénévoles se chargeant de structurer l’enseignement, les rencontres, de publiciser la formation. Les enseignants, eux, seront salariés ou bénévoles.

Les frais ne pourront donc pas dépasser un salaire raisonnable d’enseignants motivés ainsi que les frais d’organisation de la grande rencontre annuelle, parfois le défraiement du trajet pour aller aux cours locaux, quand les élèves organistes, ou la paroisse désireuse de formation, ne peuvent les assumer.

Contenu de la formation locale et provinciale.

Chaque diocèse, soutenu par l’association et la soutenant (en lui déléguant cette tâche), organiserait une formation locale. Une fois par an, un séminaire provincial proposerait un stage. Dans les deux cas l’enseignement serait le suivant :

Un enseignant pour sonner l’orgue : il faut en effet apprendre tout simplement à jouer la musique pour les bénévoles amateurs ; il faut tout autant apprendre à bien accompagner le chant, discipline nécessaire pour tous, y compris les professionnels qui reconnaissent avoir besoin d’apprentissage en ce domaine.

Un enseignant pour s’adapter à la liturgie : il faut apprendre à transposer pour suivre les voix des prêtres, de moins en moins connaisseurs en chant ; il faut apprendre à cadencer[2] les œuvres de toutes époques pour rester étroitement lié aux temps de l’action liturgique ; il faut apprendre à improviser pour rythmer la liturgie d’une aura poétique.

Un enseignant pour prier : il faut une connaissance des temps liturgiques, mais avant tout une connaissance de la liturgie ; il faut une conscience nette de sa posture de ministre et au minimum une « adhésion intellectuelle au projet de l’Eglise. ». Catéchèse et liturgie vont de paire dans cet enseignement.

Qui va payer la formation ?

a) Les paroisses

Selon la Charte des organistes, « de nombreuses paroisses, disposant d’instruments modestes, sont heureuses de bénéficier du concours d’un organiste. Si ses compétences sont inférieures à ce qu’on pourrait souhaiter, la communauté paroissiale se fait un devoir de participer au financement d’un complément de formation, en musique comme en liturgie, pas seulement par solidarité, mais par nécessité d’assurer l’avenir. Ainsi, elle montre sa reconnaissance pour les services rendus. La formation d’un organiste s’inscrit dans la durée comme toute formation permanente. Il faut envisager de telles actions de formation avec une perspective de service d’Eglise, particulièrement pour les jeunes. En effet, beaucoup trop de paroisses hésitent à investir dans la formation d’un jeune qui risque ensuite de partir s’installer ailleurs. Il faut penser qu’une formation acquise servira ailleurs ; il faut donc dépasser les réalités locales. »

b) Les dons

Le soutien des évêques à l’association est fondamental et fondateur en ce domaine. Car c’est par lui que l’association pourra faire appel, à travers les voies de communication diocésaines, aux dons qui doivent être exempts de contreparties : seuls ces dons pourront permettre aux paroisses sans moyens d’envoyer leurs organistes sans moyens en formation. L’appel à la solidarité et à la charité doit aider les églises qui se trouvent dans le dénuement et ont droit à la beauté liturgique.

Certes des concerts avec les enseignants et les élèves ne manqueront pas d’être organisés pour scander les progrès annuels et ce, pour la joie des donateurs, cependant le don doit être lui aussi envisagé dans une perspective de service d’Eglise.

FRANCIFOL, il est important de le rappeler, fonctionne par des subventions d’associations caritatives. Il y a donc lieu de repérer quels mouvements caritatifs pourront et seront désireux de soutenir les paroisses qui n’ont pas d’argent pour former leurs organistes. Une paroisse riche, bien dotée en organistes, peut aussi décider de contribuer à aider une paroisse pauvre de village à la formation du sien.

c) Les organistes qui en ont les moyens

Parfois, l’organiste, bénévole dans sa paroisse, sachant les difficultés financières de la communauté, apte à en supporter le coût, peut être amené à participer lui-même aux frais de bon cœur.

CONCLUSION SUR LA NECESSITE DE SE REGROUPER VIA UNE SEULE ASSOCIATION POUR LA FORMATION ET UN SOUTIEN DES EVEQUES POUR LA CREATION DU CERTIFICAT DES ORGANISTES LITURGIQUES DANS LEURS DIOCESES.

C’est le moment, après la création de la Charte des organistes, le succès du Certificat de Musique Liturgique que propose l’Institut Catholique de Paris, la laïcisation de l’enseignement de l’orgue dans les conservatoires, d’être unis dans une seule et même action. Cette action au service des églises et des organistes dans le Sud de la France, permettra de définir un seul interlocuteur : la nouvelle association. Il est important que cet interlocuteur soit fort et bien personnalisé, soutenu par l’ensemble des diocèses. C’est à lui que viendront les organistes quand ils ont besoin de savoir comment jouer à l’Eglise, quand ils ont besoin de vivre leur service dans l’intelligence de la Foi[3].

Une association structurée, forte, soutenue par les diocèses, et préparant à un Certificat proposé par les diocèses, voilà le but de cet exposé pour que les organistes participent de plus en plus et de mieux en mieux « à la présence sacramentelle du sacerdoce rédempteur du Christ ».




[1] L’Association Nationale pour la Formation des Organistes Liturgiques.

[2] C'est-à-dire faire des accords conclusifs à n’importe quel moment d’une belle pièce dans le style de cette pièce pour s’arrêterr quand l’action liturgique le nécessite.

[3] Et, espérons-le, pour la plus grande part, quand ils veulent participer dans leur ministère à la Foi même.

mercredi 21 juillet 2010

Pour la réouverture d’une commission de l’orgue au diocèse de Nice et la création d’une formation des organistes liturgiques.



QUI ?

La commission de l'orgue dans le cadre de la PLS sera habilitée pour deux actions, la formation des organistes liturgiques et l’avis consultatif pour la restauration et la création des orgues. Elle sera crée après consultation par une réunion-audit des organistes liturgiques les plus importants par un courrier de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle.

Elle cherchera à s’adjoindre le soutien et l'aide du service nationale de la pastorale liturgique et sacramentelle (SNPLS) et de l'association nationale de la formation des organistes liturgiques (ANFOL).

QUOI?

1) En premier établir une formation des organistes liturgiques, avec à la clef, si l’évêque le souhaite, un certificat d’organiste liturgique.
Le nom de cette formation : FAZUROL, formation azuréenne des organistes liturgiques, possibilité de l’appeler aussi AZURFOL, azuréenne de la formation des organistes liturgiques, sur le modèle de l’ANFOL, association nationale de la formation des organistes liturgiques, et de FRANCIFOL, francilienne de la formation des organistes liturgiques.
Liée à la commission de l’orgue, cette formation s’organisera en association loi 1901 et pourra s’affilier à l’anfol dans l’avenir : l’anfol est ouvertement intéressée par le projet, notamment via Emmanuel Bellanger. Monseigneur Barthez, dans le cadre de l’institut catholique de Paris, section certificat de musique liturgique, a qualifié ce projet « de très beau et prometteur ».

Fazurol sera une école qui propose suivant le niveau des élèves à :

- apprendre l'harmonie pour l'accompagnement des chants et savoir transposer.

- apprendre à jouer et à cadencer les morceaux classiques.

- apprendre à improviser.

- connaitre la liturgie et les temps liturgiques.

Les élèves suivront les cours réguliers du professeur d'orgue et des stages sur la liturgie et les temps liturgiques.

2) En second établir prendre en charge pour le diocèse les dossiers de restaurations et de constructions des orgues avec un fort avis consultatif, selon les cadres de la législation et de la charte de organistes. En effet si l’organiste titulaire est le plus habilité pour l’entretien de son orgue, il a souvent besoin du soutien de l’évêché quand il y a péril, ce soutien manquant dans notre diocèse. Elle représentera un élément important du poids de l’affectataire dans les choix établis. Du reste la réunion-audit permettra de bien définir son action en ce domaine.

QUAND ?

L'année prochaine après une publicité menée par l'évêché.

OÙ ?

Sur un orgue évidemment. Choisir lequel dépendra des professeurs établis.

COMBIEN ?

Le tarif de l'enseignement normal en passant par une déclaration de l'évêché : 25 euros net le cours. Cependant trouver des mécènes pour le projet n'est pas interdit pour aider les paroisse pauvres et les organistes démunis à suivre la formation, ce sera la nécessairement le travail principal des bénévoles qui s’occuperont de l’association créée pour cette formation des organistes liturgiques.

lundi 19 juillet 2010

Trompet volontary de Purcell

Sur le pas de sa porte un boucher niçois siffle le trompet volontary de Purcell.
Y sont notes inégales et appogiatures.

mercredi 14 juillet 2010

Feux d'artifice et nounours domptent la terreur

Il fallait voir hier soir les feux d'artifices de la couronne parisienne sortir de toute part des toits de la capitale, c'était, stylisé, comme si les immeubles brûlaient et l'on ne pouvait s'empêcher de songer aux images de la destruction de Varsovie. Et pourtant c'était grande joie, belle poésie... Le ciel avait beau retentir de coups de canon dont la rumeur eut fait frémir le Paris de 1944, c'était tranquillité, réjouissance : et ce matin aussi, ces avions en ballet aligné, au lourd bruit inquiétant : inoffensifs et protecteurs ! Et que fête-t-on ? le 14 juillet, oui jour de joie, de libération, de violence aussi, précurseur bientôt de la terreur.
De même dans le Paravent des âmes du purgatoire, le père peintre regarde brûler sa fille dans un feu d'artifice subjuguant comme il avait demandé à l'empereur de brûler une courtisane coupable dans un carosse royal pour pouvoir finir son tableau. La beauté de l'art l'emporta sur la cruauté vicérale du fait.

Voici donc la fonction profonde et première de cette maîtrice du feu fait beauté et fascination : que les petits enfants frappent des mains, sur les remparts de leurs balcons et s'endorment tranquilles, tout rassurés parce que l'homme si sauvage est art.
Feu inoffensif, danger à jamais dompté, bêtes sauvages domestiqués, frayeur conjurée.
Qu'est-ce qu'un ours ? Voyez ses squelettes au Muséum de l'Histoire Naturelle : un monstre dangereux, aussi grand, aussi effrayant que les dinosaures qui sont exposés en face ou bien dans l'exposition "à l'ombre des dinosaures".
Le voici transformé en nounours le meilleur compagnon des petits, la sécurité.
De même, Porte de Versailles, on veut impressionner les enfants avec les grandes dents en plastique des monstres crétaciens. Ils sont là grandeur nature, avec des ventres qui respirent et des yeux qui clignotent - mais de nos jours ont a peu le goût de la finesse et leurs couleurs sont d'un vulgaire kaki militaire, leurs plumes des fourrures, on s'arrête à ce que l'on s'imagine suffisant pour les yeux d'enfants, dommage... et l'on finit par un film en trois dimensions pour avoir très très peur et s'y croire. Bienvenus au pays des monstres !
Revenons à l'exposition du Muséum d'Histoire Naturelle, à la grande galerie de l'évolution "à l'ombre des dinosaures" où nous fûmes petites souris aux pieds d'un gigantesque lambéosaure et d'un terrifiant albertosaure. Dans la librairie on vend des peluches de dinosaures toutes attendrissantes, de beaux ornithoryncs, un mammifère aux doux yeux gigantesques, notre petit coeur fond, nous voici tranquilles, sécurisés: bienvenus au pays du Monstre Gentil et c'est la paix en ce 14 juillet.

lundi 1 mars 2010

Un sermon de Bach : les chorals dits de "Leipzig"

Epures, tel est l’aboutissement d’une vie entière à commenter les paroles des cantiques luthériens. A la mort de Bach, des liasses manuscrites furent recueillies : six sonates en trio pour son fils Wilhelm Friedmann, dix-sept chorals consacrés à Jésus sauveur empli de l’Esprit Saint, un choral de la Nativité à variations canoniques et un ultime choral corrigé sur le lit de mort : Vor deinen Thron tret’ich « Devant ton trône je comparais ».
Une longue prière.

Placés sous le signe J.J. « Jesu Juva », seul nom qu’ils devraient posséder, les dix sept chorals de Leipzig oublient presque le figuralisme attaché aux mots précis pour exprimer plutôt la quintessence de l’éthos à travers la plus grande science spéculative sur la durée du temps. Ainsi Bach opère une stylisation élargie des nobles rythmes français d’allemande, de sarabande, etc. Il réalise encore une spatialisation plus poussée que jamais du contrepoint et de la couleur de l’orgue allemand. Mais la spéculation sur le temps est aussi celle d'un long discours à travers les matériaux composites et vécus toute une vie au quotidien des chorals. Car, en partant in extenso de la lecture intégrale de tous les textes mis en musique par Bach et dans l'ordre tel quel, le discours de ce recueil possède la structure d’un Psaume de David paraphrasé en confession de foi chrétienne, on pourrait le résumer :
Esprit Saint nous t’appelons, nous sommes abandonnés mais notre cœur s’apprête à être pur, tournes-toi vers nous par l’intermédiaire de l’Agneau de Dieu, nous lui en rendons grâce. Dieu nous tend la main, nous attendons sa venue de par le Fils, lui qui est parti du Père pour retourner au père et nous l’en louons. Maintenant est une grande paix : trois fois gloire à Dieu car Jésus Christ nous délivre en faisant venir le Saint Esprit sur Nous.
Nous vous invitons à lire l'intégralité des textes de chorals pour approfondir cette prière. C'est donc un long sermon en musique que ce cycle, la liturgie y est autre que l'exacte observance des temps liturgiques. C'est une liturgie au second degré. Par exemple, Le célèbre Nun Komm der Heiden BWV 659, « Maintenant vient le sauveur des païens », est le neuvième des dix-sept chorals ; dans l’appel au Saint Esprit à travers Jésus que forme ce corpus, il exprime l’attente. Il ne s'agit donc plus de le jouer pendant le temps de l'Avent comme on le fait d'ordinaire, mais de le jouer comme une citation dans le long discours du recueil de Leipzig qui lui même pourrait être interprété à la Pentecôte, s'il fallait lui donner un temps liturgique - mais le temps liturgique par excellence de Bach n'est-il pas celui du Gloria et de la proclamation de la Trinité, c'est à dire tout les jours ? C'est donc une relative trahison de considérer isolemment chacun de ces chorals, il faudrait au contraire considérer le tout tel une longue symphonie, un prêche en musique.
Le dix-huitième Choral.
On a parlé de numérologie et c'est souvent qu'on parle des dix-huit Chorals de Leipzig. Mais quel est ce dix-huitième choral ? Pourquoi ne pas rattacher ce cycle avec le précédent, les variations canoniques, hommage à la Nativité ? Toutefois il est bien plus raisonnable de bien ajouter à ce cycle dédié au souffle divin le dernier choral écrit très mythiquement par Bach, Vor deinen Thron tret'ich. On sait qu'il le dicta sur son lit de mort, que ses fils le firent graver avec son autre titre "Quand nous sommes dans une extrême détresse" en fin consolatrice de l'art de la fugue inachevée. Et que des témoignages disent toute l'importance du changement de titre voulu au dernier instant par Bach. Mais revenons à notre recueil de Leipzig. Dans le cycle donc "Jesu Juva", ce dernier choral est hors thème et dernier souffle, mais toutefois au coeur de l'Espérance ardente qui anime les autographes de Leipzig. "Devant ton Trône je comparais". Des générations d'exégète restent subjugués par la beauté simple de ce geste d'acceptation et d'amour devant la mort. C'est aussi, certainement, un dernier hommage aux oeuvres cycliques de ses devanciers.
Que l'on songe à Buxtehude et à son cycle contrapunctique dédié à son propre père sur le choral Mit Fried und Freude de Buxtehude. La thématique de la mort exprimé par la bouche de Siméon est complétée par un Klag Lied à la fois hors thème et prolongation du thème. Mais plus encore importe l'exemple de la Passacaille finale du cycle des sonates dites mystères du rosaire de Biber. Le violon y est dans son accord tout simple comme la première sonate (l'Annonciation), alors que toutes les autres sonates sont avec des jeux de cordes ravallés, dits scordature : cela figure un retour cyclique au commencement. C'est aussi un hommage hors cycle qui résume le tout, ainsi que l'exprime Reinhard Goebel :
"Il faut remarquer qu'il existe de célèbres exemples dans l'histoire de la musique où il était d'usage, en fin de recueil, d'adjoindre une illustration ingénieuse qui témoignait d'un dévouement particulier envers le dédicataire : F.M. Veracini conclut ses sonates pour violon dédiées à Auguste III de Saxe par un canon vocal sur "Ut relevet miserum,", et J.-S; Bach ajoute, à la fin de l'Offrande musicale dédiée à Frédéric II de Prusse, un canon perpetuus".
Si l'on suit la pensée de cet interprète d'une intuition remarquable : par son 18ème choral thématisé sur la foi devant la mort, le dédicataire du recueil "Jesu Juva" est Dieu Trinitaire.

Les séquences pédagogiques chez Bach : une lecture du Klavierbüchlein pour Wilhelm Friedemann Bach (version plus longue du commentaire)

Cette réflexion part d'une lecture d'un disque de Christophe Rousset sur ce livre fondamental. Espérons que l'article permettra de voir fleurir les éditions de tous les autres livres d'enseignement de Bach à ses élèves.

Réfèrences du disque :

Johann Sebastian Bach (1685-1750): Klavierbüchlein für Wilhelm Friedemann (1720). Christophe Rousset, clavecin Johannes Ruckers. 2 CDs Ambroisie, AMB 9977. Enregistrés au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel du 25 au 27 novembre 2004. Prise de son : Nicolas Bartholomée et Koichiro Hattori ; direction artistique, Niclas Bartholomée ; montage, Jens Jamin. Notice multilingue de Gilles Cantagrel (anglais, français, allemand, très bonne). CD 1 43’14’’, CD2 61’07’’
La fraîcheur savante d’une œuvre pédagogique fondamentale

Un ouvrage pédagogique de l’œuvre de Bach, fondamental dans l’Histoire de l’Humanité et maltraité par l’histoire de l’exégèse du Kantor. Ainsi fallait-il attendre la Neue Bach Gesellschaft pour voir les pièces non expurgées par le souci d’authenticité, éditées par Bärenreiter (1978) dans la forme complète du recueil. Car ce Klavierbüchlein für Wilhelm Friedemann Bach (« petit livre de clavier pour W.F. Bach ») est plus qu’un ramassis de petites pièces inabouties ou inachevées, des miettes de la table du maître : l’ouvrage est symbole de sa philosophie même de l’éducation. Elle y figure comme une trace au crayon à papier, analysable, profonde. On lit ici les fondements de ses grandes œuvres, appelées toutes désormais de noms didactiques, tels la grande Klavierübung (Exercice de clavier), seul opus donné à l’édition imprimée (synonyme d’éternité), ou encore le Wolhtemperiert Klavier (« clavecin bien tempéré »).

Il faut rappeler que Bach était à lui seul une école, celle de ses maîtres, de ses élèves car pour lui l’œuvre d’art, l’œuvre de service et la transmission étaient une seule et même chose, une « Trinité » : éternel étudiant, éternel pédagogue, artiste employé. Il faut aujourd’hui savoir parler d’ « école de Bach », d’ « atelier de Bach » ou « d’œuvres de Bach et de son entourage ». Comme autour d’un Rembrandt, peu d’œuvres de ses élèves n’ont pas été retouchées et corrigées de la main du maître, parfois c’est cette main géniale qui les a guidé, d’abord entièrement, puis partiellement, enfin les a lâché. Il faut désormais abandonner la vision « XIXème siècle » d’un Bach isolé et inspiré. Il est temps que la Neue Bach Gesellschaft édite des volumes attribué au « Pseudo Bach » qui fassent la part des choses : tout un nouveau pan des « études sur Bach » attend les âges à venir.

Ce Klavierbüchlein est en effet une preuve magistrale de tout ce contenu philosophique ignoré. C’est d’abord, en guise de première étape pédagogique, des travaux guidés, où Bach écrit lui-même tout en laissant s’exprimer (à peine) son fils, soit dans l’aléatoire (mais raisonné) choix des harmonies pour des œuvres spécialement arpégées dans ce but, soit dans les compléments de passages laissés inachevés, généralement les fins, parfois les milieux. Puis avec les premières ébauches du Clavecin bien tempéré c’est d’abord l’intensification du travail harmonique pour aboutir à la démonstration de la beauté en musique quand visiblement Bach écrivit lui-même, s’accaparant l’autorité dans des sortes de cours magistraux. Enfin l’enfant écrit lui-même dans une nouvelle série de préludes dont le premier reprend le motif du premier prélude du livre. La main du fils est enfin lâchée. C’est ensuite un cours théorique sur une fugue débouchant sur une nouvelle étape de travaux dirigés, les futurs inventions à 2 voix, ici Preambula à 2, nouveaux préludes, cette fois-ci, supports de l’étude contrapunctique. Stötzel, Telemann, et, déjà, plus avant, Richter, amis de Bach, purent peut-être enseigner à l’enfant et laisser des traces d’eux-mêmes dans ce livre. Chaque fois le travail est autant harmoinique que mélodique, c'est la tradition de la suite dont chaque morceau reprend la trame du précédent dans une rythmique différente. Si l'oeuvre de Telemann est peu galante, c'est qu'elle avant tout dans la tradition de lenseignement. On peut aussi imaginer (assez gratuitement tout de même, mais pourquoi pas ?) que chaque fois que Bach va trop loin et qu'il craint ou affronte une crise de refus, un piétinement du fils, il fait appel à ses amis. En tout cas, leurs oeuvres jalonnent des fins de séquences pédagogiques. Pour finir, c’est le travail le plus difficile : l’écriture à trois voix, pénible, puisque la plupart des fantasies sont ici dans un état inabouti. On doit voir les fugues que plus tard Wilhelm Friedmann publiera précieusement, comme l'autre pan de cet apprentissage et peut être à cet étape, l'élève auvait débuté son propre livre où il écrivait ses propres oeuvres à côté de celui de l'enseignement du père. Il n'est pas rare dans les cours d'harmàonie que l'élève tienne deux cahiers. Et dans ce jeu d’écriture guidée ou de réécriture par l’élève, on a autant d’autres petits livres de disciples de Bach, sources précieuses pour les deux volumes du clavecin bien tempéré. Petits livres qui attendent eux aussi l’édition comme on la dit si véhémentement plus haut.


Christophe Rousset-élève de Bach qui achève les piècettes laissées en partie « vides », nous invite aussi à approfondir toute oeuvre inachevée de Bach en temps qu'éternel pédagogue. Par exemple, puisqu’il s’agit des vestiges émouvants des leçons reçues par le fils, la petite lacune d’une demi mesure à cadencer du Choral Jesu meine Freude, faussement inachevé puisque l’ultime phrase est nécessairement la reprise du début (que Rousset ornemente différemment et magnifiquement). Ou bien l'Allemande 2, que Christophe Rousset complète exactement dans les pas d’un Willhelm Friedemann Bach qui compléta sur le papier ce « vi-------de », capital pour l’histoire de la musique, écrit au dessus du milieu de l’Allemande 1. Car Bach laissa son fils seul, il revient une fois le travail fait, et le corrige certainement. N’est-ce pas émouvant de voir deux grands hommes en action et aujourd’hui trois, avec l’interprète !
Il faut surtout remarquer la toute première ébauche du premier prélude du Clavecin bien tempéré, écrite en accords verticaux. Ici l’initiative du choix est laissée au fils et à la discussion aléatoire et ce n’est pas encore le morceau que l’on connaîtra : d’autres séances ailleurs sur cette manne firent certainement naître le chef d’oeuvre mythique à venir qui fait désormais l’ambassadeur du génie humain dans l’espace.
Evidemment, Christophe Rousset a choisi pour débuter son disque, rien que pour le symbole, cette petite version de ce petit « travail d’école » devenu « Art suprême ».
Il faut surtout remarquer la toute première ébauche du premier prélude du Clavecin bien tempéré, écrite en accords verticaux. Ici l’initiative du choix est laissée au fils et à la discussion aléatoire et ce n’est pas encore le morceau que l’on connaîtra : d’autres séances ailleurs sur cette manne firent certainement naître le chef d’oeuvre mythique à venir qui fait désormais l’ambassadeur du génie humain dans l’espace.
Evidemment, Christophe Rousset a choisi pour débuter son disque, rien que pour le symbole, cette petite version de ce petit « travail d’école » devenu « Art suprême ». Il faut surtout remarquer la toute première ébauche du premier prélude du Clavecin bien tempéré, écrite en accords verticaux. Ici l’initiative du choix est laissée au fils et à la discussion aléatoire et ce n’est pas encore le morceau que l’on connaîtra : d’autres séances ailleurs sur cette manne firent certainement naître le chef d’oeuvre mythique à venir qui fait désormais l’ambassadeur du génie humain dans l’espace.
Evidemment, Christophe Rousset a choisi pour débuter son disque, rien que pour le symbole, cette petite version de ce petit « travail d’école » devenu « Art suprême ».

Pour conclure, dans ce livre, il faut surtout remarquer la toute première ébauche du premier prélude du Clavecin bien tempéré, écrite en accords verticaux. Ici l’initiative du choix est laissée au fils et à la discussion aléatoire et ce n’est pas encore le morceau que l’on connaîtra : d’autres séances ailleurs (on trouve bien des version dans les autres livres d'élèves...) sur cette manne firent certainement naître le chef d’oeuvre mythique à venir qui fait désormais l’ambassadeur du génie humain jusque dans l’espace. Evidemment, Christophe Rousset a choisi pour débuter son disque, rien que pour le symbole, la toute première petite version de ce petit « travail d’école », devenu « Art suprême ».

Bach & Haendel II (autre version)

BACH & HAENDEL

Haendel est magnifique. Magnifique : c'est un geste que l'on discerne à la lecture de sa musique, une geste à la lecture de sa vie. Bach est une forêt, selon le mot de Paul Dukas : « quelque forêt sonore dont les végétations s'enchevêtrent harmonieusement », et l'on s'y enfonce, comme lui même le fit dans sa vie sur son seul territoire de Thuringe, mais pour pénétrer dans les conquêtes d'un humanisme pédagogique, et bâtir une somme solide à l'usage des futures générations.

Comparer Haendel et Bach ? Mais sur quels critères ? Qu'ils furent voisins de naissance en lieu et date ? L'un se fait père d'une famille nombreuse, l'autre reste célibataire, l'un approfondit dans la routine existence et musique, l'autre tente les embûches de la carrière comme un joueur mise, l'un fut le domestique de princes puis d'une administration, l'autre jouet de la foultitude du public anglais... il n'y a là que des divergences et leur seul point commun est l'esprit d'aventure, l'un dans le monde, l'autre dans l'esprit. Devrait-on les confronter, comme les anciens firent en regrettant la rencontre désirée par Bach et déclinée par Haendel ? C'est un peu comme évoquer la rencontre de Diogène avec Alexandre le grand. Deux conquérants mais aux territoires si divers : « ôtes toi de mon soleil », dit Diogène du bas de son tonneau. Bach aurait pu dire de même au colosse avide de terres nouvelles.

L'orchestre français & italien en Allemagne

Ils sont nombreux les foyers de musique française en Allemagne : s'en étonnera-t-on quand fleurissent jardins à la Le Nôtre, château à la Mansart ? Les historiens s'accordent à souligner l'importance de trois orchestres, parmi tant d’autre.

L'un est à la cour de Dresde, prête à payer en 1717 un salaire de mille thalers à l'organiste parisien Louis Marchand en tournée germanique depuis 1714 : mais le Maître de Chapelle indigène, violoniste flamand né en Espagne, Jean-Baptiste Volumier[1] fait fuir par chaise poste le parisien inopportun…en organisant rien moins qu’un concours avec Jean Sébastien Bach. Le même Volumier poussera le violoniste italien Veracini, payé lui mille deux cent thalers en 1722, à se jeter par la fenêtre, lequel, fort heureusement, atterrira miraculé mais boiteux.

Un autre est à la cour de Cella non loin de Lüneburg. Dans la Nécrologie, Karl Philip Emmanuel Bach rappelle que quand son père était élève à Lüneburg vers 1700-2 :

« il y eut l'occasion en écoutant souvent l'orchestre alors célèbre qu'entretenait le duc de Zelle et qui se composait presque uniquement de français d'acquérir des connaissances solides dans le goût français qui était lors quelque chose de tout nouveau.»

Haendel put entendre certainement cet orchestre lors de son séjour hambourgeois vu la proximité des lieux. Hambourg même était un troisième foyer de musique française, et l'Opéra y goûtait autant le ballet français que l'aria italienne[2]. Y fut primordiale l'activité du Hongrois Johann Sigismund Kusser (1660-1727), étudiant à Paris auprès de Lully pour six années, directeur de l'Opéra de Hambourg en 1695 : il en fit une scène internationale. C'est à son Festin des Muses, publié en 1700, concentré coloré de l’art orchestral du théâtre français à l’usage des concerts, que l’on doit tous les rigaudons, les réjouissances, les rondeaux, les échos qui peuplent la suite à la française de Bach, Telemann, Fischer, Muffat fils, Haendel, etc.

L’Almira de Haendel : aux sources des procédés de composition.
Quand Haendel arrive à Hambourg en juillet 1703, il a des vues sur l'opéra du Marché aux oies, am Gänsemarkt, occupe d’emblée un pupitre de violon dans l'orchestre de Keiser et celui-ci lui propose une création : l’Almira.
Tout pouvait devenir un air d’opéra italien une fois sur scène, en commençant par les danses françaises. Haendel regorgeait d’idées, brûlait d’exprimer des sentiments et d’une façon quasi sauvage, mais il n’avait pas de métier. Pris de vitesse il utilisa en premier lieu un hypothétique[3] recueil de danses pour clavier, construit lors des leçons de Friedrich Wilhelm Zachow, les colorant à peine pour l’orchestre, les adaptant pour la voix. En effet le maître de Haendel à la Halle, ce Zachow, passionné de tout, lui enseigna, outre le contrepoint sévère allemand et la variation flamande, la suite française et l'allegro à l'italienne… et l'on dit même qu'il fit connaître l'Opus V de Corelli à son pupille[4].
Haendel jeta ainsi à foison tout ce qu’il avait, à savoir seulement la première partie de la construction d’une belle mélodie, sa forme : un beau thème. En ce domaine il était de première force[5] et l’opéra fut un immense succès, fera même l’objet d’une reprise par Telemann en 1732.
Il n’en demeure pas moins qu’avec un livret embrouillé et sans expérience, Haendel ne pouvait encore composer un personnage, traiter la voix mieux qu’un instrument, se montrer expert en prosodie. Nous avons dit qu’un beau thème n’est que la première partie d’une mélodie : la seconde en est l’affect, la juste adéquation entre le sentiment de la langue et l'impact sur le public. Et c'est précisément ce qui reste encore embryonnaire dans l’Almira. L’Italie apprendra réellement à Haendel l’écriture pour la voix comme une langue natale[6]. Cependant à l’orchestre ce défaut n’apparaît pas, et seul le génie précoce surgit : c’est à bon droit que l’on peut tirer d’un divertissement dansé à l’Opéra une suite de concert [7], c’est là même une pratique de l’époque.
Bach & le café Zimmermann

On jouait-on les suites à la françaises, dites « Ouvertures[8] » ? Nombre de villes développèrent un Collegium Musicum réunissant musiciens professionnels et amateurs-étudiants de haut niveau qui dans les lieux publics servent de divertissement à un petit public et à eux mêmes, devant les terrasses de café pour populariser ce que les grandes cours entendent en privé : ouvertures, concertos, musique de chambre, arie, cantates profanes. Telemann créa celui de Leipzig en 1702 et en fit même l’orchestre régulier de l’Opéra alors encore ouvert, le collegium passa de quarante à soixante musiciens sous G-M Hoffmann et son lieu de rendez-vous était chez Monsieur Zimmerman, devant son café. En mars 1729 Bach, cantor de Leipzig, laisse ce témoignage :

« Aux dernières nouvelles, le bon Dieu est également venu en aide au fidèle H. Schott [organiste à Leipzig ), par l'octroi du poste de cantor à Gotha; c'est pourquoi il prendra congé la semaine prochaine, car j'ai l'intention de prendre en charge son collegium[9]. »

Bach tenait à cet engagement laïc qu'il délèguera puis reprendra, c'est l'occasion de reprendre son travail de musique de chambre des cours de Weimar et Cöthen, et comme il y avait « un clavecin tel qu'on n'en a jamais entendu de pareil ici » et qu'il avait plusieurs fils virtuoses et élèves brillants, il transcrivit à tour de bras ses concertos de violons, violon et hautbois, quelques pièces à deux clavecins dans une littérature somptueuse pour clavier et orchestre, une des sources majeures du concerto classique. Quant à l'Ouverture à la française, il y fut fidèle tout autant, produisant lui-même[10], donnant des œuvres de son cousin Johann Bernhart Bach, Fasch dont il recopia les suites, ses amis Telemann & Stölzel…


Bach et les concertos italiens.

L’enthousiasme pour la France résiste peu à la puissance de séduction de l’Italie, laquelle produisait tant de grands musiciens qu’ils s’expatriaient en masse pour avoir des postes ailleurs[11]. Il suffit de rappeler que le grand Schütz au début du XVIIème siècle fit deux fois le voyage en Italie pour apprendre auprès de Giovanni Gabrieli puis de Monteverdi, qu’il partagea avec le romain Carissimi[12] qui enseignait au collège germanique de Rome, un élève Christoph Bernhard, ce dernier fit beaucoup pour la pédagogie en Allemagne : Buxtehude en sera profondément influencé.

Bach, déjà enclin à une belle clarté des voix par l’enseignement de Böhm et la vénération pour Frescobaldi et Pachelbel, découvrit véritablement la musique italienne à Weimar où il fut nommé en 1714 organiste de la cour. Là un jeune prince doué en écriture rapporta les concertos de Vivaldi fraîchement édités de Hollande, et avec son cousin Walther, à l’orgue, au clavecin, c’est une émulation de transcription, d’assimilation de Vivaldi, Marcello, Torelli, et d’embellissement des œuvres imitatives avec le génie de la pulsion spontanée que furent les œuvres du prince bientôt arraché à la vie dans sa fleur.

Le premier Biographe de Bach donne une description définitive de la profondeur de cet événement dans l’art de Bach :

« Il sentit de bonne heure que les roulades et les cabrioles sur le clavier ne pouvaient conduire à rien : il comprit surtout qu’il avait besoin d’un guide pour atteindre à ce but. Les concertos de Vivaldi, qui venaient justement d’être publiés, furent pour lui ce guide nécessaire. Il les avait souvent entendu citer comme d’admirables compositions : il conçut en conséquence l’heureuse pensée de les tous arranger pour le clavecin. C’est alors qu’il étudia l’enchaînement des idées, leurs relations, la variété dans la modulation et beaucoup d’autres artifices de composition. (…) Une merveilleuse combinaison de mélodies variées, dont la forme est tellement parfaite que prises isolément, elles semblent toutes constituer la partie supérieure, voilà l’harmonie de J.S. Bach »

Bien plus que Corelli, dont il a retenu la perfection de l’écriture en trio, et les frottements des voies, Vivaldi a bien été la plus grande influence italienne sur Bach et Pisendel, ami des deux, a pu bien représenter un lien efficace pour l’échange de musique et la diffusion de l’œuvre de Bach en Italie[13].

Après Weimar, il fut à Coethen, où le Prince Léopold d’Anhalt-Coethen, gambiste lui-même, offrit à Bach la chance de s’adonner lui-même à l’écriture de concertos pour violons, de sonates en trios, de concertos grossos pour divers instruments. Parmi ces œuvres le concerto pour violon en Mi Majeur pousse les lois de la forme presque vers la structure de la sonate classique, souvent chez Bach le principe Vivaldien d’un ostinato diaphane et long à la basse sur lequel rêve en arabesque le violon est démultiplié vers une profonde méditation.

Allant acheter un clavecin à Berlin en 1719 pour son prince musicien, Bach rencontre le margrave de Brandebourg Christian Ludwig. Il regroupe alors des expériences de Coethen en un recueil de concertos grossos qu’il achève en 1721, les concertos Brandebourgeois. Une synthèse s’opère là entre le style italien et la tradition allemande de sens spirituel[14] conférés à la couleur des instruments. Le cinquième, triple concerto pour le clavecin acheté chez Michael Mietke, pour violon et pour la flûte traversière à la mode, résume la symbolique de l’offrande : il offre plus grand que les italiens en élargissant de 18 mesures à 65 mesures la cadence originale du clavier-Roi[15] ; il fait parler la flûte traversière symbolique de la paix avant le sang et la fureur en opposition aux doubles croches de la ritournelle thématique monteverdienne de la guerre[16], métier du Prince.
[1] Woulmyer : une francisation toute commerciale…
[2] Ainsi que récitatifs et airs truculents allemands pour ajouter à la salade de la complaisance.
[3] Cf. la fine et complexe analyse de Jean-François Labie des éditions œuvres instrumentales de jeunesses ressurgies en éditions pirates et des réemplois multiples.
[4] Fils de Chirurgien, Georg Friedrich ne possédait pas un baguage thématique familial, il prit aussi bien l'option de se faire un fond de commerce, une bibliothèque hâtive, et de la garder par devers lui, tout au long de sa vie, comme un catalogue de thèmes, de tournures mélodiques et de modèles, et, surtout, comme des souvenir affectifs (il soutiendra financièrement la veuve de Zachow).
[5] Il y a déjà dans l’Almira, accommodée dans le ballet pour marquer l’entrée des Asiatiques après les Africains, la fameuse sarabande qui deviendra une aria et fera la célébrité de son premier opéra anglais, Rinaldo : « lacia ch'io pianga ».
[6] Une des sarabandes de l’Almira deviendra l’air « Penna Tirana » dans Amadigi di Gaula en 1715 : un hautbois brode sur la voix une mélodie poignante et romantique en notes longues tandis que le basson diminue comme une lugubre marche, au milieu la voix de castrat orne la sarabande de tous les accents de la langue italienne, en seconde partie Haendel renonce même à des anciennes beautés de l’original, c’est qu’il les avait utilisées dans un air d’un autre opéra (dans la Resurrection par exemple), il en place d’autres merveilles dans une nouvelle troisième partie : un réemploi en superproduction hollywoodienne !
[7] A condition d’utiliser un ritournello comme gigue finale. Qu’est-ce qu’un ritornello, nous demandera-t-on ? Il y en a plus d’une douzaine dans l’Almira, l’orchestre reprend tout entier un thème de l’air achevé pour l’amplifier.

[8] Qu’est-ce qu’une Ouverture à la Française ? Tenant lieu de grand portique de concert, cette ouverture à l'orchestre remplace le couple prélude semi-mesuré (pour accorder le luth puis devenu symbolique au clavecin) et allemande grave de la musique chambriste de ballet. En faisant succéder trois sections lent-vif-lent, l'ouverture française joue sur la psychologie théâtrale d'une façon toute inverse de l'ouverture italienne (vivace-adagio-vivace). La première section majestueuse possède toute l'éloquence déclamative des rythmes pointés et permet de saisir d'auditoire par une noble situation ; la partie plus vive en écriture fuguée dépeint toute l'action dramatique : elle donne un goût de l'épopée qui suivra l'ouverture au théâtre, elle la remplace au concert. Puis l'action s'élargit au retour du pathos majestueux de la première partie sans la reprendre tout à fait, mais semblant achever l'élocution sur un monument de haute morale. Le Festin des Muses de Kusser l’aura définitivement acclimatée en Allemagne : dépeignant l’action théâtrale, et si heureusement complétée d'un ballet plus léger, l'Ouverture à la française est le divertissement par excellence, fait fureur auprès du public bourgeois au même titre que le concerto à l'italienne. Elle prépare le terrain à la future Symphonie qui dans sa structure est une véritable fusion de la suite française avec l'agonique italienne : Introduction lente puis mouvement vif – mouvement médian lent – danse ou divertissement léger – final très vif

[9] A l'époque Johann Gottlieb Görner, autre organiste important de la ville qui déjà avait ravit le culte de l'église de l'université à la fonction du Kantor, tenait un collegium rival. L'Opéra ayant fermé en 1720, les deux orchestres avaient du succès au point qu’en 1743 on déplaça le tout dans une nouvelle institution avec sa propre salle, le Grand Concert, qu'on appellera Gewandhaus, « la maison des tissus », à cause de sa localisation près du marché, formation célèbre qui existe toujours.

[10] C'est dans ce contexte que l'ouverture-suite en Ut Majeur BWV 1066 trouve sa place, avec sa courante et son enchaînement de danses standards en couple, avec dans l'ouverture ses motifs militaires, disons civiques, rappelant la cantate pour l'élection des nouveaux conseillers municipaux de 1723 Preise jerusalem den Herrn BWV 119, avec sa forlane, principal divertissement pour les hôtes du café, danse vénitienne vive colorée des deux des hautbois et du bason en trio de Lully, avec la jolie variation des vent sur la mélodie du premier passepied pour finir.

[11] Qui connait Cocchi et Alovisi, deux compositeurs à la cour de Varsovie de la stature d’un Monteverdi ?

[12] Entre autre élèves de Carissimi au Collège germanique de Rome : Johann Kaspar Kerll, Johann Philipp Krieger, Philipp Jacob Baudrexel.
[13] Dès 1729, J.C. Gottsched signale que Telemann, Bach et Haendel « répandent leurs œuvres non seulement en Allemagne, mais aussi en Italie, en France, et y prennent leur plaisir », témoignage que confirme la présence dans l’Arianna de Benedetto Marcello, prince propriétaire du théâtre San Angelo de venise dont Vivaldi était l’impressario (haï et combattu), d’un air de Basse bouffe sur le thème B.A.C.H dont la ritournelle d’ouverture est une fugue qui tourne court : de la part d’un compositeur défenseur des traditions, l’intention satirique évidente cache ses raisons profonde (dénonciation de l’amitié Bach et Haendel ? mépris de l’Allemagne ?). L’année de la mort de Bach, à Bologne le Padre Martini, futur enseignant dun fils du Cantor lance cette éloge : « Je tiens pour superfli de vouloir décrire les mérites particuliers de Monsieur Bach, puisqu’il est très connu, non seulement en Allemagne, mais aussi dans toute notre Italie ; je dirai seulement que je crois difficile de trouver un professeur qui le surpasse : il peut se piquer à on droit d’être aujourd’hui l’un des premiers qui court à travers toute l’Europe. »
[14] Ce type de groupement disparate, présent au siècle précédant chez Giovani Battista Vitali mais aussi au temps de Bach chez Vivaldi (concertos con multi stumenti) était populaire en Allemagne, on le trouve chez Rathgeber, le moine qui livre aux bourgeois un sous-produit de ce qui plaît dans la noblesse, mais aussi Telemann, Graupner, Fasch. Ces groupements sont des peintures en musique : toute la symbolique de la vie d’un Prince passe dans les concertos brandebourgeois : La guerre, la chasse, la campagne, les passions.
[15] Plaçant l’œuvre en tête des sources majeures du concerto classique.
[16] Quand il offrit l’Offrande Musicale à Frédéric de Prusse Bach résuma sa pensée pour ce que doit dépeindre un cadeau musical à un noble versé « dans les sciences de la guerre comme dans celles de la paix, c’est-à-dire la musique ».