dimanche 16 décembre 2007

Jan Ignaz Frantisek Vojta, un compositeur "à clef" de la trempe d'un Biber


A propos d'un disque dont la matière est capitale à la connaissance du répertoire violonistique

Dans l’Europe de l’Est, se profilait un courant associant la Composition à l’Alchimie des nombres, Vojta en est l’un des premiers exemples. Issu du même enseignement violonistique jésuite que son contemporain Biber, ce praguois compose trois sonates à forte symbolique trinitaire en « scordatura » qui sont, au thème près, jumelles des fameuses « sonates du Rosaire ». Bâties sur les chiffres ésotériques, elles développent un discours (Vojta était docteur en médecine et versé en astrologie) facilement accessible et émotionnel. Ces œuvres initient toute une tradition chambriste « spirituelle » qui aboutira aux sonates pour violoncelle solo de Bach, étrangement proche du cycle trinitaire de son prédécesseur : à la fois cycle « passion, amour, résurrection » et illustration « du Père du Fils et du Saint Esprit ». On entend en outre, dans la musique vocale de Vojta, l’enseignement d’une simplicité piétiste modelée pour dire la profondeur. Elle s’apparente à cette poétique, cette philosophie même qui, de Pachelbel à Buxtehude, fut en Allemagne, l’école de pensée de Bach. Enfin, sporadiquement, une influence française rappelle de façon troublante des fragments de Marc-Antoine Charpentier, autre compositeur dans le giron jésuite. Ajoutons que Vojta, comme Biber, a le don mélodique et sait peindre la méditation comme la joie spontanée, et l’on comprendra que le style si affirmé de Biber n’est pas le fait d’une personne mais d’une école dite « viennoise ». Vojta, « maillon manquant » entre Smelzer et Biber, aurait gonflé l’importance de cette école si la postérité ne nous avait pas laissé si peu de témoignages (27, tous contenus dans ce disque).
L’interprétation soignée arrive à restituer cet univers : elle choisie de belles couleurs dans le continuo et dans les voix. Cependant elle reste à mi-chemin entre l’intimiste et le théâtral, notamment pour la violoniste (Elen Machova) qui se restreint dans un jeu en demi-teinte, ou la soprano, une nouvelle Kirkby avec moins d’engagement, ou la basse, beau timbre mais en difficulté dans les coloratures. Le chœur festif final redore la prestation de cet ensemble « la Gambetta » laissant présager des futurs progrès dans son engagement expressif.

Jan Ignaz Frantisek Vojta, (bachelier en 1677- mort après 1715)
« Musicus salutaris »
Ensemble « La Gambetta »
65’54’’ Arta F10141
2006 (lieu d’enregistrement non indiqué) République Tchèque.

Aucun commentaire: