lundi 30 mai 2005

Heinrich Schütz : Matthäus-Passion somme de l’art sacré occidental


Heinrich Schütz (1585-1672) :Matthäus-Passion. Jan Van Elsacker, ténor : der Evangelist ; Matthew Baker, baryton : Jésus ; Damien Guillon, alto : Judas ; Hervé Lamy, ténor : Petrus, Pilatus ; Philippe Roche, basse : Caïphas ; Cécile Kempenaers, soprano : Ancilla I, Pilati Weib ; Karine Serafin, soprane : Ancilla II : Sophie Toussaint, alto ;François Roche, ténor ; Emmanuel Vistorky, basse ; Emmanuel Mandrin, orgue ; Akadêmia, direction :Françoise Lasserre 1 CD Zig Zag territoires ZZT 050402. Enregistré les 8 à 12 novembre 2004 à l’Abbaye de Sylvanès (12). Notice trilingue (français et anglais et texte original en allemand). 

     Il reste encore de belles choses à écrire en do majeur disait Schœnberg. C’est en quelque sorte le même pari que dut relever Heinrich Schütz lorsqu’il écrivit pour la cour de Dresde ses passions en 1665-66 suivant l’obligation d’absence des instruments lors de la Semaine Sainte et selon le modèle de la passion responsoriale luthérienne défini par Johann Walter, compositeur attitré de Luther en 1530. Il reste de belles choses à écrire en plain-chant. Nous avons oublié que celui-ci a continué à s’écrire, que certains des chefs-d’œuvre que nous admirons sont des plains-chants en polyphonie, tel le miserere d’Allegri. Mais ce qui frappe chez Schütz c’est cette utilisation, cette recréation d’un plain-chant soliste dans un mode de son choix et tourné vers les figuralismes modernes, les acquis de la ligne vocale monteverdienne pleine de cadence, l’expression juste des sentiments humains mais toujours sans excès, sur les mots essentiels. Le résultat est non seulement sublime, avec cette chaleur au bord des pleurs de ce compositeur, mais c’est une somme à la fois des arts du Moyen-Âge, de la Renaissance et du Baroque : un vrai testament par un humaniste et absolument pas un retour en arrière. 

     On perçoit les affects des chanteurs, les protagonistes gagnent une personnalité : ainsi en est-il de l’énergie d’Hervé Lamy, Pilate angoissé, Pierre affolé ; ainsi de la pureté de l’Evangéliste Jan Van Elsacker portant l’œuvre vers la Renaissance ; de la jeunesse éclatante de Damien Guillon appropriée à la perfidie désespérée de Judas ou de la profondeur du timbre de Matthew Baker pour un Jésus si efficace chez Schütz : car encore une fois (souvenez-vous des Sept Paroles du Christ) la fameuse phrase « Eli Lama sabachthani » est plus qu’inoubliable et vous laisse impressionné par le génie. Tout est en adéquation avec Saint Matthieu dans la simplicité et l’économie théâtrale, là un trio de pharisiens accable le Christ, là des serviteurs talonnent Pierre et, lui, pleure amèrement dans un ralenti du débit de la phrase juste nécessaire pour nous plonger dans l’humeur pathétique. 

     Pour aider chacun à suivre ce chemin, Françoise Lasserre introduit des pauses dans cette passion avec des motets méditatifs accompagnés d’orgue, certes contre l’historicité du règlement liturgique de la cour de Dresde, mais en rapport avec les usages du temps d’introduire des commentaires de l’action, à la manière des pauses de Bach, « un commentaire de la Cène et du remords de Pierre » suivant les mots de Françoise Lasserre. C’est bien, car ce patrimoine demande à être assimilé et compris avant que d’être donné de façon radicalement historiographique. De même les litanies choisies pour terminer le disque, reprenant le Kyrie Eleison conclusif de la passion, font-elles office du chœur tutti de la fin des oratorios d’un Carissimi et restituent par cette position-amplification l’œuvre (« la passion selon Saint Matthieu ») dans son temps. 

     Du reste l’impression laissée est celle d’une interprétation parfaite, chaque chanteur y mettant son sentiment, l’équilibre des voix et l’esthétique du son dans les ensembles, voulus par Françoise Lasserre sont proches de ceux dont on pare l’écriture polyphonique d’un Palestrina ou d’un Orlando di Lasso (il est vrai que Schütz fut le collègue cadet de Michael Praetorius et que cet héritage subsiste dans l’œuvre de ces deux compositeurs) sans manquer de la chaleur baroque. Tout est magnifique, tout est juste, et cependant on sent que cet enregistrement est la première superbe version d’une œuvre qui a besoin de faire son chemin, d’être approfondie encore longuement, de connaître des versions plus outrées, peut-être même un jour jusqu’au mauvais goût pour aller au-delà d’elle-même, chose nécessaire à tous les chefs-d’œuvre et celui-ci a gagné d’avoir été dans les mains d’Akadêmia, la concurrence est désormais ouverte pour faire aussi bien : l’œuvre débute sa nouvelle vie. 


jeudi 26 mai 2005

Nicolas Antoine Lebègue par Paola Erdas, De la Gravité dans la musique française


Nicolas Antoine Lebègue (1631-1702) : Pièces de Clavessin 1677-1687Paola Erdas, clavecin (clavecin Jean Henri Hemsch 1756 -en 415- copie d’Augusto Bonza 1988). 1 CD Stradivarius. Réf. : STR 33673. Enregistré à Montevarchi, Arezzo, 11 et 12 juillet 2002. Stéréo DDD. Notice trilingue (italien-français-anglais). Durée : 61’12 

     Répétons le mot : gravité et c’est tout l’esprit de ce siècle, c’est aussi toute la personnalité de la musicienne ainsi que celle du clavecin aux sons graves, une copie de Jean Henri Hemsch (1700-1769) par Augusto Bonza, capté avec beaucoup de présence dans cet enregistrement. Trois rencontres qui font de ce disque une vision miraculeusement appropriée de ce compositeur. Gravité : on protestera : « ce sont des danses ! », mais l’on ne dansait plus à la cour comme au village en ce temps là – « pourtant c’est l’époque de la préciosité et de la carte du tendre ! » : cela n’empêche pas d’être sérieux ; l’art pur selon Boileau se prévaut, dans la juste moyenne, des excès et fait des ornements, l’instrument du seul beau. Or le clavecin de Paola Erdas ne manque pas de dynamique, de fougue chorégraphique, de levées, de flatteries dans lessarabandes, de subtils décalages, de cadences posées, pour qu’on le réduise à la seule noblesse des allemandes ou des fameuses chaconnes et la tristesse despréludes : non la gravité est partout, y compris dans le menuet folâtre dans l’alerte canarie ou les nerveuses gigues. Oui gravité : quand le sentiment inhérent à l’œuvre est à ce point retranscrit, il n’est nullement besoin de polémiquer sur certains choix d’interprétation. Peut-être un autre artiste aurait-il plus osé dans les traînantes affectations du style français sans peur de ce même ridicule que Molière dénonce lorsqu’il attaque les précieuses, mais il le ferait à coup sûr au dépend de la noble énergie lullyste (on ne peut faire mieux en ce domaine que la présente interprète) ou bien que serait-ce à côté du sentiment que dégage la totalité de ce disque ? 

     A côté de cet esprit absent de superficialité animant toutes les pièces dans leurs tempi modérés pourtant juste assez allants ? Cet esprit que l’on retrouve chez Henry Dumont, Louis Couperin, Charles Richard, Sainte Colombe pleurant sa femme et surtout l’altier Nicolas de Grigny l’élève de Lebègue et même souvent chez Charpentier. Esprit à comparer absolument à celui de la viole confidente (l’œuvre de Lebègue comme celle de Couperin en hérite les accents mélodiques), esprit enfin qui animait déjà Montaigne puis Corneille et enfin Racine, Molière le misanthrope aimant l’humanité et surtout d’un Blaise Pascal nativement blessé : l’esprit émotivement philosophe du XVIIe siècle, le grand siècle, qui ne peut ici que s’exprimer - ah non pas par les rires des demoiselles de comédie ! mais bien sous des doigts nobles et Paola Erdas est de cette lignée là.


VIe édition du Festival « Luci et Tintinnii » : mystérieuse Paola


Colle di Val d’Elsa. Teatro dei Varii. 13-V-2005. Antonio de Cabezón(1510-1566) : Villancico I « Jesucristo, Hombre y Dios » ; Tiento del primer tono ; Henry VIII (1491-1547) : Two Consorts ; Gracia Baptista (monja)(XVI ème siècle) : Hymno XXII « Conditor Alme » ; Francisco Fernandez Palero (1520 ? – 1597) :Himno XV « O Gloriosa » ; Nick Strogers (1555 ? – 1610) : Fantasia ;William Blithemann (1525 ? – 1591) :In nomine ; Antonio di Cabezón :Rugier, glosado de Antonio ; Romance V « Para quien crie yo cabellos » ;William Byrd (1543 – 1623) : Rowland ; Callino Casturame ; John Munday(1555 ? – 1630) : Robin ; John Bull(1562-1628) Why ask You ? ; Jan Peterszoon Sweelinck (1562 – 1621) :Engelsche Fortuyn ; Luys Venegas de Henestrosa (1510 ? – 1557?) : Cinco diferencias sobre Las Vacas ; William Byrd : Almand – Pavan – Galiard – La Volta ; Jan Peterszoon Sweelinck :The Spanish Paven ; Giles Farnaby(1563 – 1640) : the Old Spagnoletta ;Francesco Fernandez Palero :Romance III « Paseábase el Rey Moro » ; Antonio de Cabezón : Pavana con su glosa. Clavecin : Paola Erdas

     Qui connaît en France le jeu de la claveciniste Paola Erdas ? L’Italie a bien de la chance de l’accueillir au sein du petit Teatro dei Varii, assise, de noir vêtue, les petites mains presque couvertes de dentelle, devant un clavecin court et coloré, déjà nerveux d’apparence, peint de ruines et d’arbres agités par un vent chargé de nuages. 

     
Ainsi ce fut l’apparition subite de la « gravité », pleine d’un noble pathétique, gravité d’une femme, inapte à aborder la vie sans la disséquer par l’âme, en profondeur, une femme du pays des Janas, déesses sardes bienveillantes et inquiétantes. Chaque note de ses mains, sans excès et toujours dans la précision, était faite de la même émotion que chaque note couchée sur le papier par un Monteverdi. Ainsi la claveciniste rendait-elle en ce programme ancien tout l’esprit de ce temps, bien loin des galanteries primesautières des âges à venir mais dont la noblesse avait cette tristesse qui, lorsqu’ils jetaient les yeux en arrière, désespérait les auteurs post-corelliens. Simultanément à cette gravité, la Renaissance, avait la passion des danses et des chansons populaires, celle d’une joie simple et directe. Or voici que touchante, simple et savante, ce n’est rien d’autre que la musique du roi d’Angleterre Henry VIII que s’apprête à jouer Paola Erdas dans un programme exquis, à l’association complexe d’auteurs, dont elle explique le contenu dans un intelligent programme traduit à la fin de cet article. 

     Pour l’heure évoquons la technique, la manière de ponctuer les mouvements de danses avec l’énergie juste, de faire surgir une chorégraphie presque palpable ; évoquons la force, les rythmes, l’impulsion, les célèbres thèmes, parfois altiers comme le Why ask you, la basse du Greensleaves (Las Vascas), parfois espiègles comme la Volta – botticellienne ! - la spagnoletta, et tout cela dans une maîtrise de jeu, une concentration sévère qui force à chaque instant le public à entrer dans le monde de l’artiste, un monde qui, déjà débordant de musicalité, ne saurait tolérer un seul accroc. Les deux consorts d’Henry VIII compositeur, dévolus à l’origine aux violes purent se passer de leur sonorité originelle ainsi confiée à une artiste communicative de leur inspiration. Ces œuvres sont peut-être bien plus liées à la douloureuse cruauté du roi et à son appétit d’amour. Le pouvoir n’est pas une aide aux âmes torturées. Le maître de Bull, William Blithemann proposait de par une œuvre sacrée un tout autre monde, plus céleste : un figuralisme trinitaire en triolet avec saut de tierce à la fin du sujet, le résultat est très moderne par la sonorité et la spécialité. Quant à la « profondeur » d’un Cabezón (il n’y a vraiment pas d’autre mot pour qualifier sa musique), elle naît dans l’obscurité des yeux aveugles. Pour qui croirait Sweelinck un auteur froid, qu’il s’intéresse à l’anglaise fortune pétrie par les mains dentelées de Paola Erdas et il découvrira assurément la sensibilité du maître hollandais de Scheidemann : la filiation est évidente dans de telles interprétations. Mais dans la lenteur des cantus firmus de l’église, jadis réappropriés au clavecin par la ferveur intime des foyers – aussi intime que ce petit théâtre – ou bien encore dans les langueurs de la Romance II de Palero, le geste de Paola Erdas est d’élection : celui d’un des rares instrumentistes qui savent maintenir l’oreille du public dans ce silence-résonance habitant l’interstice entre la haie de chaque note : c’est au point que l’on oublie que la corde n’est pas frottée et que ce n’est pas une viole qui se fait entendre. 

     Les deux bis furent d’un autre monde et c’est l’occasion de parler du son de l’instrument lié à la pensée de l’interprète, une copie faite par Augusto Bonza de deux français XVIIIe : l’addition est égale à un italien. Beauté claire et méditerranéenne des aigus mais aussi des somptueuses basses venues de France, sans compter un éclat proche des flamands. Aussi par une brillante chaconne ce n’est pas le sombre Lebègue du disque ( ce qui en faisait la beauté d’ailleurs, lire la chronique du disque) sans que pour autant les suaves basses si typiques de l’écriture française en soient moins servies, tout comme celles, en jeu de luth, duNew Ground de Purcell et dont le chant (c’est une transcription de l’auteur d’un solo tiré de l’Ode à Sainte Cécile) était ici vocalisé à fleur de peau – celle des doigts de l’artiste qui salue le théâtre en fin du concert, parterre et loges : chacun était tapi dans le clair obscur qu’elle venait d’installer. Et elle salue, avec modestie, de cette même gravité. 

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mardi 24 mai 2005

Ensemble de Francesco Cera Arte Musica joue Vivaldi à l'orgue : Vivaldi un maître de Bach

Colle di Val d’Elsa. Teatro dei Varii. 20-V-2005, festival Lucii & Tintinii. Antonio Vivaldi (1678-1741) : concerto pour violon, orgue et cordes en ré mineur RV 541 ; Concerto pour violon, orgue et cordes en fa majeur RV 767 ; Concerto pour violon, hautbois, orgue et cordes en do majeurRV 554 ; Concerto pour violoncelle et cordes en sol majeur RV 414 ; Sonate pour violon, hautbois, orgue et violoncelle (ou calumeau) en do majeurRV 779 ; Concerto pour violon, orgue et cordes en fa majeur RV 542 Violons :Riccardo MinasiYoko Ichihara,Marci Serino ; Alto : Giorgio Sasso ; Hautbois : Andrea Mion ; Violoncelle :Marco Testori ; Contrebasse : Vanno Moretto ; Théorbe et guitare baroque :Giuseppe Pistone ; orgue et direction : Francesco Cera. 

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     Les bonnes salles font les bons concerts et c’est d’autant plus vrai lorsqu’un Vivaldi sur instruments seuls est joué dans un petit théâtre de la même époque. Voilà vraiment un pied de nez pour clôturer une saison qui débuta par un opéra (Gli Amori di Lidia e Clorid’Alessandro Melani par l’Alessandro Stradella Consort) car c’est oser le théâtre sans les acteurs. 

     Vivaldi fait, ce soir, des merveilles de l’alliance du violon et de l’orgue : l’orgue semble évoquer la couleur des eaux stagnantes de la Lagune, le violon être la parole des amants. Ainsi ces concerti sont-il souvent grossi, l’orgue n’est pas là pour être le premier dominant, il est là pour colorer. Modestement doté par la partition Francesco Cera n’est pas ici mis sur le devant de la scène malgré sa magnifique et discrète direction, son phrasé si étudié, délicat et mélodique. D’autant que le son de ce positif fait par le facteur Pinchi, par ailleurs très beau, était faible - mais c’est la loi du genre si l’on veut jouer dans un théâtre et non dans une église. Francesco Cera ne cherchait pas, cette soirée, la vedette, il lui suffisait de pétiller d’élégance et de sûreté virtuose en secondant le violon soliste qui ne pouvait s’empêcher de prendre le premier rôle, surtout quand il est joué avec tant de naturel et de jeune arrogance par un prodige, Riccardo Minasi. D’une perfection technique totale, l’orchestre participe à la liesse. Et d’ailleurs, il est frappant d’y trouver un théorbiste qui se plait à échanger alternativement son instrument avec une guitare crépitante, absolument efficace sous les doigts de Giuseppe Pistone : on ne sait en définitive si c’est Vivaldi qui swingue ou les interprètes qui l’entraînent vers l’euphorie… 

     En commentant ce concert on ne peut s’empêcher de faire des références continuelles à Bach tant l’impression du concert nous affermissait dans la certitude que l’allemand avait étudié scrupuleusement ces œuvres de Vivaldi. Le concerto en ré mineur rappelle dans sa forme celui en do mineur à deux claviers de Bach. Le deuxième concerto en fa majeur sonne rustique avec, çà et là, des inflexions desQuatre Saisons : tout y est allègre, gaillard, humoristique… puis, un instant, une tristesse passe sous la forme d’un mouvement de sonate en trio selon la même écriture que celle de Bach pour ses sonates d’orgue solo, excepté qu’ici le soprano du violon dialogue avec celui de l’orgue. C’est un thème simple presque populaire, finement ouvragé et finissant en les épousailles si sensuelles des voix. On en oublie d’en commenter le final aussi pastoral que le début… A son arrivée pour le troisième concerto de la soirée, le hautboïste fut ovationné : il n’avait pas joué une note, mais le public visiblement était déjà entraîné dans l’enthousiasme. Ceconcerto en do majeur est cousu de jeux d’écho où, parfois, des solos s’échappent dans un lyrisme nonchalant. C’est l’occasion pour Riccardo Minasi, ingénument, de se balader sur la scène, profitant d’appoggiatures malicieusement utilisées par Vivaldi. L’orgue cantonné dans son rôle modeste n’était pas de reste à force de mettre en valeur chacun des deux partis ! Mais voici le mouvement lent : impossible que Bach n’ait pas entendu et étudié ce concerto tant il est similaire à certaines œuvres du Cantor de Leipzig. D’étonnements en étonnements, on découvre une des autres merveilles de ce concerto dans le mouvement final avec des sauts dans l’aigu ou tous les instruments brodent la matière sonore au dessus du hautbois. Le quatrième concerto en sol majeur (tonalité lumineuse) cette fois-ci voué au violoncelle, est techniquement le plus exigeant. Or notre violoncelliste, Marco Testori, n’a pas peur de faire valoir la rusticité de l’instrument et d’entrer dans le vif : il joue - et la contrebasse de son côté est singulièrement mise en relief se voyant confier en solo le continuo. Le mouvement lent débute par une ritournelle préparant le solo, ritournelle jouée en trio de violons, lente et … quasi « schubertienne » malgré d’évidentes barrières historiques. Une rencontre fortuite à travers le temps. Quant au solo de ce mouvement : c’est l’unique véritable tierce en taille qu’ait produite l’Italie (ici le violoncelle chante en ténor accompagné par les violons). Enfin le final est une authentique bourrasque faite de virtuosités ascendantes. Puisqu’il fallait monter en intérêt, la Sonate en do majeur successive est un chef d’œuvre, le chef d’œuvre du concert. Le début est une tendre élégie qui reprend en majeur le matériel d’un autre concerto en la mineur lui aussi transcrit par Bach (mais pour l’orgue seul), puis c’est une fugue à la Haendel (il fut aussi vénitien pour une saison d’opéra), tel un hommage conscient à l’école allemande. Des clochettes (imitations tant à l’orgue qu’au violon) se font maintenant entendre et, dans ce concert en particulier, évoquent les cristaux du nom du festival « Luci & Tintinni » (« lumières et tintements » cf. la présentation du festival)puis la cadence de ce premier mouvement à l’orgue rappelle étonnamment celle du concerto en ré mineur transcrit par Bach pour l’orgue. Mais toutes ces accointances et trouvailles ne sont pas les seuls trésors de cette Sonate en do majeur : le largo est un sommet qui influença certainement Telemann en son temps. Mais on n’a pas le temps de laisser se dissiper le charme que voici l’amorce du nouveau mouvement vif : ce sont des duos de couleurs différentes, et, nouvelle surprise, la cadence de l’orgue est, en octaves brisées, strictement la même qu’une des trois cadences finales du concerto à trois claviers de Bach, justement en do majeur. Le dernier concerto en fa majeur est, en plus grand, le pendant de celui qui ouvrit le concert, c’est comme un concerto pour deux violons dont l’orgue aurait usurpé la parole d’un des deux, c’est que ces œuvres semblent être des réadaptations pour un interprète précis, un hôte, une occasion… le mouvement lent est « alla Corelli » mais avec ces poésies typiques de Vivaldi. Enfin on nous avait réservé la pyrotechnie pour le final avec la cadence sur double corde, horriblement virtuose poussée jusqu’à la force qu’imite aussitôt à l’identique la main de l’organiste et ce n’est pas moins exigeant… Le bis reprend le mouvement allegro d’un précédent concerto, plein de solos baladeurs au violon, au hautbois, à l’orgue, ce mouvement précisément où le violoniste profite des appoggiatures pour gambader sur scène, délaissant un instant le support visuel de la partition.


mercredi 11 mai 2005

Agnès Mellon : aux chandelles émotion du soir


Nice. Eglise Saint-François-de-Paul. 06-V-2005. Pierre de la Garde (1717-1792) : Cantate pour soprano « La Sonade » ; François Couperin (1668-1733) : Grande Sonade en trio intitulée « Le Parnasse ou l’Apothéose de Corelli » ; Antonio Vivaldi (1678-1741) aria (Farnace) « Gelido in ogni vena » ; aria (Ramiro) « In mezzo alla procella » ; Georg Friedrich Haendel(1685-1759) : concerto grosso en si mieneur opus VI n° 12 ; Cantate pour soprano « Agrippina Condotta a morire ». Agnès Mellon : soprano ;Ensemble Baroque de Nice, direction : Gilbert Bezzina. 

     Une coupure d’électricité des Bouches-du-Rhône jusqu’à Menton a conféré au concert d’Agnès Mellon une touche imprévue, « vénitienne », en l’église bleue de Saint-François-de-Paul à Nice, déjà somptueusement baroque par son architecture et située en face de l’Opéra. Les dominicains qui réservent un accueil quasi permanent à l’ensemble de Gilbert Bezzina ont sorti de leur trésor les hauts bougeoirs habituellement dévolus à la Semaine Sainte ainsi que d’innombrables bougies… les musiciens disposent l’éclairage à leur guise en un quart d’heure de temps, le public dans la pénombre était toute ouïe… 

     La cantate humoristique de Pierre de la Garde diffuse une singulière affinité élective avec cette situation. Nous voici dans un salon Louis XV, la belle au bois dormant paraît en sa robe ancienne, tel un fantôme portant une bougie surannée et, d’une voix bien en chair, dans un récitatif plein de feintes, demande à l’orchestre encore tout endormi de jouer plus haut. Trois petites notes, et ce n’est pas suffisant : « plus-haut ! » proteste encore le spectre, encore trois petites notes, c’est l’agacement ! « plus haut ! ». L’orchestre fait mine de s’accorder, le ton théâtral et espiègle de la cantatrice comédienne est donné. Impératrice en son concert, la voici qui étreint des bras l’orchestre pour donner le départ réel de cette cantate appelée la « sonate », sonate qui évoque, par son humour, le sonnet de Théophile Gautier « Les quatrains du sonnet sont de preux chevaliers… Les tercets, plus légers ». De la Garde se joue des poncifs italiens qui dominent la France du XVIIIe siècle. Il personnalise en véritables allégories les mouvements de la Sonate, ou « Sonade », tant les éléments en sont francisés. Quelle diction ! sans les détails du programme sous les yeux (et dans le noir comment eut-on fait ?) surgit « l’adagio » ; puis il est temps de le dissiper en invoquant les « bergers » de la « musette » ; on se joue joliment des cadences ; la sarabande - « quelle gravité, quelle majesté ! » - se doit d’être escortée par les dieux de l’Olympe, puis retentit un « Sortez Vents furieux », la foudre éclate et enfin une pirouette : « que pensez-vous Messieurs de ma Sonate ? » : que tout cela est spirituel et spirituellement donné ! 

     C’est alors que vint Corelli, lui aussi fantôme allégorique puisqu’il monte au Parnasse pour recevoir son Apothéose sous la plume de François Couperin. Corelli est un génie classique dans le baroque. Rien de trop : architecture parfaite, élaguée, policée, lumineuse imagination jugulée, raffinement extrême, grâce aristocratique ; il est, par la pureté de sa forme, le Racine de la Musique. Voilà pourquoi un Michel Corrette, soixante dix ans après, décrivant la tristesse de la musique française au XVIIe siècle, s’écria « heureusement Corelli vint », faisant référence au célèbre « heureusement Malherbe vint ». L’un est un soleil, l’autre une austérité, tous deux mirent de l’ordre, ajoutons leur pair, le peintre Poussin, romain et français. Lorsque Corelli est interprété par François Couperin, le résultat est sublime, non seulement par l’imitation parfaite mais aussi par la poésie du français, innée à sa famille, famille à laquelle la viole donna un tour mélodique inimitable et chaleureux, tour qui la distingue de tout le paysage musical de ce temps. Tout d’abord l’ouverture et l’allegro, en guise de cortège pour Corelli montant au Parnasse, est l’occasion du dialogue entre Gilbert Bezzina et Laura Corolla dans une interprétation des plus stylées. Puis, les tendres frottements harmoniques chers à l’Italien, l’allegro ; enfin, le sommeil en sourdine où l’on entendait le continuo raffiné du théorbiste Sergio Basilico ; l’Orphée romain s’était endormi auprès de l’Hélicon - et enfin l’enthousiasme et la liesse générale accompagnent le « Remerciement de Corelli ». Merveilleux si l’on excepte l’acoustique du lieu, défavorable à la voix et qui spatialise en trois parties le son. A gauche, le public adula Gilbert Bezzina et crut que Laura Corolla ne fournissait pas de son ; à droite on pensait de Laura Corolla qu’elle était parée de mille feux et l’on en oubliait la prestation de Gilbert Bezzina. Seul les gens du milieu entendirent équitablement leur belle performance. 

     Quant à la voix, pour le très attendu Vivaldi, bien heureux furent ceux qui se trouvaient entre le sixième et le dixième rang au centre et plutôt sur la rangée gauche. Ce Vivaldi là était comme au théâtre, pénombre pour le public et pénombre pour une scène triste : place à l’émotion de l’aria « Gelido in ogni vena » issu de l’opéra de la pleine maturité, Farnace (1727). L’appréhension suspendue du temps et les harmonies sont si propres au compositeur que personne n’en eut pu ignorer l’auteur – ne parlons pas de la cadence rompue extraordinaire, source d’inspiration directe pour celles de Bach ! Mais tout cet art n’est rien sans l’interprète, à la fois lyrique et séraphique. Agnès Mellon est plus qu’une chanteuse à la technique virtuose, au beau timbre, elle est un maître, entendons ce mot avec tout l’apport sémantique de la culture japonaise puisque, en Europe, nous en oublions le sens : le savoir et l’expérience allant au-delà du matériau utilisé par l’artiste pour s’exprimer, ce qui confère à de tels interprètes une aura indicible ressentie par le public et qui porte à l’enthousiasme. La perfection de l’interprétation chez Agnès Mellon suscite deux métaphores : la première est que dans la pénombre et par le jeu du maquillage, l’on eut pu croire que l’interprète pleurait, il n’en était rien, l’émotion n’était portée que par la voix, mais voilà bien la puissance d’évocation du grand art. Autre image, Agnès Mellon est peut-être telle que fut la Faustina au San Cassiano de Venise, une femme, digne de la concurrence : le castrat Farinelli au San Giovanni Grisostomo en 1728-29. La femme touchait plus et, grâce à elle, on assistait à un vrai opéra, Farinelli étonnait, à cause de lui l’opéra se transformait en un concert à voix seule. Ce soir là dans cette église, nous étions à l’opéra au lieu d’un récital. 

     Ici tout est dit. Rapportons tout de même la suite du programme : l’air de bravoure vivaldien « In mezzo alla procella » issu de Ramiro fit réapparaître la lumière, EDF avait médité son affaire ! Un coup de théâtre digne des rebondissements de l’opéra. Après l’entracte (qui permis à chacun de se placer à son gré suivant son appréhension de l’acoustique), ce fut l’énergie de Haendel. Un tout autre monde : pied de nez aux idées préconçues sur la standardisation de ce temps-là. Dans un concerto à la tonalité corellienne (si mineur, tonalité des fugues imitées de Corelli par Bach et du prélude du Clavecin bien tempéré, lui aussi corellien), un thème rapide et aigu s’approprie cette tonalité pleureuse avec toute l’énergie italienne, la noblesse française, la rigueur allemande et la netteté anglaise. Voici l’air à variation prisé par le compositeur d’un galant guindé et diaphane ; puis, le final, pathétique et virtuose. 

     Place enfin à la Déesse outragée : Agnès Mellon. Cette déesse qui fait fureur actuellement – la chanteuse est certes mille fois qu’une Médée à la mode d’aujourd’hui, mille fois plus que l’Ange de William Christie d’hier ! On y entendit une succession de récitatifs splendides tels que seuls les saxons savaient les composer. Que sont belles les larmes de l’« infelice » ou la virtuosité de la colère ! Tous les sentiments sont là, imposant leur beauté, suivant l’art du dramaturge Haendel. 

Crédit photographique : © Jêrome Bernard-Abou

dimanche 8 mai 2005

Huguette Gremy-Chauliac :les feux d'un clavecin haletant


Nice. Chapelle Sainte Croix. 14-V-2005.Louis Couperin (1626-1661) : en Fa prélude non mesuré, allemande, courante, sarabande, fugue, chaconne, tombeau de Monsieur de BlancrocherJohann Sebastien Bach (1685 – 1750) : concerto en ré mineur (transcription du concerto pour hautbois d’Alessandro Marcello) ; Gaspard Le Roux (mort en 1707) : Chaconne en fa ; Domenico Scarlatti (1685 – 1757) : sonates en mi majeur K 380, en ré mineur K9, en La Majeur K 209 ; Georg Friedrich Haendel (1685 – 1759) : chaconne en sol majeur en 21 variations ; Jean-Philippe Rameau (1685-1764) : la Poule. Clavecin : Huguette Gremy-Chauliac

     L’artiste n’est pas seulement le professeur, chef d’une brillante école dont fit partie Scott Ross, ni la pionnière qui défendit les génies oubliés tels Gaspard Leroux ou bien encore Elisabeth Jacquet de la Guerre. C’est avant tout un touché d’exception, un jeu d’une vivacité, d’une jeunesse magnétique, une intellection sensitive de l’harmonie qui fait de ses interprétations débordantes de musicalité non plus seulement le fait de sons issus du clavecin mais l’imitation de l’orchestre symphonique du concert spirituel au temps où Rebel y donnait ses élémens. La voix, les cordes, tout ce que l’on devrait savoir imiter au clavecin se retrouve instinctivement assimilé et reproduit sur les touches du William Dowd, l’instrument du concert, le fleuron de la production de l’illustre facteur. Choix d’autant plus judicieux que ce pouvait être dans l’imagination le grand clavecin français que touchait Rameau : « toute son âme et son esprit étaient dans son clavecin, quand il en avait fermé le couvercle, il n’y avait plus personne au logis » ; idem pour notre artiste. 

     Le programme se voulait varié et virtuose, joué sans aucune partition, cela s’entend. Il débute par Louis Couperin qu’Huguette Grémy-Chauliac est sur le point d’ajouter à sa discographie. Voici que l’on sent dans le prélude non mesuré qu’il est des éducations, des maîtres qui imprégnèrent quasi au biberon les artistes de cette génération d’une connaissance harmonique innée, comme une langue maternelle. Ajoutez à cela un phrasé d’une modernité extraordinaire à la pointe de l’interprétation moderne et vous vous imaginerez Huguette Gremy-Chauliac faisant sonner à la fois la flûte et la viole sur son instrument au milieu des harmonies fugitives de Couperin : tout y est clair, tout y est rationnel et chantant ; passons sur la beauté des danses : mais quel tombeau de Monsieur de Blancrocher, sonore à souhait, quelles couleurs ! Blancrocher avance, infatué, sur des rythmes nobles, c’est pour mieux tomber dans les escaliers par un tel affolement de la vitesse ! Tous ses amis se précipitent, un grand accord théâtral marque sa mort, alors… une belle respiration et sur le petit clavier, une phrase séraphique, sorte d’« in paradisium », puis les cloches sonnent le glas dans des graves expressifs, finalement, sur des pédales harmoniques, c’est la marche funèbre non sans quelques hardiesses lentement menées. Bondissant dans le temps, le célèbre concerto de Bach d’après Marcello nous fit voguer sur les canaux de Venise, nous n’en dirons pas plus que l’extraordinaire illusion de la ritournelle orchestrale introduisant le solo de l’adagio si beau : on aurait cru entendre les impulsions d’archet sur le temps fort et le décrescendo subit des accords répétés. 

     Aimé de Bach qui en imita maints endroits, Gaspard Le Roux est un esprit choisi, rare et raffiné, curieux des autres (il germanise dans sa sarabande à variation et c’est peut-être qu’il fut un enseignant pour les allemands ?), italianisant à peine, lullyste, aux harmonies étranges, certainement élève de d’Anglebert par son ornementation. Il a lui-même édité, pour faire cesser les contrefaçons, ses œuvres choisies sur la fin de sa vie en 1707 et les présenta d’une façon originale et riche : chacune est écrite non seulement pour le clavecin seul dans le style pour luth hérité de l’école de Chambonnières, Louis Couperin, Lebègue et d’Anglebert, mais aussi présente une version en trio pour instruments que l’on pourrait croire de Corelli, qui se rapproche cependant plus des préludes en symphonie de Dumont tant elle semble faite pour les violes parfois les flûtes. En bonus, quelques pièces montrent l’exemple du jeu à deux clavecins très pratiqué au temps de l’arrivée en France des sonates de Corelli vers 1690, pendant cet intérim où l’on formait à toute vitesse des violonistes virtuoses pour arriver à jouer le grand romain (en Angleterre on préférait confier cet intérim aux flûtes), c’est aussi le temps du jeu à deux violes, maître et élève, que l’on trouve chez Sainte Colombe, c’est le temps de l’allemande à deux clavecins de François Couperin et l’on aura compris qu’en 1707, Gaspard Leroux est riche d’une grande expérience. Mais qu’est-il de plus tentant que de jouer les deux clavecins ensemble, à savoir, enrichir de la deuxième voix instrumentale le soprano de la version simple du clavecin. C’est l’extraordinaire exploit d’Huguette Grémy-Chauliac qui fait tout le prix de son disque Gaspard Leroux. Il n’y a guère que le clavecin de Forqueray qui sonne aussi riche avec cette suave noblesse. 

     Des sonates de Scarlatti disons que le pas de la haute virtuosité est sauté et que ce n’est pas pour rien que notre « Dame du clavecin » fut le professeur de Scott Ross : les phrasés des nerveuses basses, l’allégresse des rythmes espagnoles, les délicats ralentis… Pour illustrer le jeu d’amitié entre les compositeurs, et pour montrer qu’en ce temps les voix des castrats et chanteuses, les violons des virtuoses de la Lagune poussèrent les Bach, Haendel et Scarlatti à concevoir un autre espace sonore pour leur instrument à clavier, voici « le » monument, la chaconne à 21 variations de Haendel, non pas des variations décousues mais moulées dans leur architectonique construction : ce ne sont que des crescendi, au clavecin ! déjà par l’écriture même de l’auteur, par l’ajout grâce à la genouillère des jeux, par le touché tantôt court, tantôt surlié créant un halo harmonique, voici une nostalgique et élégiaque variation, respirant ce XVIII ème siècle qu’affectionna Ravel, et si joliment anglaise, voici un thème en éventail sur le jeu de luth (il reviendra bien plus loin) passant sans qu’on le réalise sur le grand clavier et du grand clavier à l’accouplement et enfin arrivent les volées de doubles croches ascendantes, groupées par quatre, tels que seul Haendel en a le secret, et les voici qui envahissent tout pour achever l’œuvre dans une brillance épique. Le concert est fini ? Non pas ! Il manquait l’humour ou la virtuosité à la française d’un autre contemporain, Jean-Philippe Rameau qui pour être le musicien des Lumières, le savant harmoniste, n’en était pas moins un poète proche du peuple (par opposition au poète aristocratique qu’est François Couperin) avec ce thème naturaliste picorant de la Poule. Enfin le bis, la Forqueray de Duphly, pathétique et énergique, nonchalante et mélancolique, chant du cygne du style pour luth, cette manière française de rompre les accords au clavecin pour créer une brume harmonique. Ovation et bouquet… c’est quasi le moment d’ôter le clavecin et voici qu’un admirateur, demande à l’artiste de jouer la sonate cantabile en la mineur de Domenico Scarlatti – elle, charmante, s’y prête avec complicité : voici l’œuvre la plus en adéquation avec le style de l’interprète : un rubato d’un naturel et d’une science ! Ce qu’un temps vole, l’autre le rend, la parole manque à peine à ce qui est dit, la cadence du chanteur est là, l’émotion de l’œuvre, le souffle haletant… 

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