samedi 21 juillet 2007

Arts et souffrances de l'Arménie

Le théâtre de la photo participe à l’année de l’Arménie par le témoignage dur de quatre artistes. La beauté solitaire et pierreuse de cette terre tinte de noblesse chaque détresse, chaque horreur. Là des entrailles sous la main des médecins, là un soldat nu se lave sans déposer sa mitraillette. Ruben Mangasaryan isole une église détruite par le tremblement de terre de 1988, centre sur un enfant les impacts de tirs autour d’une fenêtre, arrête la marche innocente d’un accordéoniste qui sera mort la semaine suivante, montre les visages noircis d’une familles réduite à se chauffer avec des sacs plastiques (clichés finalistes aux grands prix internationaux de Reportage Humanitaire). Max Sivaslian hisse le capuchon esseulé d’un archevêque comme symbole d’une région, le Haut Karrabakh, martyrisée par les guerres sans obtenir son rattachement à l’Arménie. Six camps de détresse dévoilent leurs tendresses et leurs peurs dans une série qui porte le nom traditionnel des camps de concentrations soviétiques : « ils sont assis ». Karen Mirzoyan montre le dénuement de l’équipe de football arménienne qui se douche avec un tuyau d’arrosage et quelle triste maison est un château pour chaque enfant. Patrick Artinian part aux traces de Khatcher son grand père dont les années d’errances lors du génocide furent marquantes à travers les générations. Cent paysans révoltés sous la neige sont, malgré eux, une certaine beauté : expression d’une terrifiante épopée, âme d’un peuple et fierté du regard engagé des artistes.

Nice, théâtre de la Photographie

jeudi 19 juillet 2007

Matisse : fertilité de la grenade

Le musée Matisse, fraîchement climatisé, beau et lumière, propose cet été une exposition bouleversante parce qu’elle nous fait entrer dans le cœur de la poésie de Matisse. Est recrée l’année 1947 à la Villa le Rêve à Vence dans une « rencontre » de deux œuvres, l’une actuellement à Düsseldorf et l’autre au musée de Nice. Des palmiers donnent sur la fenêtre, symbole des couleurs et des formes concentrées. Dans Intérieur Rouge, nature morte sur table bleue (l’œuvre invitée) le rouge est irradié de stries noires, flashs électriques. Incandescence qui annonce le chef d’œuvre de Nice, Nature morte aux grenades, où la lumière rouge devient noire, le ciel encore plus bleu. Placées au premier plan, les grenades dans leur orange nécessaire sont une essence vitale, comme les oursins de Picasso au musée d’Antibes. Fécondité, féminité, seins emplis de chair, Aphrodite, Vierge mais aussi Afrique du Nord et Méditerranée sensuelle, les grenades sont prolongées par de superbes toiles d’autres peintres fascinés, comme Desportes au XVIII° siècle. Arras, Lille, Valence, Bâle, Washington les ont prêtées, le Louvre une poterie de Corinthe, époque de Périclès : quatre grenades liées par un serpent. De grenades passionnelles, Matisse illustre encore, de la fleur jusqu’au fruit, les affres de la religieuse des Lettres portugaises. « Je vais en ce moment, dit Matisse, tous les matins faire ma prière, le crayon à la main devant un grenadier. Et je fais en sorte de rendre évidente pour d’autres la tendresse de mon cœur. »

Nice, Musée Matice

dimanche 8 juillet 2007

Barcelone : feu intellectuel

En 1947 Maeght exposait Miró à Paris, en 1974 il crée à Barcelone une fondation. D’où à Vence cette imposante exposition de 60 ans de peinture en Catalogne. Raison-passion, sensualité-intellectualisme. Miró mène la danse : souveraine « joie d’une fillette devant le soleil » ! Années 40 : Tapiès fait surgir les yeux du chat. Ponç étête une perdrix à coup de fouets jaunes, comme Cuixart, il peint des hallucinations sexuelles. Époque résumée par 3 hommages de Tharrats : végétal pour Gaudi, stellaire pour Alban Berg, en fond marin pour Paul Klee. C’était le mouvement « Dé au sept ». Zush est l’héritier de cet art : ses langues mêlées des années 90, ses yeux rieurs sont d’un inconscient dissocié. « Mai 68 » : les jeunes et austères conceptuels. Plus charnel, le mouvement minimal autour de Broto aux signes cabalistiques orange monumentaux. Un film catalogue de Samtos : paupérisme pour les costumes du pianiste, de la sœur au pompier ; répétition minimale des notes « la ré mi la ». C’est maintenant l’Arte povera : sommier, grillages …par Tapiès ! 1980 : Amat est post-Gaudi pour sa maison pulpeuse avec seins au lieu de tuiles. Barcelo peint « Mapa de carn » : Un oiseau-flamme à 3 yeux domine un homme noir, dévoreur d’un cheval-loup dont l’estomac et les poumons deviennent personnages, bouches, louve, fuites et rencontres sur fond d’une ville en feu. Parmi les jeunes, Pimstein propose un délicat marais japonais, Fontcuberta roches et eaux d’après le crépuscule de Dali, les bleus de Pollock. Sévilla réinvente Miró en culture aztèque.

Vence, Fondation Maeght