vendredi 27 juin 2008

Richard Long, l'oeil artiste sur la nature

Belle exposition, forte impression  : non pas parce que  le thème de la nature est au goût du jour - Richard Long y est engagé depuis l'âge de 11 ans en 1956 - ni qu'on voudrait l'inscrire dans le Land Art. C'est bien plus authentique : Richard Long a cette sensibilité des artistes dite par Bergson : " si nous les admirons, c'est que nous avions déjà perçu quelque chose de ce qu'ils nous montrent. Mais nous avions perçu sans apercevoir. C'était, pour nous, une vision évanouissante. le peintre l'a isolée, nous ne pourrons nous empêcher d'apercevoir ce qu'il a vu lui-même"


Voilà l'émotion que vous aurez devant sa manière de vous dire les rythmes de la nature, sa fascination pour l'éphémère, les pistes de marches, les géographies de pierre dans l'immensité de la montagne qu'il a bâti, solitaire, puis photographié pour nous, sa fascination pour l'éternité, pour l'espace, la spirale, le cercle, sa manière de faire corps avec le matériau, ses mains plongées dans la boue, entre la peinture et la sculpture. Les fresques géantes sur les murs même du musée vous projettent dans l'immensité du vécu avec la même force que jadis les saules de Monnet. Un vrai poète.


Nice Mamac

mercredi 25 juin 2008

Fernand Léger : volume nets ou ombrés, géométrie et sourire de la vie

Le musée Fernand Léger après une longue fermeture pour restauration a désormais acquis des oeuvres majeures permettant de complèter l'évolution du peintre en partant des rares exemples d'impressionnisme ayant survécu, tel Les fortifications d'Ajaccio de 1907. Dans un petit chemin précédant Biot, elle avait était inaugurée, juste à la mort de Léger, par Chagall, Picasso et Bracque en 1960, puis elle fut offerte à Malraux comme musée d'Etat, cette géométrique bâtisse moderne de 1957, juchée sur une colline en pelouse, servant de socle à la mozaïque géante qui la recouvre, mozaïque à l'origine destinée au stade de Hanovre. 

expressive inexpressivité

La monumentalité de l'ouvrage témoigne de ce que Fernand Léger était le peintre de la communauté, un communiste inscrivant son oeuvre dans la vie pratique. Il y a chez Léger un paradoxe énorme et émouvant : C'est une oeuvre inexpressive très expressive. Parti très tôt, à l'époque de Cézanne, du constat que l'industrie et le cinéma créaient des images fortes et concurrentes, il a travaillé à des images choc, impersonnelles, plastiques et pourtant vibrantes d'humanité. Influencé par Mondrian et l'école allemande, c'est la géométrie des couleurs, la netteté des contours noirs, le dégradé des volumes sombrés qui font son style. Il donne à la figure humaine un poids physique qu'il dit dénudé de toute valeur sentimentale. Une peinture belle et inexpressive, c'est là l'exacte correspondance d'attitude avec un Stravinsky en musique, pourtant si puissament émouvant aussi. Car les objets s'opposent et font sens presque malgré l'artiste. Ces clefs qui dominent la Joconde toute verte ne sont pas là comme une antithèse, mais comme une histoire. Une autre composition montre une jeune fille qui semble retirer la peau verte et libérer la peinture du passé, à côté d'elle des plumes à encre. Une autre composition montre une danseuse bleue totalement déchaînées de ses mouvements. Et pourtant ces trois tableaux furent peints chronologiquement dans le sens inverse et n'expriment absolument rien, à plus forte raison rien de cette libération dans la peinture. 

du populaire à l'humani

Toujours dans le paradoxe, c'est aussi la douceur de la nature qu'il déchirera sans relâche par une architecture moderne, un poteau, des canettes de bierre. A New York il vit un visage changer de couleur sous les projections publicitaires et aussitôt il peint des bandes de tons primaires sur ses personnages en noir et blanc. C'est le précurseur de Wahrol dit-on, utilisant le populaire dans l'art, mais surtout c'est "la vie en pleine figure". Comme nous le montre l'exposition temporaire sur "la partie de campagne" agrémentéer de photos de ses amis tel Doisneau, avec la voiture qui chauffe au bord de la route, le picnic et le ballon, il y a toujours un chien (dans la Grande Parade des saltimbanques, un cheval) qui a ce regard doux et qui montre que toute l'oeuvre de Léger est inscrite dans le rêve d'une humanité fraternelle et vraie : malgré ses déclarations, tout cela fait son oeuvre "expressive", attachante même pour simple enfant.

vendredi 20 juin 2008

les aventures du capitano vert émeraude et de l'ornythorinc





Il était un capitaine de bateau tout bleu qui était particulièrement grand, avait les épaules carrées et les poumons puissants, il était fin costaud et fin musclé, son visage exprimait la gravité, la virilité, la puissance taillée au couteau mais quiconque regardait au plus profond de ses yeux vert d’eau pouvait y lire la pureté, l’innocence, l’amour. Or sa plus fameuse particularité était une peau bleue qui en bronzant pouvait revêtir une teinte émeraude. Il avait aussi une grande, large et épaisse massue dont il se servait pour quelque action de héros, de guerrier, de justicier, car il était doté d’une force surhumaine, aveugle et brutale.



Comment le capitaine s'en va t'en piraterie.


Or il était maladroit au début de ses exploits, cela venait qu’il fut longtemps matelot mousse chez les pirates et qu’on lui fit une éducation rugueuse tout en l’y couvant comme un petit poussin : le chef l’avait adopté, l’ayant recueillit au bord de l’écume de la nageoire de quelque poisson chirurgien. Un jour son père adoptif lui dit :

« Va pirater de par le monde : avec tous ces biscotos que tu as, cela ne sera pas difficile ».

Et le capitaine-massue de prendre son petit bateau et de foncer cahin caha sur le yacht d’un milliardaire anglais.

« Je viens vous pirater... »
« Maman ! il y a un gros monsieur bleu sur le ponton ! »

« Oouh chérie apportez moi l’appareil photo ! »
« Cher Monsieur, prenez tout ce que vous voulez, mais accepteriez-vous de poser pour la photo avec nous ? »

Et le Capitaine de déployer une grande colère, de dévaster tout le bateau d’un coup de massue . Aussitôt l'enfant se mit à pleurer !

« Papa, il ne veut pas la photo le gros monsieur bleu ! »

Et il ne s’arrêtait plus de pleurer, le capitaine voulait le serrer dans ses bras pour le calmer mais cela était pire en matière de résultat.

« Vous voyez monsieur ce n’est pas gentleman de faire peur aux gens ! il ne faut pas s'adonner à de vilaines choses !



"Je vous promets de ne plus faire le pirate !" répondit le capitaine ne sachant comment consoler l'enfant qui dit tout d'un coup :



"alors on la prend la photo ? "



Notre musclor bleu comprit à cet instant qu’il n’était pas fait pour la piraterie. Après la photo, maladroit comme il était, cherchant à sauver le navire dévasté, il le fit échouer sur le massif de corail et ramassa les plus beaux coquillages en compagnie du petit enfant puisque chacun sait que c'est là qu'ils sont, au bord de la barrière. Une journée inoubliable pour nos anglais tout joyeux sans soucis du prix du bateau perdu.



Comment le capitaine, rencontrant un compagnon inattendu, se fâcha immodérément.



S'il ne pouvait être pirate, allons donc pour grand héros ! prenez garde requins, poissons venimeux et méduses tueuses !


Un jour qu’il plongeait dans l’eau il sentit sa massue toute lourde :



"Qu'est-ce donc qui s'agrippe ? je verrai ça tout à l'heure ! Mais que vois-je à l'horizon, un crocodile : je vais l'assommer comme un trophée !



Il lève sa massue, va pour frapper, mais à la place de la massue (et c'était cela le poids) notre capitaine brandissait un ornithorynque qui s'appelait Platypulus et qui avait un regard si doux, si doux, ah ! si doux...



"J'ai le coeur attendris, suis-je un crocodile ?

un moineau ? j'ai du coton dans les dents !

Comme mon coeur est gros et grand !

j'ai les larmes qui me montent et je me fais de la bile !



Et le crocodile pleure, pleure, ah pleure ! c'est sa nature profonde, et le crocodile retourne sagement à l'eau sans essuyer de coup violent, aucun ! sans lutte, dans l'amour et la paix.



"Peace and love" dit le crocodile



Le Capitaine qui était colérique ne trouvait point cette aventure de son goût :



"Comment moi ne pas frapper

ne pas combattre, ne pas abattre !

un canard me vole ma proie !

au lieu de gloire, on ira clamer ma honte !

Va-t-en vile bête, n'ose plus devant moi

montrer une tête immonde !



Et d'un violent coup de pied, il jette loin de lui l'animal étrange, l'ornythorynque (c'est lui qui a un bec de canard même si c'est un mammifère primitif), et marchant d'un pas agacé, capitaine-massue s'éloigne vivement, tandis que le doux mammifère primitif, tel un destin, le suit tout de même, les yeux remplis d'amour. Le capitaine marchait tant et tant, naviguait tout autant et tomba sur une île paradisiaque. Les cocotiers lui chantaient ce joli refrain



"j'ai faim, je veux manger de la banane

j'ai soif, je veux boire du lait coco ! "



C'était une chanson à la mode. Le ciel était bleu, la mer émeraude, c'était là une invitation à s'endormir dans le pur bonheur. Mais le capitaine avait toujours en lui cet énervement d'autant qu'il était ereinté sous le soleil frappant, au milieu du sable, quelle chaleur ! il se retourna et vit bien que l'ornythorynque le suivait toujours



"Mais lâche moi les tongues !"



Le mammifère primitif le regardait encore plus triste encore plus doux. Alors ce fut la crise de nerf, un malheureux rocher en fit les frais, pulvérisé sous la massue du Capitaine !



Toujours là, l'animal gonosomé dispendait toujours son regard pur ; fatigué, le capitaine s'était assis sur la plage, il voyait bien que désormais il n'y avait plus rien à faire pour se débarrasser de ce joli petit monotrème. Mais des pas étranges attirent soudain leurs attentions, un troupeau de fantôme de dinosaures passe là sur la plage, laissant des empruntes belles jusqu'au plus lointain de la perpective. Puis voici des poissons coureurs qui vont dans tous les sens à trois cent kilomètres heure. "Prenez garde" sifflent-ils.



Sentant un danger qui pourrait lui permettre tout exploit, notre Capitaine Massue dit à Platypulus :



"viens !"



Et il plonge dans les profondeurs marines pour rejoindre un volcan marin. C'est alors qu'une armée de Nautiles l'environne et l'entraîne dans un tourbillon de vapeur jusqu'au chef de la tribu : Dark Trilobite.



Dark Trilobite était tout vieux, au moins 380 millions d'années. Sa date de naissance c'était l'ère du dévonien, quand il y avait plus d'animaux dans la mer que sur terre. Il avait été gentil dans sa jeunesse, mais un coup d'astéroïde sur la gueule l'avait rendu méchant, irascible, maudit pour l’éternité. Comme il n'avait plus de repos, il était devenu un chef cruel.



Comment le Capitaine fut châtié par Dark Trilobite



"Tu as détruit la roche sacrée de l'île de Lifou

tu as brisé notre tabou :

tu seras puni de la façon que voici, façon tripartite :

touche l'un de mes trois lobes gluants - c'est de là que me vient le nom de trilobite -

et tu choisiras toi même selon le hasard la malédiction qui te frappe :

maladie mentale, maladie physique, handicap"



Le gros doigt du capitaine s'enfonça dans le lobe de gauche



"Une chance pour toi, c'est le handicap que tu subiras,

il en existe un millier que amoindrissent chaque jour ton voisin

mes trois lobes t'en proposent quelques uns :

paraplégie, amputation, nanisme, tu choisiras"



Le gros doigt du capitaine s'enfonça dans le lobe du milieu



"C'est le mieux pour toi, tu seras nain, plus petit que mon pouce,

tu seras le maillon faible, un petit mousse !"



"Non, pas ça à mon capitaine" lança Platypulus qui aussitôt sorti son arme des yeux doux pour combattre Dark Trilobite, en vain car l'âge l'avait rendu aveugle et l'action passa inaperçue. Tandis que Platypulus se lamentait, le capitaine rétrécissait. Par fortune, Dark trilobite vieux et aveugle, n'eût pas le loisir de parachever son oeuvre, et le capitaine tout petit petit qu'il était devenu restait parfaitement proportionné et séduisant. Alors Platypulus pris la parole :



"Dark Trilobite, comme j'ai échoué à sauver mon ami du sort terrible

veille à me faire partager sa destiné à part égale !"



"Platypulus, je ferais pire encore pour toi,

car j'exècre les anges de lumière !

non seulement tu rétrécieras mais ton arme,

ton regard, aussi doux soit-il sera inefficace

tel est mon sortilège !

Quant à toi, capitaine-massue,

ton nom sera désormais Capitano

et ta massue une brindille,

tel est mon sortilège !"



Quelle fut la vaillance microscopique de Capitano



"fuyez" disent les nautiles "Notre chef lance contre vous une attaque de moustique".

"cachons nous dans la mangrove" dit Platypulus

"que cette écrevisse bleue semble appetissante" dit un tricot rayé

"mon bébé !" dit un Bernard l'hermite

"que je ferais bien mon époux de ce capitano" dit une étoile de mer brune et baudruchée

"Il est à moi ! tu vois que nous sommes fait l'un pour l'autre à cause de la couleur ! dit une étoile de mer bleue électrique

je l'enserre dans mes bras en peau de doudou" dit sa consoeur

"je vous assomme toute de ma massue" répondit le capitaine

"merci de m'avoir dégagé le doigt coincé dans la mangrove, tu m'as sauvé de la marée montante" dit un pêcheur kanak

"toujours les moustiques reviennent à la charge !" s'effraye Platypulus

"venez à nous, disent les petites étoiles de mer couleur de sable, apprenez l'art de se camouffler lentement dans le sable, ils ne vous verront plus"

"Il suffit de vous blottir dans la trace que j'ai laissée, il y en a un millier identiques"

"là au loin, platy ! échouée, une noix de coco brisée, ce sera notre radeau"



Et voilà comment le capitano a toute vitesse s'enfuit de l'île en compagnie de Platypulus, naviguant dans une noix de coco.



Où l'on raconte la prophétie du requin marteau



Voilà qu'au milieu de l'océan un requin marteau rencontra le capitaine, c'était un sage et non pas un vaurien, le capitaine n'eut pas à se servir de sa massue, et c'était d'ailleurs une chance qu'il n'eût pas rencontré les méchants requins qui pullulent de par tout le pacifique dans la petitesse où il se trouvait.



"ah si j'étais fort et grand, j'aurais là un adversaire remarquable"



" De par tout le pacifique pullulent les méchants et de par toutes les armes il faut lutter pour survivre, une chance que minus comme tu es, c'est sur moi que tu tombe, j'ai à te dire ton avenir. Pour l'heure ne cherche plus à frapper inconsidéremement et réfléchi mieux sur la manière de tes capacités"



"parle vieux sage"



"soit : tu retrouveras ta taille adulte, ta force surhumaine, ce jour où tu rencontreras la communauté d'animaux animée par le seul sentiment de l'amour. Vas ton chemin, ai confiance, apprends à te maîtriser toi-même"



Il dit, et drappé dans la dignité de son nez monumental, il tourna le dos pour s'en aller



Ce qui arriva au Capitano en Nouvelle Calédonie



Quand ils arrivèrent sur la terre ferme à force de ramer dans leur frèle embarcation, voici qu'un oiseau gris au plumage arrogant les reçus farouchement.



Qui êtes vous pour venir envahir mon pays

je le défendrais, dussé-je périr

les Kagous sont ainsi, ils vont jusqu'au bout



et disant cela il ouvrit très grande sa huppe et ses ailes pour impressionner le capitaine



Tu es fier comme artaban

moi je suis vaillant



Le capitaine pris un coquillage et s'en servit comme épée pour escrimer avec le bec de l'oiseau. Le combat fut acharné toute une heure, il n'y eut pas de gagnant, fatigués les deux adversaires s'écroulèrent, ils s'assirent l'un à côté de l'autre, et tandis que Capitano poussait machinalement des cailloux, l'oiseau arrogant lui dit :



Tu es brave,

je te laisse le passage

et serais-là un jour pour t'aider



Et le Kagou s'en alla. Capitano arriva à Boulouparis, ville du troisième millénaire, une grande banderole annonçait la fête du cerf, de la crevette, de l’écrevice et du petit poussin.



"Platypulus, regarde, c'est certainement eux la communauté douce qui me rendra ma taille, un poussin c'est tout plein d'amour !"



La fète battait son plein, on mangeait du pain marmitte et on cuisait des saucisses qu'on mangeait avec de l'igname, d'autres mangeaient du bougna, miam c'était bon tous ses féculents ! Le capitaine mangea de bon appétit une miette de tarot et platypulus du se battre contre un acarien pour avoir la sienne.



Alors au milieu de la fête, acclamé de tous, surgit le poussin. Il avait un casque de mineur sur la tête, et l'on voyait bien que c'était lui le chef, qu'il dominait le groupe. Il dit



"Mâtez moi ce minus

Tâtez un peu ses muscles

ouvrez lui la bouche que je vois si ses dents sont en bonne santé

c'est signe de résistance.

Ok, ça me convient, Cerf emprisonne le dans tes branches

c'est ta nouvelle maison, Minus : désormais tu piocheras le sol pour extraire du nickel à mon compte,

je compte bien avoir plus de rendement avec toi qu'avec ces fénéantes de crevettes et écrevices."



"Bravo Poussical, foi de Cerf, t'as fait un bon coup ! T'es le plus fort !"



" Mouais, je m'aime trop ! Mais m'appelle pas Poussical, appelle moi Chef !"



Et Voilà Capitano qui se retrouve esclave mineur à fouiller la terre rouge pour ce vilain capitaliste de Poussical dont l'entreprise prospère sur le dos des autres. Son grand plaisir, le dimanche c'est de faire du tunning avec son 4x4 le plus fort possible avec de grandes baffles. Dans la semaine il conduit le capitano enchaîné à l'extraction de Nickel, il conduit assis sur un coussin, vindicatif, agressif, toujours la musique à fond dans la voiture, du rap.



Un soir que le capitaine se lamentait dans sa prison de corne de cerf, deux écrevisses crurent trouver là un coin isolé pour se mettre à chuchoter



- Rappe-moi un peu le dos avec ta mandibule, je suis toute mouillée !



etc.









"Platypulus, est-ce que mes yeux sont assez doux maintenant"

"Oui, mes leçons ont été laborieuses mais chut ! il ne faut pas que le cerf nous entende

c'est pour demain matin, aussitôt que poussical vient te chercher, demande lui une entrevue, et prends bien soin que cette entrevue soit effectivement une entrevue, qu'ainsi ses yeux te fixent bien, tu l'auras, il se ramollira"



Et le matin



" Chef !"

"je n'ai pas le temps"

"deux secondes !"


Mais sitôt que le regard de Poussical croisa les yeux du capitaine, voilà t il pas que la magie surgit et que Poussical se transforme en petit poussin tout doux, tout affectueux, et comme un petit poussin est avant tout un enfant, son premier soin et de retourner voir sa maman qu'il avait délaissé lui-même dès sa naissance. Libéré spontanément de son esclavage, le Cerf redressa sa tête pour retourner à ses paturages, les crevettes et les écrevisses retournèrent à l'océan et la ville de Boullouparis est fière de ce jour de fêter cet événement chaque année.



Comment Capitano fut la proie des services secrets australiens



Quand il débarqua sur un nouveau rivage de sa noix de coco, et quel rivage, immense et effrayant, des plages se perdant à l'horizon battues par un océan menaçant et profond qui n'avait pas le temps de s'attarder à laisser croître les coraux - quand il eut bien marché jusque dans les terres, là dans une forêt d'eucalyptus, des êtres étranges le regardaient à l'envers. Ils avaient des oreilles de nounours et comme des bec de perroquet. Le capitano eu peur quand il le saisirent dans leur grosses papattes, il était si petit, et platypulus encore plus ! Mais eux lui firent des calins tout baveux, c'était une terrible épreuve, cela le dégoutait. Chacun à tout de rôle : et ils étaient plus de cent" le serraient contre leur coeur tout chaud. D'une étreinte à l'autre il était déjà plus attendri, chaque fois, il se sentait grandir, devenir plus fort, plus rempli de sécurité, bientôt il fut vaincu par la sensation de bien être, la foi en la vie, l'amour. Quand il sortit de cet état second, il avait repris sa taille normal, l'enchantement de Dark Trilobite était détruit. Alors il se rappella la prophétie ! Mais oui ! La communauté pleine d'amour, c'était les Koalas ! Quand on est avec eux, n'est-il pas vrai que le monde peut assassiner des dictateurs, affamer des peuples, la paix intemporelle nous environne, c'est leur appanage, c'est leur rythme !



Comment j'ai fait pour retrouver ma taille, dis Platy ?

Quand le coeur grandit et devient paternel, le corps grandit et devient adulte

Viens que je t'embrasse mon petit monotrème adoré !



Et Capitano voulait embrasser tout le monde dans la forêt, même le diable de Tasmanie, il faut dire que ce monstre brouilleur d'os, semble tout pateau et gentil au premier regard : le combat intrépide au corps à corps avec ce monstre dépourvu de sentiments et par là fermé à la compréhension de la notion de calin, combat qui scella la réputation mondiale d'intrépide héros de notre Capitano, est bien là pour nous enseigner qu'il faut savoir reconnaître ses amis. Tous les animaux en firent aussitôt l'écho si bien qu'à Sydney ont été déjà au courant des exploits du capitaine. Or il se trouva que les services secret australiens s'exclamèrent



" Ce héros possède une force physique de tout premier plan

mais encore il allie à cet attout une force morale appréciable :

apte à amadouer le crododile avec un un regard tendre

apte à ramollir la peau d'un varan par une étreinte douce.

Il nous faut le capturer et lui donner une fonction défensive pour l'état !"



Mais que réservent-ils donc à notre pauvre capitaine, encore une fois victime de lui-même ? Le voilà dans les filets des agents de l'état et dans sa cellule il s'inquiète.



Comment Capitano devint un ranger.



"Mon nom est Madame Pince-teni et je serai votre tutrice dans votre formation,

je suis très sévère en matière de rigueur, vous avez intérêt à travailler. Votre mission est avant tout humanitaire, vous devez enseigner le chemin grâce au blé des livres et faire fructifier le terreau de vos élèves, vous devez être à l'écoute et forcer le silence par la qualité de votre contenu, la structure de votre méthode, c'est à ce prix que vous obtiendrez votre diplôme de ranger"



"Oui Madame"



Cette Madame Pince-teni était un crabe de mer, elle avait eut une grande promotion financière à ne plus s'occuper des pinguoins mais à faire profiter de son expérience les nouveaux rangers, elle était même le chef de toute une bande de crabe de mer qui former l'Institut Universitaire de Formation des Pingouin Rangers (IUFPR). C'est en effet une tâche très délicate d'orchestrer la Great Pinguoin Parade, les pinguoins-manchots étant des petits être trés craintifs et capricieux, il faut leur apprendre à bien se tenir. La Great Pinguoin Parade était un spectacle trés lucratif sur l'île de Philippe, toute une industrie s'est développé autour d'elle. Les parents et les enfants achètent de bon pop corns pour regarder le spectacle, s'installent sur des gradins lorsque le soir tombe. Là, revenant de leurs activités en mer, les pinguoins sortent de l'eau sur la plage et commencent un long chemin en silence de plusieurs kilomêtres pour rentrer dans leurs tanières.





Le capitaine est kidnappé par les force des service secret de l’australie qui lui infligent une formation pour devenir Pingouin ranger, la formation est dure, on parle du terreau des élèves, du blé des livre, d’autocrityique de sequence pédagogique, et tout cela pour jnuste veillere à ce que les pinguoin ne soit pas déranger dans leur parade. Chevronné il trouve dans les stand de vented u public perdu dans la rue et pleurantg un petit pinguoin qui est rejeté par les autres, ce pinguoin lui raconte qu’avec son frère ils ont mis les habits du dimanche pour aller à l’opéra à Sydney, c’était le r^ve de leur vie d’applaudir un opera, juste d’applaudir. Maisd son frère a été écrasé sur la route et lui n’a plus eu lke courager de passer. Alors le capitaine l’ammne sur ses gros bras muscles à l’opéra, et il peut assistre rà une representation de la petite renarde rusée de Jancek. Après la representation ils s’attaredent et vont dans les coulissers, là il y a une audition oùm postulent l’autruche, le wambat et le Kukabora. L’autruche chante mais elle met sat ête dans le trou, le Wambat a peur, il a le stress il n’arrive pas à chanter, le Kukaboura emerveille, il est vainqueur., il est très snob et veux qu’on lui parlke en anglais ave cl’accent français parce que pour lhui les français sont trop mauvais pour bien prononcer en faisant l’effort de l’accent anglais On donne une seconde chance au >Wambat quii chante l’air à la mode “j’ai faim je veux manger de la banane, j’ai soif je veux boire du lait coco” et tout le monde rit, c’est l’humiliation. On propose de l’emprisonner au zoo. Pinguoin et capitano lui viennent en secours et porte avec lui chez son papa et sa maman, sur le chemin, capitano achete avec sobn salair en air de Mozart pour le Wambat, dans le magasinils rencontre un grand professeur de chant Armande Altaï qui luii propose de luir endre visite chez lui, un destin ?

A la grande parade des pinguoin PlatypulLus éternue, ce qui est formellement interdit, on l’emprisonne à vie dans un bagne, Capitano furieux fait sauter les banc des spectateur et deliver platypulus, la police austyralienne le poursuit, le capitaine s’enfuira en sautant du massif cortalien avec une perche fait en bois de cocotier, se spieds carresse les épines des pins et il tombe sur des lichens qui lui dissent que les cocotiers leur on recommendé la douceur pour lui.

Le capitaine doit quitter paltypulus car il a retrouvé son troupeau de smarais, pleurs de platypulus, scène d’émotion

Le capitano malheureux se jette au fond de la mer, il rencontre à nouveau Dark Trilobite mais depuis qu’il a appris les calins avec les coal ail lui fait un calin, dark trilobite redeviens toàut petit et gentil il rermerci le capitaine car il lui donne la délivrance et le droit enfin de mourir. Le capitaine tenu pa rla main par le spoissons sort la tête de l’eau, un triton fait son éloge glorieuse.

Le capitaine rentre par le trou dans le monde de smorts et rencontre les lézarts qui lui dissent comment devenir sage, ilse retrouvera devant le grand pin colonnaire qui s’appelle endémique et qui le fera entré dans la case pour la tradition, là les pins colonnairtes lui feront un discours, un échange, et le chef, l’igame (don’t la femme est le tarot) lui demandera s’il veut avoir la peau blanc he ou noire, il decide d’aovir la peau café au lait et retrouve ainsi son papa et sa maman, et madme tarot l’amène au fond de la mer par la roche percé où il retoruve tous ses amis poru jouer au ballon, platypulus l’embrasse, wambat est devenu un grand chanteur, pinguoin un critique musical, les étoiles et les siren accombagnent le chant de wambat, Poussical est devenu un bienfaiteur d ela cause des crevette, etc.


mercredi 18 juin 2008

Le songe d'une nuit d'été de Mendelssohn à Nice

Un chef d'oeuvre de l'humanité

L'oeuvre de Mendelssohn commencée à l'âge de 17 ans est très émouvante à entendre car elle fait partie des monuments de l'humanité : en elle la sève de Beethoven devenu miel dans le prisme spontané de l'enfance, en elle le futur des couleurs orchestrales de Mahler lui-même. Chaque phrase est inscrite dans notre mémoire collective à l'image de ce thème pastoral plein de tendresse aux violons qui toujours, in extremis, par surprise, vient nous caresser : (en mi majeur : mi ré do si la sol fa sol la sol, si mi, si mi...) il est l'image musicale parfaite du retour des elfes et de la nuit à la fin de l'oeuvre de Shakespeare.

Un chorégraphe doué mais une chorégraphie en devenir

C'est au chorégraphe Gaël Domenger  qu'a été confié de faire en danse le pendant de l'opéra de Britten dans la saison de Nice. Ce jeune homme est versé en connaissances philosophiques et met en valeur les forces telluriques et célestes présentes dans l'oeuvre de Shakespeare : "célébrations de la végétation","signe de Maïa, déesse latine de la fécondité", "rencontre de la mythologie gréco-latine et des légendes celtiques et scandinaves"... Cet intellectualisme se traduit par une redoutable gestique - c'est son style - faite de désarticulation, de bras devenant jambes et à laquelle on peut reprocher de ne pas entrer dans le texte lui même de Shakespeare, se contentant d'en faire un commentaire thématique. 

Il y eu de très beaux moments cependant, notamment les quatre couples se retrouvant sous la musique du mouvement lent de la symphonie de Schumann, "notturno", ou encore le duo sensuel de Tytania et de Bottom, l'âne. D'autres moments ne nous sont pas parvenus en leur totalité par l'absence d'un des danseurs accidenté : ce qui réduisit le trio comique des acteurs athéniens en duo. Cela fut dommageable pour la "danse Bergamasque", mythique moment de la pièce de Shakespeare, qui inspira à Mendelssohn une musique géniale et pour laquelle on attendait une chorégraphie hors norme. Enfin la rigueur statique choisie pour la célèbre marche nuptiale nous a paru à contre sens des développements fluides des couplets de l'orchestre. 

Belle intuition de mêler la symphonie du "Printemps" de Schumann à l'oeuvre de Mendelssohn

Là où le chorégraphe a fait le plus personnellement montre de sa sensibilité : son utilisation de la symphonie dite du "Printemps" de Robert Schumann. Dispersée tout le long de la représentation pour chorégraphier ce qui était parties théâtrales parlées dans l'oeuvre de Mendelssohn, cette symphonie à une puissante dialectique narrative toute appropriée au sujet : elle oppose de grands thèmes martiaux (telluriques) à des passages plus souples (célestes) et permet des rencontres heureuses entre l'orchestre (dirigé de façon claire par Fabrizio Ventura) et l'entrée des couples, notamment quand les cuivres sonnent sur les pas de Theseus (excellent José Ramirez) et Hippolyta.

Des  décors prolongeant la magie du "songe" de Britten

L'Opéra de Nice a choisi de réutiliser des décors anciens pour ce spectacle. Il n'y a pas de signature pour ce choix, mais l'on peut penser que Paul-Emile Fourny y a mis son affection toute particulière et le souvenir du travail qu'il a fait avec l'opéra de Britten. Même fond noir ouvert pour exprimer l'échappatoire de la nuit  : ici les murs bruts du fond de scène. Même symbolisme moderne : ici des cordes, pendant dans l'enclos d'un cadre blanc suspendu,  représentent la forêt (de notre inconscient), parfois lianes, parfois arbres quand à la fin elles sont descendues pour rejoindre le sol. Même symbolisme des couleurs pour les vêtements des couples permettant de comprendre les quiproquos entre les jeunes amoureux, Demetrius, Helena, Lysander, Ermia. On pourrait pousser plus loin  en disant que le hasard a fait que l'Obéron, de loin le meilleur danseur du spectacle, Jamaal le Var Phinazee,  a été choisi noir pour rappeler que Fabrice Di Falco, métisse, fut celui de l'opéra, et que la blancheur de Magali Journe, peau laiteuse, blonde vénitienne et dont la fluidité des jambes est louable, rappelle la Tytania de l'opéra, Mélanie Boisvert. Le sentiment de prolonger la nuit magique de Britten par l'enchantement de Mendelssohn était total. 

Une soprano épousant la féerie de la musique de Mendelssohn

Mais la révélation de la soirée n'est pas chorégraphique ni orchestrale mais vocale, elle s'appelle Liesel Jürgens, soprano. Il y a en effet dans la partition de Mendelssohn deux superbes lieds avec choeur et deux solistes (l'un au moment où Puck prend la fleur enchantée dans le jardin, l'autre conclusif citant le célèbre final de Shakespeare). Les parties solistes furent confiées aux artistes du choeur de Nice. Tandis que la première soliste s'acquittait de sa tâche avec un vibrato bellinien, la seconde, Liesel Jürgens, optant pour une émission de voix plus droite et subtile, montra une souplesse, une musicalité, une perfection des aigus (si charmants dans cette partition) qui sont d'un grand interprète. Toute qualité qu'on lui a trouvé dans ces prestations au festival Manca pour la musique contemporaine et dans la saison de l'ensemble Voxabulaire pour la musique ancienne. C'est à se demander pourquoi une telle voix n'a pas acquis la renommée de son mérite ? 

mercredi 11 juin 2008

Jenufa à Toulon & à Monte-carlo

Le temps à hélas manqué pour écrire cette chronique, il faut cependant dire qu'entendre Jenufa c'est une des plus extraordinaire expérience artistique d'une vie. Janacek est un immense génie, sa force thématique, musicale, rythmique est incroyable. Il est l'égal de Puccini en maîtrise de la dramaturgie, il est le maître des émotions du spectateur et cela même plusieurs années avant Puccini. D'ailleurs Jenufa dans ses éléments motiviques, surtout pour les attentes, notamment au début du deuxième acte, annonce directement la "fanciulla" de Puccini, jusqu'aux couleurs de l'orchestre.

Du souvenir des deux spectacles, il faut dire qu'avec un plateau moins bon, une mère vocalement fatiguée, un mari criard, peu de moyens scéniques, Toulon est cependant allé directement au fond de l'oeuvre, au coeur de l'expression. Le chef, sans concession et intense, le choix de l'orchestration originale y sont pour beaucoup. Mais les deux personnages que sont Jenufa et la sacristine, sa mère, furent interprétées comme par les plus grandes actrices de théâtre, d'ailleurs il nous a semblé que Jenufa pleurait lors des applaudissements : on peut se douter que le personnage soit fragilisant au point qu'un bon acteur n'en sorte pas lui même ému. Le décor était peut être restreint mais toujours bien venu et l'emprisonnement dans la maison couverte d'icônes répétitives avec seulement une table, était la manière la plus juste d'exprimer la misère de ses gens et d'aller à l'essence du drame, à l'unité d'action, de lieu, à la force primale et populaire de toute grande tragédie à laquelle a droit plus que toute autre l'histoire de Jenufa.

Avec l'orchestre de luxe qui se devait de jouer la version réorchestrée richement, une beauté de son et de jeu propre aux intrumentistes de Monte-carlo, un plateau d'une beauté vocale incroyable, des costumes de couleurs si calculés que chaque scène formait un tableau de maître, la production monégasque n'a pas égalé celle de Toulon. Le chef ici aussi était déterminant, sa dynamique étant si molle (la faute à l'orchestration non Janacekienne ?). La gestique scénique était avant tout fautive à l'opposé même de ce que la psychologie des personnages exprimait, il faut condamner ces manies de faire l'attirance et la répulsion sans significations réelles, comme un tic de théâtre préconçu. Certes, certains gestes de ce théâtre de Nau, comme une Jenufa traumatisée faisant frémir son visage sous la main à la manière des aliénés d'hôpitaux, ne sont pas sans effet, mais le résultat est une difficulté des chanteurs à s'investir. D'ailleurs de la générale à la dernière, les chanteurs se sont lâchés, ont abandonné certaines contraintes et c'était beaucoup mieux au point qu'à la fin le vrai drame est réapparu de lui-même.

On ne peut s'empêcher de faire ce bon mot, certainement excessif : à Toulon c'était un piano de gamme moyenne joué par un grand artiste inspiré, à Monaco c'était un bösendorfer joué par un artiste plus contraint.   

lundi 9 juin 2008

Giacomo Carissimi (1605-1674)


















Modestie & gloire 
     Le 21 juillet 1773, un bref papal de Clément XIV, 
Dominus ac Redemptor, prononçait la dissolution de la Société de Jésus (l’ordre des Jésuites), sous la pression de la Fra

nce, de l’Espagne et du Portugal. LeCollegium Germanicum de Rome, 99 ans après la mort de Giacomo Carissimi, fermait ainsi ses portes. Or, ses archives et sa bibliothèque, fondées spécialement par le pape Clément X pour protéger les autographes du compositeur - avec défense d’aliénation ni même de prêt - furent dispersées, livrées au pilon, vendues au poids du papier. Sur son lit de mort, Carissimi avait demandé que ses œuvres soient conservées à Saint-Apollinaire, église du collège. Cela leur fut fatal. Ainsi en est-il de la fragilité de la musique : la graphie des notes que les compositeurs inscrivent sur leur manuscrit impressionne moins que l’impact des peintures. Combien d’excellents musiciens furent réduits à l’état de noms par les dommages du temps ; combien de nobles ouvrages à l’état de regrets amers par l’inconséquence de vandales incultes ! 

     Mais en définitive, ce drame n’eut guère raison de la gloire d’un Carissimi. Il fallait compter sur la fascination d’un grand maître, exercée sur l’Europe entière et d’abord sur ses élèves, tous très talentueux tels : Christoph Bernhard, disciple de Heinrich Schütz et future référence pédagogique en Allemagne, Philipp Jacob Baudrexel, Johann Kaspar Kerll, Johann Philipp Krieger, pour les élèves du Collège, ainsi que les Italiens Giovanni Maria Bononcini, Giovanni Paolo Colonna, Pietro dito Antonio Cesti, Alessandro Scarlatti, peut-être Giovanni Baptista Bassani, les Français Michel Richard de Lalande (sans certitude) et, en cours privé, le Français, Marc-Antoine Charpentier. 

     Tous ont recopié patiemment ses œuvres, les ont répandues même au-delà de la Manche (la plus belle collection se trouve désormais à Oxford au 
Christ Church College). Charpentier, marqué à vie par l’héritage de son maître (même technique, même philosophie, même tempérance, même modestie, même dévouement à sa tâche au service des Jésuites), avait, dit-on, réécrit nombre de ses Messes d’oreille. C’est ainsi qu’elles passèrent en France. 

     Cette gloire, du vivant de Carissimi, ne cessa de se répandre après sa mort : il fut considéré comme le plus grand compositeur du XVIIe siècle, 
« le plus grand maître de musique que nous ayons eu depuis longtemps » selon le Mercure Galant,en 1681 ; « le moins indigne adversaire que les Italiens aient à opposer à Lulli »,sous la plume de l’acerbe Lecerf de la Viéville (1706) ; « le plus grand musicien que l’Italie ait produit » pour Pierre Bourdelot et Pierre Bonnet (1715)... En 1740, il est toujours salué comme « l’orateur musical » de l’Italie par l’Allemand Johann Matheson, lequel ne manqua pas de souligner avec humour qu’il « était vénéré plus que quiconque même par les Français, qui pourtant ne vénèrent guère que leurs compatriotes ». A l’aube du XIXe siècle, il reste un « admirable maître » aux yeux du critique Charles Burney ; ses compositions sont « aériennes » pour Coleridge (Table Talk, 1833) et l’on parle toujours de « la beauté de ses chants et de ses harmonies » au début du XXe siècle. 

     Si riche et si célèbre à la veille de sa mort le 12 janvier 1674, 
« grand, mince, mélancolique et goutteux », « amical dans ses rapports avec autrui » selon son successeur Ottavio Pitoni, avare pour les mauvaises langues, Carissimi était demeuré, sa vie durant, l’homme humble de ses origines, fils d’un simple tonnelier, baptisé le 18 avril 1605 dans la petite cité de Marino près de Rome. Son père s’appelait de Amico et fit changer son nom d’après le prénom du grand-pèreCarissimo. A cette époque Monteverdi écrivait L’Orfeo (1607), cela faisait trois ans à peine qu’Emilio de Cavalieri était mort, lui qui avait inventé l’oratorio, cette année 1600 où Jacopo Peri trouva la formule de l’opéra, prenant de court Giulio Caccini dans l’effervescence d’une émulation florentine. 

     Voilà le petit puîné Giacomo, orphelin à l’âge de 10 ans, du moins le dit-on, probablement alors accueilli par l’une des nombreuses institutions pour enfants pauvres, mi-orphelinat, mi-conservatoire. On le retrouve à 18 ans, chantre à la Cathédrale de Tivoli non loin de Rome. Il en devient l’organiste à l’âge de 20 ans. Deux ans plus tard, il est maître de Chapelle de la Cathédrale San Rufino d’Assise. Mais trop éloigné des lieux de son cœur et, pour ses 24 ans, l’occasion se présentant, il suit son destin, qui le fixera pour toujours à Rome, à la basilique Saint-Apollinaire du 
Collegium Germanicum, haut lieu de l’enseignement Jésuite. 

     Créé au XVIe siècle par Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, ce Collège permettait aux jeunes Allemands de la Contre-Réforme de se préparer au sacerdoce. C’était là un poste prestigieux, même s’il n’était pas de premier plan, déjà occupé par de superbes figures comme Tomás Luis de Victoria, lui même élève du collège, et Agostino Agazzari. C’était aussi un poste exigeant que ne pouvait assumer qu’un homme pieux. Non seulement il fallait composer et organiser la musique de l’église, mais encore assurer la formation des jeunes choristes du collège : allemands, hongrois et italiens depuis que l’on avait ouvert les portes aux étudiants indigènes, attirés par la réputation de l’enseignement. 

     Ces obligations rappellent celles du Kantor Jean-Sébastien Bach à Leipzig, et l’on sait combien il en souffrit, déléguant certaines de ses activités. Or on perçoit chez Carissimi un dévouement jusque dans les tâches les plus ingrates du professorat : il fut aimé et aima ses élèves, fut d’une courtoisie qui étonna profondément le monde. D’autres indices nous montrent encore ce chemin de grande modestie. Il est ordonné prêtre le 14 mars 1637 avec un bénéfice dans une église éloignée de sa résidence romaine, Sainte Marie de Nazareth à Ravenne (c’est l’usage pour les musiciens à l’époque). Il refuse la succession de Claudio Monteverdi en 1643 à la basilique San Marco, ce qui aurait fait de lui la plus haute personnalité vénitienne après le Doge. Il décline les postes de maître de chapelle à la cour de Bruxelles (1647) ainsi qu’à celle des Empereurs Ferdinand II puis Léopold, toujours « avec la plus grande modestie ». Le hasard se chargera d’ailleurs de respecter cette simplicité en lui refusant une sépulture durable comme celle d’Archangelo Corelli au Panthéon. L’église de Saint-Apollinaire qu’il aimait tant, sera restructurée, et sa tombe, perdue. Le miracle de la redécouverte du vingtième siècle ne pourra pas lui offrir de nouvelles roses comme celles que l’on peut voir de nos jours sur la tombe de Claudio Monteverdi aux Frari à Venise. 

     Mais, s’il s’éloignait des honneurs trop éclatants, il ne dédaignait point de laisser briller sa musique dans les hauts lieux de la noblesse italienne comme l’Oratoire de 
l’Archiconfraternità del Santissimo Crocifisso de l’église San Marcello où il donnait ses fameuses « histoires sacrées » (il nous en reste seize) pour les Carêmes de 1650, 1658, 1659 et 1660. En homme fasciné par le théâtre - son seul essai aura été l’Amorose passioni di Fileno en 1647 - mais dévoué à la religion, il devint aux yeux de ses contemporains, l’inventeur de l’oratorio, tant il marqua le style de son empreinte. 

     En 1649, 
Jephté le rendait célèbre dans toute l’Europe et la reine Christine de Suède, femme moderne et libre, habillée en homme, égérie romaine de la musique après son abdication (elle voulait pleinement vivre sa conversion au catholicisme), prise d’émotion à l’audition d’Il sacrificio d’Isaaco et de Giuditta,nomma Carissimi « mæstro di capella del concerto di camera », lui offrant, en outre, un collier d’or avec les insignes de sa récente Académie Royale et, ce faisant, le plaça au dessus de tous les futurs membres, avant même Marco Marazolli, l’homme d’opéra. Elle avait du goût. Son prochain coup de cœur devait être, 30 ans plus tard, la formation des 150 violons au service de Corelli ! Hommage d’une altesse de l’art, autorité sans véritable royaume, « reine spirituelle » et philosophe amie de Descartes, le plus beau titre que l’on puisse lui décerner et le seul qui lui corresponde vraiment. 

Faste & piété 

     Piété, science, sensibilité et modestie sont donc les rares choses que l’on sache sur l’homme, et l’on peut juger combien ces dispositions correspondaient génialement aux aspirations de l’époque en évoquant l’effervescence, le faste et en même temps le renouveau spirituel qui saisit Rome après l’année du jubilé 1600. Ce foyer actif permit l’éclosion des deux bouleversantes histoires sacrées que sont 
Jonas et Jephté. 

     L’opéra romain brillait de tous ses feux. Il avait ses fleurons : Luigi Rossi, Marco Marazzoli, Domenico Mazzocchi et Stefano Landi qui fit même représenter en 1632 pour la première fois au théâtre Barberini, un drame sacré 
Sant’Alessioscénographié par l’architecte et sculpteur Bernini. 

     Dans les églises et les oratoires, l’oratorio qui revêtait les mêmes attraits que l’opéra connut un engouement qui servit la cause de la Contre-Réforme : on avait là une forme de musique sacrée à la fois plus proche du peuple, plus chatoyante que les chorals luthériens et les cantiques calvinistes, plus séductrice aussi, car on sacralisait une mode frivole et dangereuse pour l’âme en la transformant en souffle poétique. On recentrait les esprits sur la religion jusqu’ici empoussiérée par un formalisme pompeux. L’activité des églises s’en trouva décuplée. La Chapelle Sixtine et la « cappella Giulia » de la basilique Saint Pierre, mais aussi Saint-Jean-de-Latran, Sainte-Marie-Majeure, le Gesù, Saint-Louis-des-Français et une douzaine d’autres églises entretenaient l’activité de sa chapelle régulière comprenant chanteurs et instrumentistes. Les autres convoquaient des 
« musiques extraordinaires » pour les grandes fêtes. A cette émulation ferventes, répondait un mécénat tout aussi actif : princes et cardinaux entretenaient une foule de musiciens dans leurs palais. A Saint-Apollinaire, Carissimi disposait d’un clavecin, de violons, luths, épinette, trompette et lira da braccio. Et que dire de l’oratoire Saint-Marcel ? Il faisait l’admiration de tous. Laissons parler un touriste de l’époque, le violoniste français André Maugars, un vendredi de Carême de l’année 1639 : 

     
« Il y a une autre sorte de musique, qui n’est point du tout en usage en France [... ] cela s’appelle style récitatif. La meilleure que j’ai entendue, c’était en l’Oratoire Saint-Marcel où il y a une congrégation des Frères du Saint-Crucifix, composée des plus grands seigneurs de Rome, qui par conséquent ont le pouvoir d’assembler tout ce que l’Italie produit de plus rare ; en effet, les plus excellents musiciens se piquent de s’y trouver, et les plus suffisants compositeurs briguent l’honneur d’y faire entendre leurs compositions, et s’efforcent d’y faire paraître tout ce qu’ils ont de meilleur dans leur étude. Cette admirable et ravissante musique ne se fait que les vendredis de Carême, depuis trois heures jusqu’à six. »

     « L’église n’est pas du tout si grande que la Sainte-Chapelle de Paris, au bout de laquelle il y a un spacieux jubé, avec un moyen orgue, très doux et très propre pour les voix. Aux deux côtés de l’église, il y a encore deux autres petites tribunes, où étaient les plus excellents de la musique instrumentale. Les voix commençaient par un psaume en forme de motet, et puis tous les instruments faisaient une très bonne symphonie. Les voix après chantaient une histoire du vieux testament en forme d’une comédie spirituelle, comme celle de Suzanne, de Judith et d’Holopherne, de David et de Goliath. Chaque chantre représentait un personnage de l’histoire et exprimait parfaitement bien l’énergie des paroles. Ensuite, un des plus célèbres prédicateurs faisait l’exhortation ; laquelle finie, la musique récitait l’évangile du jour, comme l’histoire de la Samaritaine, de la Cananéenne, de Lazare, de la Magdeleine, et de la Passion de Notre Seigneur, les chantres imitant parfaitement bien les divers personnages que rapporte l’évangéliste. 
 » 

     « Je ne saurais louer assez cette musique récitative ; il faut l’avoir entendue sur les lieux pour bien juger de son mérite. Quant à la Musique Instrumentale, elle estoit composée d’un Orgue, d’un grand clavessin, d’une lyre, de deux ou trois violons et de deux ou trois archiluths… »
 

     La nouveauté pour l’oreille d’un Français était cet art italien de 
« parler en chantant », dit recitar cantando, c’est-à-dire l’art de mettre en valeur la compréhension du texte par une nouvelle et simple monodie (voix seule), soutenue par la ligne de basse et qui se plie aux intentions du texte littéraire. 

     Avec l’usage et la pratique, elle donna à la fois le 
recitativo secco, sa forme la plus sèche et narrative, l’arioso, où des mélismes, des intervalles expressifs et des harmonies dissonantes enrichissent l’expression de passions violentes, et enfinl’aria, la moins proche du style parlé, exprimant elle aussi des sentiments, mais, élaborée avec des rythmes de danses, et mettant en valeur la virtuosité de la voix soliste. 

     Un retour en arrière est nécessaire pour comprendre ce point florissant où se situe Carissimi, fruit d’une longue continuité. L’oratorio n’était pas la copie de l’opéra, il eut sa propre évolution. Il n’avait ni scène, ni costume ; l’action était racontée par un personnage, 
il storico et par le chœur comme dans le drame de l’antiquité. Cela lui vint de son origine. En effet, les histoires bibliques se prêtèrent de tout temps à des manifestations théâtralisées et la ferveur populaire fit des parvis des cathédrales au Moyen-âge le cadre des Mystères et des Passions. La liturgie du temps de Carême et de la Semaine Sainte était d’ailleurs le cadre idéal pour une narration avec les trois personnages traditionnels : le récitant (évangéliste), le Christ et la foule (turba). Voilà pourquoi, encore à l’époque de Carissimi, ce temps-là resta dévolu aux oratorios. 

     Une même ferveur populaire poussa toutes sortes de compagnonnages, de confréries religieuses ou non, de corporations laïques à posséder leurs propres lieux de prières, les fameux oratoires. Dès leurs prémices, ces deux aspects - histoires bibliques chantées et théâtralisées et lieux de prière - se retrouvèrent liés. Le ton de la narration n’est-il pas celui des laïques, et celui de la méditation celui des ecclésiastiques ? Au XIIe siècle, se formèrent des compagnies dites
laudantes ou laudesi qui diffusèrent des chants monodiques avec chœur à fonction de commentaires, dits laudes. Ce fut d’abord en Ombrie, avec le cantique de Saint-François d’Assise. En Toscane, les Serviteurs de Marie en firent leur style. Les oratoires se multiplièrent alors. Parallèlement la Renaissance, dans son humanisme, éprise de littérature et de culture, déploya de façon exponentielle les cercles de penseurs. Les académies fleurirent jusque dans les plus petites cités, académies sérieuses ou comiques : « les furieux », « les jaloux », « les inutiles », « les stériles », et même les « hermaphrodites »

     Dans ce même esprit, un saint, Filipo Neri, après s’être essayé à la vie érémitique, se consacra de 1550 jusqu’à sa mort en 1590 à la joie communautaire, enthousiasma toute la jeunesse de Rome, devint le fondateur de la 
Congregazione del Oratorio et organisa des réunions pieuses, d’abord à l’église San Girolamo della Caritá, puis à l’oratoire de Santa Maria della Valicella, en plein centre de Rome. Ses amis, Giovanni Animuccia, Palestrina, Ancina, de Langa, Soto et bien d’autres, chantèrent et composèrent des laudi spirituali qui, à cette époque de leur maturité, étaient des chants strophiques et polyphoniques prenant place avant et après le sermon. En langue vernaculaire, les laudes furent l’origine de l’oratorio volgare et peu à peu s’orientèrent vers une forme dialoguée et volontiers allégorique sous l’influence de la réforme mélodramatique qui naissait au même moment à Florence. 

     Car à cette époque, un autre cercle, 
l’Academia della Camerata Firentina, se réunissait chez les patriciens Giovanni Bardi et Jacopo Corsi. Les musiciens s’appelaient Jacopo Peri, Giulio Caccini, Emilio de’Cavalieri, Vincenzo Galilei, le père de Galilée et l’auteur du traité Della musica antica e della moderna. Ils avaient pour compagnon, le poète Ottavio Rinuccini. Leur pensée s’inscrivait dans le courant des idées néo-platoniciennes du mouvement philosophique né vers 1470 au temps de Côme et de Laurent de Médicis, se référant à Marsile Ficin et Poliziano. Ils firent d’Orphée et Eurydice leurs symboles avec cette croyance que« tout communique dans le monde du « macrocosme » au « microcosme », des astres au cœur des hommes, et de la lumière des étoiles à celle des yeux des femmes amoureuses » (Monteverdi, Philippe Beaussant, Fayard). Ils considéraient que la musique devait, elle aussi, retrouver une adéquation avec le langage, que la polyphonie savante altérait les paroles, que les Grecs qui ne la connaissaient pas, avaient une musique plus proche de leur idéal. 

     La musique se fit humble, se réduisit à une longue récitation musicale, pleine de noblesse, beauté, grâce et émotion, c’est le 
stile rappresentativo, propice à l’opéra, c’est le recitar cantando, mais c’est aussi l’apparition des affects de l’homme dans la musique avec cette célèbre sprezzaturafaçon de hâter ou de ralentir le chant en suivant le contenu émotionnel du texte. Ces érudits hypertrophièrent ainsi cet aspect de l’humanisme qui prend en compte toutes les dimensions de l’homme, y compris sa sensibilité, sa nouvelle conquête du réel, ses nouvelles frontières géographiques, sa nouvelle fragilité, son individualité, ses désirs, les palpitations, errements et passions du cœur agissant. Cela changea radicalement la vision de la musique, elle n’était plus une manifestation des hautes sphères divines, une idée du Beau et de Dieu, mais le visage de l’Homme face à Dieu, sa joie, sa douleur, sa tendresse, sa colère. La musique fut expression et dialogue, frottements harmoniques, dissonances non préparées, synonymes de laideurs dans le passé, à présent signes de détresse. Les réformateurs florentins, d’humanistes, devinrent les parents du baroque et du mouvement expressif. 

     Hésitant entre deux mondes, ils utilisèrent souvent les allégories platoniciennes pour exprimer les affects. C’est sous cette forme que naquit le premier oratorio (on lui refuse parfois ce nom à cause de l’absence d’un sujet biblique) en style représentatif : 
la Rappresentazione di Anima e di Corpo d’Emilio de’Cavalieri, joué pour la première fois à Rome en 1600 au célèbre oratoire deSanta Maria della Valicella. Une diatribe y opposait forces divines et plaisir sensuel et se reflétait in fine dans la joie des élus et la douleur des damnés. 

     L’
oratorio latino quant à lui, issu plus directement des passions anciennes ne fit que suivre la même évolution. Se détachant de la liturgie il trouva ses adeptes dans des classes sociales plus élevées. L’Historia di Jonas et L’Historia di Jephté, par exemple, si l’on devait choisir parmi les ouvrages de Carissimi, sont deux oratorios en latin pour le Carême donnés l’un à Saint-Apollinaire, l’autre par les pensionnaires du Collegium Germanicum. Ces œuvres ont peut-être précédé voire suscité l’activité de Carissimi à l’Archiconfraternità del Santissimo Crocifisso, Pygmalion huppé de l’oratorio latino, et en concurrence directe avec les cérémonies vernaculaires initiées par Philippe Néri. 

Simplicité & dramaturgie 

     Dans ces deux œuvres comme dans toutes ses compositions, Carissimi démontre un goût pour les belles et sobres architectures, un art nerveux, lapidaire même dans les chœurs. Il cultive l’essentiel, sert le texte avec une extrême fidélité, fût-il peut-être lui-même le librettiste pour les passages en prose ou en vers qui liaient les citations littérales de la Vulgate. N’oublions pas qu’il s’agissait presque de sermons en musique conçus pour convaincre, édifier, exalter les vertus chrétiennes… toujours servir la Contre-Réforme. Ses oratorios restent traditionnels dans leur forme externe : récitatifs rapides, duos réels ou, le plus souvent, dialogués, trios, ariosos, épisodes choraux... L’élément d’unité se trouve ailleurs, à l’intérieur, dans la pulsation interne de l’œuvre. Carissimi donne un caractère épique, avec un débit rapide, insistant notamment sur l’aspect concret du drame narratif, les situations précises et subjectives. Il pratique une grande souplesse entre l’objectivité et les émotions - le rôle impersonnel de l’
historicus et les accents lyriques qui le font participer à l’action. Car l’historicus narre en focalisation interne : il est le peuple de l’histoire - seul, en petit groupe, en foule, ou les personnages eux-mêmes. Le chœur devient une masse qui dialogue avec les protagonistes, avec lui-même ; des groupes qui s’opposent, racontant, commentant, s’exclamant, appelant : une pluralité des voix. Et que dire du ton juste qu’il utilise pour mettre en valeur les solistes du drame ? 

     Dans 
Jonas, une courte symphonie dresse le décor ; brève comme un récitatif, elle ne fait que préciser que les deux violons sont aussi protagonistes dans l’action. Puis la narration débute quasi in medias res ; d’emblée l’exégèse figuraliste du texte est omniprésente ; de beaux mélismes ornent les mots clés ; l’action se précipite. Dieu intervient sans attendre et ordonne à Jonas de sortir Ninive de son péché. Dès que Jonas fuit sa mission et prend le bateau, le double chœur, homophonique et imitatif, déchaîne la tempête et l’admiration de l’auditeur. Notons la maîtrise totale de la prosodie, les allitérations dans l’accumulation des noms de vents (notamment les [f]), la sensation du ballottement des vagues par l’opposition heurtée des deux chœurs, les rebonds des motifs mélodiques et de la basse continue, le coup de théâtre final avec le changement de point de vue, expression figée de la terreur des marins. A peine l’oreille trouve-t-elle le temps de sortir de cet enfer, les marins celui de réaliser leur situation que déjà, leur supplication aux dieux toute de reptations par demi-tons ascendants et de frottements des voix, nous donne une manifestation bouleversante du génie expressif de l’harmonie carissimienne. Un superbe récitatif de l’historicus, parfaitement immobile, porte l’attention de l’auditeur à la manière d’un regard sur Jonas endormi : ce « dormiebat » si émouvant met en valeur le parallèle avec le Christ dans la tempête. Puis l’agitation reprend : les marins essaient de le réveiller, tirent au sort le nom du responsable, l’interrogent. C’est ici qu’en maître, au milieu de l’action, tel Racine (Phèdre) ou plus encore Molière (Tartuffe), Carissimi fait chanter Jonas : celui-ci s’accuse ; on le jette à la mer. L’attention de l’auditeur est attirée sur une série de tierces descendantes et de chutes de quintes à la voix de basse (assimilation de l’historicus avec Dieu qui gouverne l’action ) couvrant plus d’une octave et demie et illustrant l’idée de la baleine avalant Jonas : « ut deglutiret Jonam »

     La prière de Jonas dans le ventre de la baleine est l’un des plus beaux exemples de l’aria carissimien. Son lien avec l’arioso n’est pas encore rompu car le peintre des sentiments est trop attaché au sens du mot pour oublier le 
stile rappresentativo, et en particulier le Lamento d’Arianne de Claudio Monteverdi toujours omniprésent dans l’inconscient de sa plume. L’aria chez Carissimi est ainsi une utilisation majestueuse du style monodique et en même temps une construction rigoureuse et équilibrée faite de déclamation et d’audace dans la ligne mélodique. Elle procède souvent par refrain ou par ritournelle séparant plusieurs sections ou strophes. Dans la supplication de Jonas, tous les procédés sont cumulés : la première section débutant par une quinte diminuée, intervalle caractéristique de la souffrance, possède elle-même son propre refrain « Justus es Domine et rectum judicium tuum » ainsi que le refrain formant la clausule de toutes les sections « Placare Domine, ignosce Domine, et miserere et miserere » (« Seigneur, regarde-moi avec bienveillance, pardonne-moi, étends sur moi ta pitié ! ») repris en écho par la ritournelle des violons. La matière ne manque ni de vocalises riches qui dépassent l’ambitus de l’octave, ni de grands intervalles, ni de modulation vers des tonalités éloignées. Quant aux mélismes, ils évoquent l’art d’un Marrazoli, mais sont toujours précis et opportuns, accents justes et non pas ornements, placés aux points forts de l’action et dès lors propices à l’émotion. 

     Jonas se repentant, Dieu ordonne au « poisson » de le vomir ; Jonas atteint alors sa maturité pour prophétiser à Ninive. L’action s’achève donc sans que pour autant Carissimi oublie de nous offrir une nouvelle émotion : le ton de la tendre piété et de la sérénité pour le chœur final des Ninivites repentants. Le secret de la réussite : un beau dessin mélodique, des retards, des frottements harmoniques et une répétition exaltée des mots clés tels que 
peccavimus (« nous avons péché »), et « non » du côté du passé - « illumina » et « salvi erimus » (« nous serons sauvés ») sur le registre de la conversion. L’émotion délicate de ce bonheur montre un Carissimi tout aussi à l’aise et inspiré ici que dans le pathétique qui fit sa gloire, et souligne sa riche matière d’artiste et de chrétien. 

     Dans 
Jephté, aucune préparation pour l’entrée en matière. On tombe vite dans le piège du pacte avec Dieu : dans un trait concis, l’historicus narre froidement les circonstances de la guerre entre Jephté roi d’Israël et les fils d’Ammon. On y trouve déjà les assauts de l’accord parfait majeur arpégé qui donnera sa couleur à tous les récitatifs de la première partie. Sur le même motif solennisé et dans une force toute virile, Jephté fait serment à Dieu de donner en sacrifice la première personne qui sortira de sa maison. Le chœur est en marche, avec des quintes ascendantes et des tierces majeures. Un duo de sopranos, d’une ardeur éclatante, imite les trompettes, toujours sur l’arpège de l’accord parfait. La basse lance un solo impressionnant plein de mépris et de fougue. « Fuyez impies » sont les mots clés qui seront repris et amplifiés dans le chœur épique dialogué par toutes les voix jusqu’à la dispersion du son et des ennemis. Leur plainte est perçue d’abord du côté de la victoire, toujours avec l’arpège conquérant, puis dans le chromatisme déchirant des hurlements des vaincus. C’est une chute faite de beautés harmoniques, suaves de nos jours, mais certainement encore cruelles aux oreilles de l’époque. Annoncée par la basse (peut-être Dieu parlant encore dans l’historicus) et toujours avec la même vigueur pathétique de l’accord majeur, la fille de Jephté apparaît et chante un hymne lumineux d’action de grâces : quintes ascendantes, rythme chorégraphique empli de dactyles, changement de carrure, superbes mélismes, pour célébrer son père. Encore une fois les paroles principales sont amplifiées par un duo de jeunes filles et, pour souligner la joie, la troisième section de l’air est mélodiquement reprise par la fille de Jephté qui célèbre maintenant Israël. Le chœur enfin parachève l’hymne. De cette façon, en même temps qu’il élargit la force de l’enthousiasme, Carissimi réalise un « focus » auditif sur l’héroïne et prépare le coup de théâtre. Comme l’arrivée de la messagère dans l’Orfeo de Monteverdi, le changement d’éclairage est brutal et le mode mineur s’installe dès que l’historicus concentre notre attention sur le regard de Jephté, sur sa douleur subite. Ce ne sont plus que tierces et quintes descendantes ; le dialogue entre le père et la fille s’isole de la foule ; les lamentations du père sont un refrain encadrant l’interrogation de sa fille. Puis, celle-ci, pleine de la force de sa foi et représentant le Christ sacrifié pour les hommes, amène son père à lui laisser un délai pour pleurer sa virginité, mot imagé par un mélisme inimitable. 

     Après un humble chœur de transition montrant la jeune fille s’isolant sur la montagne, l’air 
« plorate » et son amplification par le chœur achevant cette histoire sacrée par un pur chef-d’œuvre polyphonique, expriment le deuil le plus profond. Il comprend quatre sections séparées par trois échos de jeunes filles jouant le rôle de ritournelle. Les plus hauts sentiments de désespoir sont mille fois réfléchis dans la déclamation, les suspensions sur la note sensible, les chutes de grands intervalles. Les échappées lyriques sont des vagues de souffrance ou de sensualité, des mots et des harmonies. Si Monteverdi en est la source, le lamento de la fille de Jephté sera l’archétype de nombreux autres, très certainement celui de la Didon de Purcell (lui aussi complété par son chœur de deuil). Jamais le rôle d’amplification du chœur, madrigal dissonant et chromatique, n’aura un effet plus poignant qu’ici ; il reprend l’essentiel des paroles prononcées par la malheureuse et, pour finir, cet unique mot traîné dans les pleurs vocaux «... lamentamini »(« lamentez-vous »). 

Lyrisme & sobriété 

     Par son tour concis, simple et précis, Carissimi a créé le climat de l’oratorio : il fit de la matière biblique une épopée sacrée, brève mais forte, 
« suc et vivacité » ; il ne fera pas réellement évoluer la forme, mais il utilisera tous les procédés rythmiques, mélodiques et oratoires susceptibles d’émouvoir au bon moment le cœur de l’auditeur. Ils furent ainsi tous codifiés par Christoph Bernard, son élève, comme étant ses inventions. Athanasius Kircher, musicologue jésuite exprima son admiration en ces termes : Musurgia universalis, Rome, 1650 VII 603-606 : « excellentissimus et celebris famæ symphoneta [... ] præ aliis ingenio pollet et felicitate compositionis, ad auditorum animos in quoscunque affectus transformandos. Sunt enim compositiones succo et vivacitate spiritus plenæ », c’est-à-dire : « il surclasse tous les autres compositeurs par son invention et son habileté à orienter l’esprit des auditeurs vers l’émotion de son choix » ou plus littéralement « à transformer les âmes de qui l’écoute, suscitant les passions les plus diverses » et il ajoute que ses œuvres sont « pleines d’esprit grâce à leur richesse et vivacité ». 

     Cette pénétration psychologique et cette économie de moyen ont donné à son œuvre une élégance incomparable. C’est ce qui le fit aimer des Français, de sorte qu’ils le dirent, tel Lecerf de la Viéville, 
« illustre à juste titre, plein de génie sans contredit, mais de plus ayant du naturel et du goût ». Ses accents ont la noblesse et la profondeur d’expression dues à sa sobriété toute religieuse et c’est une fausse idée de l’opposer à Luigi Rossi, le passionné : Carissimi est également passionné et lyrique mais dans une simplicité lumineuse. Il est à la musique ce que le Caravage est à la peinture, le point culminant de l’expression dramaturgique avec les moyens les plus réduits. Après cette perfection, ne faudra-t-il pas passer à autre chose ? L’élégance ne prendra-t-elle pas le dessus en devenant pudeur et artifice comme dans les trompeuses couleurs de Tiepolo, plus encore de Rubens ou même le style opératique napolitain (bien que le prochain glissement du baroque galant vers le style rocaille ne constitue que prémices masquées de l’avènement d’une sensibilité romantique rebutée par le monde réel).

     Etant l’un des derniers à subordonner l’harmonie au discours 
« L’oratione é padrona del harmonia », Carissimi donna à cette dernière dans sa servitude et pour sa meilleure efficacité des raffinements qui ouvriront la voie à Corelli, assagissant les frottements et les retards, leur donnant cette suavité qui fit de la musique italienne, - et surtout romaine ?-, un art lumineux. 

     Or, compter sur la force dramatique, la connaissance de l’impact psychologique sur le public pour placer l’émotion la plus simple avec la plus grande force, et en même temps inventer de nouvelles beautés harmoniques sans remettre en cause le langage traditionnel n’est-ce pas aussi, - dimension religieuse exceptée - l’art d’un Giacomo Puccini ? 

     Voilà qui montrera au mieux à tout auditeur néophyte qui se laissera volontiers émouvoir jusqu’aux larmes, l’impact que suscita Carissimi auprès de ses contemporains. 


Crédit d’illustration : Jephté sur le point de sacrifier sa fille - Charles Le Brun (1619-1690) - Florence, Musée des Offices, Galerie des Offices, inv. 1890, n°1006.