jeudi 25 décembre 2008

Concert de Noël XIX° dirigé par Hervé Niquet à l'Opéra de Nice

L'église à l'opéra
Il s'agit du choeur de l'opéra de Nice qu'a dirigé Hervé Niquet, choeur qui est confié aux soins de Giulio Magnanini depuis plusieurs années. Il y avait aussi le choeur d'enfants si valeureux grâce à l'excellent travail de Philippe Négrel. Le programme tourne autour de la musique de Noël de tradition XIXème siècle, Gounod, Saint-Saëns (magnifique oratorio de la Nativité dont le début est un texte identique à celui de Marc-Antoine Charpentier), Massenet, Paladilhe... Ce furent les compositeurs d'opéra accompagnés de leurs "stars" de la scène qui à l'époque contribuaient aux fastes sacrés de l'église. De par le commentaire d'Hervé Niquet, l'instrumentarium (une contrebasse, un violoncelle pour la mélodie, une harpe, un piano adossé à l'orgue), c'était l'église qui s'invitait au théâtre. Illustration parfaite d'un cours de Rémy Campos à l'Institut Catholique de Paris !

Un choeur d'opéra médiocre pour le challenge

Il est trés instructif de voir ce qu'un grand chef peut faire d'un matériau usé par la routine. Il est indéniable qu'Hervé Niquet donne avec génie l'entrain et le même souffle rythmique à tout niveau de chanteurs en face de lui, que ce soit son prestigieux Concert Spirituel, les professionnelles du Vlams Radio Koor , les simples stagiaires comme les demoiselles chantres à Saint-Maximin. Nul doute que les choristes de Nice auront vécu cette année une expérience forte qui les sort de l'ordinaire. Cependant il est devant une limite où seul le temps peut agir pour réparer. Plus encore : entreprendre une action à court terme c'est déstabiliser la psychologie entière d'une troupe. On a l'impression qu'on entendait un choeur accordé par Niquet comme un facteur d'orgue vient accorder l'orgue pour la Noël. Et comme parfois cela arrive aux orgues, le son est plus mat, moins flou et plus traître ! Du coup des défauts ressortent tragiquement : le choeur des femmes a un vibrato accusant la vieillesse du personnel : cela donne l'impression qu'on a tiré le jeux de tremblant de l'orgue. Le pupitre d'alto, terne, faible, y trahit sa médiocrité. Seuls les hommes, dont les pupitres ont été ses dernières années bien nourris en voix jeunes, se tirent avec honneur de cette épreuve.

Quant à la prononciation du latin à la française... à Nice ! Quand on pense qu'il n'y a presque pas un français dans le choeur, mais des italiens, des coréens et des serbes ! Effet comique garanti. Nul doute aussi que l'exotisme du choeur à Nice devait être presque similaire au temps de Massenet ! Le niveau y était certainement strictement égal, on y devait, on ne pouvait y chanter qu'en prononciation italienne ! Mais le résultat devait être aussi médiocre que ce qu'a pu obtenir Hervé Niquet et ce, malgré le public "select" fait d'un Eiffel, d'un Fauré, d'un Reinach, d'un Nietsche (pour mélanger les époques), et autres princes, princesses de l'avant-révolution russe, résidents à l'hôtel Splendid boulevard Victor Hugo.

Quatre solistes choisis parmi les choristes

Pour le choix des quatre solistes dans le choeur, il est aussi intéressant de voir sur quoi a buté un grand chef et les solutions qu'il n'a pas pu apporter en un temps aussi limité.

La soprano. Pourquoi donc Liesel Jürgens a refusé de passer l'audition (cette choriste titulaire n'était même pas présente au concert) ? C'était la seule qui aurait soutenu l'honneur du choeur de Nice aux yeux d'Hervé Niquet. Elle a raté aussi l'occasion de se faire gourmander sur sa paresse à la diction par un spécialiste et d'apprendre à rectifier son défaut. A défaut d'elle, ce fut la coréenne Yoon Jung Chang. Voici un vibrato détruisant toute ligne mélodique, seuls quelques beaux aigus lui ont permis d'être l'élue des choristes dans ce rôle.

L'alto. Egalement membre de l'Ensemble Voxabulaire, Christina Greco est celle qui a fait les plus belles nuances. Elle portait une sublime robe blanche qui faisait d'elle une peinture pré-raffaëlite, quelque chose d'une patricienne génoise. Parfaite pour chanter Barbara Strozzi, sa voix, plutôt mezzo-soprano avec harmoniques graves, se révèle, à cause de cela-même, petite pour l'oratorio XIX° siècle. Il lui restait qu'à tenir valeureusement, tant bien que mal et sans lauriers, cette partie d'alto trop basse pour elle. L'accent génois pour la prononciation à la française donnait un latin bien marseillais !

Le ténor. Thomas You a un beau timbre, une facilité de lecture, une technique solide. C'est certainement l'élément le plus fort de son pupitre. Mais il appartient à ces coréens qui ont appris une fois pour toutes une technique dite romantique et qui n'en démordent pas. Permettez une anecdote : Thomas You a chanté pour l'ensemble Voxabulaire le rôle titre de l'oratorio Jonas de Carissimi. Un vrai roseau : il a plié aux exigences du baroque l'espace des répétitions mais au spectacle, puissance de voix, technique d'émission par le bas, "nuances-clichés" du grand opéra sont revenues à l'assaut : ainsi les roseaux reprennent leur attitude première une fois le vent passé.
Il est réconfortant de voir que même Hervé Niquet n'a pas réussi à lui faire appliquer une seule de ses volontés. Thomas You a continué à chanter comme à son habitude. Même sa manière de regarder sans regarder le chef traduisait cette rigidité machinale. Il faut ajouter à ce regret la baisse de qualité de sa voix trois ans après le Jonas de Carissimi (peut-être n'est-il pas actuellement en forme ?), si bien qu'on peut se demander si Hervé Niquet eût pu même avoir une idée du beau potentiel du soliste qu'il avait choisi.

Le baryton. Ioane Hotensche fut le plus studieux, le plus attentif au chef, le timbre le plus adapté au style, mais son défaut est terriblement rythmique !

On remarquera que deux des solistes choisis par Hervé Niquet ont chanté pour l'Ensemble Voxabulaire, comme on l'a dit, on pourrait parier que si ce chef avait entendu Liesel Jürgens, fleuron de cet ensemble, il l'aurait choisie également. Pourquoi donc l'Opéra de Nice ne soutient pas Voxabulaire comme il soutient l'ensemble instrumental Apostrophe, issu de son orchestre ? Un problème de personnes ?

Des cordes abominables

Puisque l'on parle de l'orchestre, les cordes ont contribué au concert de Niquet pour l'oratorio de Saint-Saëns. Difficile de demander en une semaine de jouer sans vibrato ! On ne peut pas reprocher à l'orchestre de l'opéra de Nice d'échouer quand on sait qu'il a fallut deux mois à l'orchestre d'Heidelberg pour apprendre les traits d'archet brefs lors du Motezuma de Vivaldi dirigé par Mikael Form et trois saisons pour jouer aujourd'hui convenablement le baroque sous la baguette de ce musicien remarquable.
Mais enfin ! Il y a une, deux (?) brebis galeuses dans les cordes de Nice ? Plusieurs concerts entendus jamais critiqués le furent pour cette cause. Une cinquième de Chostakovitch qui craquait de toutes parts, manifestement trop vaste pour cet orchestre, une neuvième de Beethoven mémorablement bâclée. Marco Guidarini, le chef d'orchestre à Nice, est sans doute un grand chef pour les orchestres de vastes manifestations comme au Stade de France, mais il semble qu'il ne soit pas aussi brillant dans le travail journalier, ou plutôt qu'il n'ait pas su entretenir le niveau de l'orchestre légué par Klaus Weiss, à moins que ce fussent les chefs intermédiaires qui gâchèrent l'orchestre ? Ou bien encore les mouvements sociaux, le licenciement de quelques bons éléments ? Ce que l'on a entendu tout dernièrement de Marco Guidarini dans Lady Macbeth de Verdi semble indiquer soit une lassitude face à cet orchestre, soit un découragement, en tout cas une nette baisse d'inspiration par rapport à sa jeune et vive interprétation de Traviata au Chantier Naval d'Antibes : c'était il y a fort longtemps, à ses débuts dans la région quand il n'était encore que chef invité.

Conclusion terrible

On peut se demander si Hervé Niquet s'est senti à l'aise dans ce concert avec un résultat plus bas que tout ce qu'on a pu entendre de lui. On peut même se demander ce qu'il faisait là, à risquer une page critique comme celle-ci ? Est-il lui même en baisse d'inspiration pour se retrouver face à un choeur retord ? Est-ce une erreur stratégique ? Ou bien est-ce le début d'une collaboration envisagée comme une opération sauvetage du choeur de Nice, une aide pour en relever le niveau, aide bien planifiée sur plusieurs années ? Mystère !

Le plus stupéfiant. Pour Nice, pour son public, c'était vraiment très réussi, beau, émouvant ! Il y a certainement quelque part des articles enthousiasmés qui ne suivront pas notre option d'écoute. Reconnaissons que cela aurait pu être une belle réalisation d'église au XIX°, c'est à dire dans le cadre amateur de l'époque. Ce n'est pas digne d'une grande maison d'Opéra d'aujourd'hui.

Mais il faut profiter de cette sonnette d'alarme, s'armer de temps et patience, renouveler l'expérience avec des chefs de cet acabit, diminuer le vibrato des femmes, améliorer le pupitre des altos et relever le niveau des cordes de l'orchestre...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

le moins bien donne parfois plus de gout au bien.
Cordialement

Cédric Costantino a dit…

Merci bien du commentaire !

Anonyme a dit…

Oh, que tu n'es pas tendre !
C'était vraiment si mauvais ?
Je te crois volontier...
Dommage.

Cédric Costantino a dit…

Oursin bleu tu as raison, c'était mauvais même si agréable et mignon. Je n'ai pas été tendre, une vraie bouteille d'orangina mais pourquoi est-il aussi méchant ! On m'a dit que cela faisait basse vengeance. Il se peut que je me sois laissé porté par l'exercice de style, mais comment être méchant avec les artistes des choeurs de Nice qui sont charmants, plein de bonne volonté ? Ils ont été déstabilisés par cette remise en cause via Hervé Niquet c'est tout. Enfin on a dit que je me suis acharné sur Thomas You ! Mais c'est parceque c'est un artiste intéressant qu'il faut relever son défaut, sinon on n'aurait rien à écrire ! Enfin cela pose le problème du métier de critique ou chronique. De quel droit dire la réalité des fait lorsqu'on est pas à la place des musiciens. Quel critique aurait remarqué que les quatres solistes ont chanté avec les autres choristes dans la première partie du concert, ce qui n'est pas bon pour la mise en voix en tant que soliste, et sait-on le temps de préparation qu'ils ont eu en compagnie du chef, toutes choses qui ne relève pas d'eux, et pourtant c'est eux qui reçoivent la critique.