C'est le programme d'une vestale ou d'un bonze des temps moderne : entretenir un feu métaphorique jusqu'à la mort, s'imposer une discipline rituelle toute sa vie. Certains jugeront cette entreprise titanesque, admirable, d'autre morbide, obscessionnelle. Certains y verront un art minimaliste, d'autre l'ultime aboutissement de la philosophie de Bergson sur le temps comme durée du vécu personnel : une minute n'est pas la même pour moi ou toi.
Tous les ingrédients y sont : la date de naissance de Roman Opalka, 1931, la date de naissance de son choix d'accumuler le même détail toute sa vie 1965. Alors il prend ce nombre comme base du format de ses grandes toiles d'1 mètre 65 et sur fond noir, il y inscrit la séquence des chiffres répétés. Puis il prend la photo de son visage pour le voir vieillir à chaque séance de peinture, il décompte ses pinceaux et enregistre sa voix qui dit les chiffres en polonais. En 1972 il radicalise ce cheminement picural jusqu'à la mort en décidant de rajouter un centième de peinture blanche dans le fond de chaque toile, il finira par peindre des chiffres blanc sur fond blanc comme le nirvana programmé de son existence. Nous sommes en 2008. Au point de vue pictural, sur les murs du musée Chagall, le résultat est d'une grande beauté : oui tout cela n'est pas que philosophique, c'est un message à l'oeil, des images de tons gris brodées de chiffres qui se répondent. Le visage figé d'Opalka blanchit lui aussi avec les ans et porte la sérénité du sage. Cette expérience extrême rappelle le stoïcien Diogène vivant dans son tonneau. C'est la dignité de la volonté humaine que cet artiste vous donne à voir.
Musée Chagall, Nice
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