Prologue
Entrée de l'Histoire dans un costume extraordinaire accompagnée d'un enfant, le Temps, lequel est paré d'un costume encore plus délirant. Une armée de poissons rouges, choristes et danseurs, les accompagne dans une ambiance orange. Le décor est bibieniquement une loggia d'un palais espagnol renforcée par un rail géant des chemins de fer, au sol, et une falaise sur la mer en toile de fond.
Ritournelle
dans laquelle on entend la résonance harmonique naturelle
et le sifflement des trains de la mort
L'Histoire - Voyez Clio la cruelle déesse de l'Histoire : moi !...
Je me suis drapée des fumées de l'holocauste.
Pour moi ses cheminées ont produit un parfum agréable.
Il ne m'a pas suffit le tremblement de terre de Lisbonne
Ni même l'indonésien Tsunami et la tempête de la Nouvelle Orléans :
Il a fallut encore que je savoure la déchéance de l'homme
Au coeur de la civilisation !
Et que le train des hurlements passa
Sous les polonaises fenêtres du concert :
La musique de Chopin ne cessa pas d'être belle
Sous ces ornements affreux !
Même ritournelle
Voyez de jadis ces falaises abruptes,
Là où nichaient les ptérodactyles,
Elles gisent maintenant sous mes pieds
Et leurs os se sont fait pierres dans vos musées.
Mais l’on ne se baigne jamais dans l’eau du même fleuve…
Et combien il y eut de choses,
Combien affreuses et belles ?
Fussent-elles nées dans l’insensibilité de la Nature… (un temps)
Ce matin je songeais,
Oublieuse du sac antique de Pékin
Et de sa longue odeur de chairs consumées,
Oublieuse de l’inauguration de la pyramide de Huitziloplati
Aux huit mille cinq cents jets de sang agréables,
Ce matin je songeais :
« Cela fait assez de temps depuis Ouradour
- Disons les chambres à gaz -
Qu’on ne fait beaucoup de morts en un espace resserré
- Entendue : une poignée de mètres carrés bien condensés ! »
Quelqu’avion heurte une Tour !
« Me voilà toute rassurée pour ma besace de faits !»
M’exclamais-je en mangeant une pizza devant vos téléviseurs… (un temps)
Eh quoi ! Un de plus ?
Il y eut Pol Pot, il y eut les goulags,
Monstruosités filles d’Auschwitz,
Depuis que fut l’intelligence destructrice de la dignité :
Rien ne pouvait être aussi terrible !
Il y eut le sol du Rwanda aux parcelles convoitées,
Désormais jonché de cadavres.
On suppliait pour obtenir le luxe de mourir
Par le fusil plutôt que sous la machette,
Le critère était la taille haute,
Le salaire,
Un métier,
Un mouton,
Une vache – ou tous les prolongements des rares richesses de la terre. (un temps)
Ce n’était plus tant la prétendue ethnie,
La folie s’emparait des esprits – ô génocide !
Les cousins abattaient les frères.
Un enfant violé dessine ses bourreaux vêtus de sexe, de botte
Et de mitraille.
Lui n’a plus de bouche.
Même ritournelle
Mais un champ de coquelicots rouges frémit, qui a poussé sur le tapis des obus :
Graine ! Tu es la première à conquérir la glaise battue.
De même l’orchidée blanche colonise les trous germains des falaises de Normandie, (glorieux)
Falaises où d’autres oiseaux nichent maintenant, descendant des dinosaures carnivores.
Même ritournelle mais abrégée ou tronquée
Tout cela m’amuse et d’ailleurs, ce n’est pas toi qui me contredis,
Qu’en penses-tu Petit Temps ?
Elle frappe sur son épaule, il ne l’écoutait pas,
tout occupé à jouer
Le Temps - Oh tu sais moi, mon opinion ? Je n’en ai guère,
Je ne prêtais pas attention à tes dires,
J’étais en train de jouer au trictrac…
L’Histoire - Mignonnet bambin !
Je parlais des événements du monde,
Tu vas bien de ton petit sentiment là-dessus ?
Le Temps - Pas vraiment, je ne suis qu’un enfant…
Tu sais que les enfants sont insouciants,
Ils sont des brutes qui arrachent les pattes des sauterelles
Et emprisonnent la mante religieuse dans un verre sur une fourmilière
Pour observer le massacre.
Aria du temps
Je suis comme l’Imparfait,
Je marche aveuglément :
J’ai bien un repère pour commencer,
Mais je ne cesse plus à défaut de rencontrer mon obstacle:
Les enfants ne font-ils pas de même qui se croient immortels ?
« J’étais, je suis et je serai » dit-on, quelle rigolade ! (une inattention mais sans temps d’arrêt)
Tiens regarde ce train de la mort qui passe :
Tu as vu ? L’aiguilleur s’est trompé,
Hop ! Hop ! Regarde le cheminot qui se fait une frayeur !
Deux secondes plus tard et le train déraillait !
L’Histoire - Quel dommage en effet ! Je me serais bien régalée de quelques morts…
Le Temps - Mais il n’a pas déraillé :
Voilà un imparfait dont le repère n’existera jamais, en ai-je moi-même un ?
Je ne sais guère, je m’en fous, je rigole.
L’Histoire - Voilà qui est bien dit, irréel à souhait !
Mais des hommes, qu’en penses-tu ?
Sur l’ostinato d’une chaconne
Le Temps - Les hommes ? Des jouets ! Abusons les ! Violons les !
Chantons oui chantons combien nous jouissons de l’homme !
L’Histoire - Quel génie fais-tu ! C’est cela !
Chantons oui chantons combien nous jouissons de l’homme !
Le Temps - Et par l’allégorie que voici,
Montrons oui montrons comment nous jouissons de l’homme !
L’Histoire - En actes et en scènes, personnages et situations trébuchantes,
Voyez oui voyez comment nous jouissons de l’homme !
Le Temps et l’Histoire ensemble - Et par l’allégorie que voici
Chantons oui chantons comment nous jouissons de l’homme !
Le Chœur des poissons rouges - Chantons oui chantons comment ils jouissent de l’homme !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire