vendredi 19 janvier 2007

François Salque à Prades l'été dernier I

Bientôt le Festival Pablo Casals de Prades s'invite à Paris ! c'est l'occasion de narrer la rencontre de cet été au détour des couloirs de l'Académie musicale de Prades : François Salque, au milieu des répétitions et des cours, François Salque ou une formidable capacité de transmettre l’émotion.

Les violoncellistes entendus à Prades
A Prades furent remarquables les prestations d’Antoine Pierlot, la jeune révélation Adami, qui joue avec son cœur les yeux fermés ; superbes également, les prestations de Petr Prause, violoncelliste du Quatuor Talich, transcendé, ému et profond dans le quatuor de Chostakovitch, alors que dans Mozart, sa souplesse en demi-teinte le laissait dans la discrétion. Remarquable encore le son net et directeur, faisant songer à une pédale d’orgue, issu du violoncelle d’Othmar Müller dans le quatuor Artis. Il est le chef tacite de son groupe et lui confère son parfum de candeur. Remarquable, l’élégance d’Arto Noras, dont le son est plus petit que sa réputation - beaucoup disent qu’il a vieilli, c’est en tout cas l’impression qu’il donna dans le septuor de Beethoven. Admirable la musicalité de Franz Helmerson, mais encore plus celle de Wolgang Güttler à la contrebasse, le meilleur musicien du même septuor de Beethoven et, d’après les élèves de l’Académie, une « bête de pédagogie ». Remarquable le son arraché pour transcrire l’hystérie de Richard Strauss par le caméléon Philippe Muller, si doux dans une sonate de Dvorak lors d’un cours à un jeune violoncelliste australien. Son sens pédagogique est à noter : nous avons assisté à un cours sur l’accélération et la décélération dans le phrasé romantique. Muller utilise la respiration du chanteur pour phraser des soupirs, prononce un « h » pour expliquer comment lancer une note et fait le geste d’un coup de poing. Sur le son percussif du violon, une constante dans la bouche des professeurs, il faudra lire aussi le cours de Mihaela Martin, violoniste, et nous indiquons dès à présent une remarque de François Salque à propos du jeu en musique de chambre : « la résonance du piano meurt, le violon qui joue en sa compagnie laisse mourir aussi le son avec lui ». Extraordinaires donc, tous ces musiciens de tous les âges et de toutes les nationalités, dont l’expérience musicale trouve souvent les mêmes mots, les mêmes idées.

Liberté et expressivité dans le phrasé
Mais celui qui fut souverain est François Salque. Sa première prestation écoutée à Prades : le 2 août dans un concert intitulé « aimés des dieux», où les œuvres d’enfance de Rossini, Mozart et Mendelssohn furent interprétées, fut une révélation. L’œuvre de Rossini, une sonate à quatre, écrite à l’âge de 12 ans, possède tout le pétillant et l’inattendu du compositeur plus aguerri : les dès y sont jetés, c’est un tempérament. Peu importe si la thématique est conventionnelle. De même le Mozart de 16 ans, dans l’adagio, possède déjà l’angoisse et la profondeur, sous les légèretés du siècle, un tempérament aussi. On parlera de l’octuor de Mendelssohn à propos des quatuors Talich et Artis.Dans Rossini donc, François Salque rivalise de jovialité, de générosité et de phrasé bel canto avec Wolfgang Güttler, le contrebassiste, semblant libre de toute contrainte et de tout souci, tandis que Gérard Poulet et Gil Sharon sont d’extraordinaires violonistes, plus traditionnels cependant.

Des expressions physiques lors d’une leçon de l’Académie
Cette interprétation dans la corporalité, donnant à une œuvre d’intérêt second une beauté certaine, nous a donné l’envie de savoir plus avant d’où peut venir cette force expressive évidente, dès la première écoute, et dans n’importe quel répertoire. D’où vient ce son affranchi de tout conformisme ? Allons donc directement dans sa classe à l’Académie (et avant d’écouter les autres professeurs). Dans un beau morceau romantique de son élève, François Salque parle de « pierres qui tombent et ne sont pas reliées par un fil élastique : une fois tombées ou lancées, il n'y plus d'interaction possible ». Ces seuls mots sont une lumière de ce que l’on a entendu la veille. La phrase entonnée par le jeune stagiaire monte avec un idéal lyrique, mais l’élève reste attaché au texte, en deçà de l’expression. François Salque le corrige « améliore l’évolution des harmonies qui avancent très loin !… ». Mais ce « avancent très loin » est dit théâtralement comme un absolu romantique, tels les « orages désirés » du René de Chateaubriand. « Il te faut une conduite plus expressive, plus inspirée ; commence par respirer naturellement, pense que tu dois nous emporter ». François Salque prend son violoncelle, le positionne sur son corps, fait le mouvement de la danse à deux, instrument et musicien : « Quand une phrase est douloureuse comme celle-ci, il faut apprendre à ne pas être trop dans l’action, à se départager, à se retenir de le vivre complètement, il faut aussi pouvoir se sentir interprète et auditeur à la fois ». Un tel discours étonne, on pourrait penser que François Salque est simplement dans l’action, dans le vécu, et l’on découvre une personnalité de contrôle et de jeu d’acteur, un tempérament fort et libre.

Une première question confirme cette liberté. Brûlant de lui faire remarquer la parenté de sa franche liberté avec le jeu du violoncelliste baroque Marcello Scandelli (lire l’interview de ce musicien au festival « Pietre sonore »), nous rappelant des dires d’Henri Dutilleux sur Tortellier (lire notre interview du compositeur), nous lançons : « cette liberté et cette générosité, vous viennent-elles de l’enseignement de Tortelier ? » « C’est une école de jeu, répondit-il, on ne peut pas dire que j’ai été l’élève de Tortellier plus que d’un autre ; c’est un ensemble de professeurs qui m’a fait ; j’ai beaucoup travaillé avec Noras, dans cette Académie même. Lui-même fut élève de Tortelier. Je vous invite à aller écouter ses classes. ». Hélas, ce ne fut pas possible cette année.

Répétition du quatuor de Brahms confirme le coup de cœur pour son jeu
Cherchant à voir Itamar Golan, pianiste, en cours, au détour d’un couloir et d’une porte de lycée voici que l’on tombe sur un magnifique quatuor de Brahms avec Mihaela Martin. Derrière le piano, caché, un violoncelliste fait surgir une mélodie, un rêve haletant; l’émotion affleure. Mihaela Martin veut quelque chose de plus songeur, Itamar Golan choisit la version de Mihaela Martin. Mais dans la lenteur du nouveau rythme, la violoniste trouve que la mélodie est jouée trop écrite. Elle décide un mouvement un peu plus allant, proche du choix du violoncelliste. Mais qui est ce violoncelliste… François Salque. Découvrir deux fois un musicien, c’est sceller la certitude de sa qualité.


Crédit photographique
François Salque © R. Roig

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tu racontes n'importe quoi
Comment se faire avoir par la théâtralité.
Va regarder Starker Truls Mork Kogan Oistrakh ...
qui valent beaucoup mieux que cette demi fl^eche