Lundi 31 juillet 2006 à l’Etang d’Aulnes pour le Festival de la Roque d’Anthéron, Andreas Staier donne la première partie d’un programme mettant en lumière l’écriture pour piano et orchestre de Mozart en compagnie du concerto Köln, et sur un pianoforte de Salvatore Lagrassa de 1815, restauré par Edwin Beunk. Deux concertos, le n°17 en sol, et le n° 24 en ut mineur : dégustation rapide, courte voire légèrement frustrante pour l’amateur.
Un pèlerinage qu’il faut préparer sur plusieurs jours . La Roque d’Anthéron, c’est un livret de 330 pages recouvrant les concerts des plus importants pianistes et clavecinistes de l’heure avec des thématiques - évidement mozartiennes pour cette année - se développant sur plusieurs jours (Anne Queffelec y joue à nouveau une intégrale). Le concert du lundi 31 juillet n’était qu’une préparation au concert du 1er août où Andreas Staier jouait les concertos des fils de Bach, couronnés par le concerto n°19 en fa majeur de Mozart. Second concert qui comparait les styles, montrait les sources, identifiait les parentés, scrutait l’apport d’un « petit plus » qui fait le « sublime » dans l’art de Mozart. Nous n’entendrons hélas pas ces génies issus de Johann Sebastian Bach ; nous ne pourrons pas nous forger des tendresses pour le romantisme de Wilhelm Friedemann Bach, le préromantisme subtil et rompu de Carl Philippe Emmanuel Bach, le classicisme de Johann Christoff Bach et l’élégance, la spontanéité du petit dernier, Johann Christian Bach, modèle et source poétique pour la personnalité de Mozart.
Cela est dommage pour deux raisons : la première susdite, de n’avoir entendu qu’une partie du programme (deux concertos de Mozart en mise en bouche), la seconde pour ne pas avoir une idée complète de l’ambiance « Roque d’Anthéron ». Ce festival a un rythme, il faut pouvoir rentrer dans ce rythme. Voir tant de voitures arriver au milieu du désert (où la Mireille de Frédéric Mistral vécut son agonie), puis repartir sans mot dire, après à peine une heure (bis compris), ne permet pas de comprendre qu’il s’agit d’une passion, de plusieurs histoires racontées à un public conquis et connaisseur. Un pèlerinage tel qu’on en reconnaît les signes à Bayreuth.
Un pianoforte magnifique met à nu le système d’écriture de Mozart. On ne restera que sur la surface donc : une grange immense ouverte sur le devant permet une acoustique miraculeuse et un vaste public, quoique, pour un pianoforte, il faille tendre l’oreille. Andrea Staier est un musicien d’un beau phrasé, ce n’est pas un secret. Il mène les réponses de l’orchestre qui imite parfaitement tout ce qu’il fait. Du reste, entendre Mozart sur un son aussi petit permet de comprendre tout l’art de son écriture, comment, en ce temps, les couleurs sont soigneusement posées pour que l’attention soit toute entière portée sur le piano ; comment les caractéristiques du style des violons et fagots sont reprises dans les idées du piano au point que quand Staier donne à l’improviste une inflexion, c’est naturellement que l’orchestre la retrouve.
Parlons des « forte » du piano qui ne sont pas d’intensité sonore mais d’énergie de jeu (à cet époque l’accord était tassé sur lui-même pour donner la violence du geste) : tant de syncopes et de silences dans l’écriture classique sont vraiment nées de la force percussive du pianoforte, où le forte était plus un touché qu’une ampleur. De nos jours, les Steinway rendent ces effets plus difficilement, malgré la grande dynamique entre le piano et le forte, parce que le son est plus lent à se répandre et que la subtilité n’est plus la même. Nous ne dirons pas assez la beauté de l’instrument Lagrassa (1815), joué devant l’étang d’Aulnes. Pas simplement à cause du meuble vernis qui à l’œil nu donne sa date comme un objet dans une vitrine d’antiquaire, mais surtout à cause de ce son particulier : viennois, incisif, feutré, si proche de l’esthétique d’un quatuor à cordes. Le site de la maison de facture et de restauration Edwin Beunk (http://www.fortepiano.nl), narre les étapes de restauration précisément pour cet l’instrument-là.
Le son du Concerto Köln résulte d’une longue amitié. Parlons enfin des bassons allemands, étranges et ingrats mais finalement beaux dans leur austérité. On comprend que le basson français plus chaleureux n’ait jamais gagné totalement la bataille. L’instrument attire l’attention sur l’amour des instruments à vent, et les emplois dramatiques qu’en fait Mozart. Les cheveux grisonnants du bassoniste, et ceux du premier violon (très souple et en symbiose avec Andreas Staïer), pousse le regard à comparer l’âge de tous les musiciens : le Concerto Köln est un groupe d’amis qui débutèrent ensemble, qui trouvent l’âge mûr ensemble. Pas de trahison ni de défection : c’est beaucoup dire sur l’unité de leur son.
Le son d’antan est plus romantique qu’un son moderne. Retrouver le son d’antan permet aussi de retrouver la poésie préromantique des œuvres : dans le premier concerto, en apparence espiègle, on retrouve l’imprévu et la versatilité affective de Mozart, qu’a souligné le Maestro Bussotti dans notre interview pour classiquenews . Mozart, vêtu des dentelles du siècle des Lumières, en est le parangon de son angoisse. Nous vous invitons à lire les « Enchanteurs » de Romain Gary pour comprendre ce qu’était le XVIII ème siècle. En quoi il fut, en sauvagerie et en science, réellement précurseur du romantisme malgré ses apparences polissées, éduquées, ritualisées. Le concerto en ut mineur est lui franchement dramatique.
C’est déjà le bis : ce fut trop court, pas assez de temps pour réaliser la beauté de la musique.
Festival de la Roque d’Anthéron, Le 31 juillet 2006. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano et orchestre n°17 en sol majeurK.453, Concerto pour piano et orchestren°24 en ut mineurK.491.Andreas Staier, piano forte. Concerto Köln.
2 commentaires:
Comme un débutant, je suis toujours à la recherche en ligne pour les articles qui peuvent m'aider. Merci Wow! Merci! J'ai toujours voulu écrire quelque chose dans mon site comme ça. Puis-je prendre une partie de votre post sur mon blog?
Bonjour, je suis Cédric Costantino, je ne suis pas fier d'avoir écrit ce que j'ai écrit, car j'aurais mieux fait de travailler la technique pour devenir moi même un instrumentiste correct, l'art étant le mieux. Je tâche de travailler maintenant comme je peux et ne plus faire cette erreur. J'écrits encore de la musicographie sur présencemusicale.com mais je ne dis plus rien sur les musiciens car je les admire trop pour me permettre et je ne suis plus inconscient comme avant
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