Le musée Fernand Léger après une longue fermeture pour restauration a désormais acquis des oeuvres majeures permettant de complèter l'évolution du peintre en partant des rares exemples d'impressionnisme ayant survécu, tel Les fortifications d'Ajaccio de 1907. Dans un petit chemin précédant Biot, elle avait était inaugurée, juste à la mort de Léger, par Chagall, Picasso et Bracque en 1960, puis elle fut offerte à Malraux comme musée d'Etat, cette géométrique bâtisse moderne de 1957, juchée sur une colline en pelouse, servant de socle à la mozaïque géante qui la recouvre, mozaïque à l'origine destinée au stade de Hanovre.
expressive inexpressivité
La monumentalité de l'ouvrage témoigne de ce que Fernand Léger était le peintre de la communauté, un communiste inscrivant son oeuvre dans la vie pratique. Il y a chez Léger un paradoxe énorme et émouvant : C'est une oeuvre inexpressive très expressive. Parti très tôt, à l'époque de Cézanne, du constat que l'industrie et le cinéma créaient des images fortes et concurrentes, il a travaillé à des images choc, impersonnelles, plastiques et pourtant vibrantes d'humanité. Influencé par Mondrian et l'école allemande, c'est la géométrie des couleurs, la netteté des contours noirs, le dégradé des volumes sombrés qui font son style. Il donne à la figure humaine un poids physique qu'il dit dénudé de toute valeur sentimentale. Une peinture belle et inexpressive, c'est là l'exacte correspondance d'attitude avec un Stravinsky en musique, pourtant si puissament émouvant aussi. Car les objets s'opposent et font sens presque malgré l'artiste. Ces clefs qui dominent la Joconde toute verte ne sont pas là comme une antithèse, mais comme une histoire. Une autre composition montre une jeune fille qui semble retirer la peau verte et libérer la peinture du passé, à côté d'elle des plumes à encre. Une autre composition montre une danseuse bleue totalement déchaînées de ses mouvements. Et pourtant ces trois tableaux furent peints chronologiquement dans le sens inverse et n'expriment absolument rien, à plus forte raison rien de cette libération dans la peinture.
du populaire à l'humanité
Toujours dans le paradoxe, c'est aussi la douceur de la nature qu'il déchirera sans relâche par une architecture moderne, un poteau, des canettes de bierre. A New York il vit un visage changer de couleur sous les projections publicitaires et aussitôt il peint des bandes de tons primaires sur ses personnages en noir et blanc. C'est le précurseur de Wahrol dit-on, utilisant le populaire dans l'art, mais surtout c'est "la vie en pleine figure". Comme nous le montre l'exposition temporaire sur "la partie de campagne" agrémentéer de photos de ses amis tel Doisneau, avec la voiture qui chauffe au bord de la route, le picnic et le ballon, il y a toujours un chien (dans la Grande Parade des saltimbanques, un cheval) qui a ce regard doux et qui montre que toute l'oeuvre de Léger est inscrite dans le rêve d'une humanité fraternelle et vraie : malgré ses déclarations, tout cela fait son oeuvre "expressive", attachante même pour simple enfant.
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