lundi 26 mars 2007

Biographie subjective by Sylvano Bussotti himself (I)




PREMIERE PARTIE A L’USAGE DU PROGRAMME DE SALLE DES JOURNEES BUSSOTTI A PARIS



Il m’est difficile de savoir si , dans mon enfance , j’ai commencé par peindre, par composer ou par écrire des textes pour la scène, en utilisant ce qui était original : l’ancien langage vénitien. Je parlais le vénitien à la maison avec mes parents, et je mélangeais ce langage antique et toujours vivant avec le toscan que parlait ma famille venue de la campagne florentine. Dessin, poème et musique : musique parce que tout petit on m’envoya chez une dame et, de là, chez un professeur du conservatoire qui m'y fit entrer, une année avant l’âge prévu par la loi. Dix années ainsi, jusqu’au moment où, entre l’adolescence et la toute première jeunesse, je rencontre Dallapiccola, je fréquente spectacles et concerts du festival « Maggio Musicale Fiorentino » en alternance avec la vie artistique de Padoue, très ancienne ville universitaire. Padoue, voilà un moment que je n’ai jamais dit : je rencontre des personnages du milieu musical qui allaient devenir des célébrités dont quelques composants du Quartetto Italiano. De là l’académie de Sienne, quatuors à cordes, pianistes, cantatrices, tout un ensemble de musiciens caractérisés par une attitude très respectueuse des traditions : sommet de l’académisme ! Un jeune homme comme moi, prêt à fracasser au pied l’académisme en personne, en contact avec eux ! voilà bien une pierre de feu et l’incendie dans le cœur de ces artistes impressionnés par mon talent : un petit qui dessine dans la trempe de son oncle célèbre et de son frère, à la graphie musicale de très haut niveau, sans aucune étude conventionnelle ! Entre 1943 et 1946 et plus intensivement lorsque les soldats américains remontaient du sud jusqu’à la région vénitienne en libérateurs – j’ai dit que ma famille était mi florentine, mi padovaine –, en jouant sur les deux argots, voilà le Silvano acteur qui vient à la surface en jouant selon l’ancienne technique des canevas de la commedia dell’arte. Qu’est-ce qu’un canevas ? En voici un : un jeune homme assis tape sur l’ordinateur et l’interviewé lui répond (avec un sourire). C’est une indication de jeu, le sourire est mis entre parenthèse. Retournons cependant au contenu de l’interview : à partir de ce moment, une exigence puissante de quitter les lieux s’est levée en moi : pourquoi quitter un lieu aussi prestigieux que celui qui m’a donné naissance ? Etait-ce un patelin ? non, c’était Florence ! l’alternative était Venise. Venise, lieu des affamés de culture, immédiatement après la guerre. A Florence je dévorais le Mai Florentin, où j’ai vu des spectacles mémorables de Luchino Visconti, Giorgio Strehler ; des pièces capitales du théâtre musical et non musical. Brecht venait, Serge Lifar, danseur choyé par Diaghilev, la compagnie de Paris. A Venise, c’était la création de l’opéra de Stravinsky « Carrière d’un libertin », premier acte dirigé en confusion par l’auteur lui même, puis la suite relevée avec dévotion par un excellent chef-assistant.

A l’époque j’ai reçu une première sollicitation, je ne me rappelle pas par qui, pour me rendre au cours d’été du festival d’Aix-en-Provence, et là, j’ai fait mon premier voyage en France. Aix me fit rencontrer Maria Casales, Jean Vilar, Gérard Philippe et Albert Camus. Luigi Nono, en sachant que j’étais à Aix, vint me sommer de donner mes partitions pour les montrer à quelqu’un qui cherchait des jeunes talents. Cet ami faisait une création mondiale au Casino d’Aix. J’y assistais : ce n’était rien moins que « le Marteau sans Maître ». Luigi Nono apporta donc ma musique à Pierre Boulez. Il était d’ailleurs question que je m’installe à Paris. Là, Boulez me confia quelques parties de sa « Deuxième Sonate ». Je m’en suis allé les étudier chez une amie qui vivait à la campagne de la banlieue parisienne. J’ai rapporté la partition à Pierre, qui entre temps allait diriger à Naples une création de mon maître Dallapiccola, dont la mise en page préfigurait les espaces calligraphiés dans mes œuvres à venir. Boulez me fit une commande pour le Domaine Musical, il donna un concert à Paris où l’on assista aux débuts de Cathy Berberian : elle chantait dans une version de chambre mon œuvre « La passion selon Sade ». Elle avait interprété aussi, avec ma participation d’auteur-acteur d’autres œuvres telles que « Torso » et « Pièce de Chair II » que j’avais ainsi intitulée car la mode était de composer des séries I, II, III, alors que cette pièce ne se voulait précédée ou suivie par aucun mécanisme.

Il y eut les voyages aux Etats-Unis où je fis la connaissance de Bernstein. Au Carnegie Recital Hall, il écoutait « Sette Foglie » que j’avais commencé de composer à Darnstadt, où quelques fragments furent dirigés par Stochkhausen. Nous sommes dans une sorte de planétarium que j’ai connu dans un éclair, les uns à la suite des autres. L’aspect visuel de mon travail a séduit. Il y eut David Tudor pour qui j’écrivis des oeuvres pianistiques. Enfin John Cage qui, lui aussi, dessinait souvent ses partitions. Point final de la toute première partie biographique personnelle. Pour en connaître la suite (et notamment ma rencontre avec Rocco Quaglia) allez lire le blog de mon interviewer. (sur le blog même , comprenez de suivre à l'article suivant)

Aucun commentaire: