Merveilleux spectacle
C'est un consensus : tout est si raffiné dans la mise en scène, tout est si bienvenu, jamais plaqué sur l'oeuvre mais la soulignant, qu'on doit reconnaître en cette production de Jean-Louis Grinda un des spectacles les plus réussis et personnels. On est loin de la beauté froide de la Jenufa l'an passé qui passait à côté du message de l'oeuvre.
Excellent entendement de l'oeuvre par le metteur en scène
C'est féérique (décors de Rudy Sabounghi) ! C'est tendre aussi : pensons aux couples qui dansent d'un côté et de l'autre quand l'homme au foyer se fait servir la soupe mais la laisse pour embrasser celle qu'il aime, scènette qui souligne le texte chanté par les amoureux. Pensons à la manière dont Grinda souligne l'attention dans l'air magnifique du ténor en introduisant des pingouins, jeu comique mais combien efficace pour guider le public à un moment où l'action est intérieure. Le metteur en scène évite de souligner le côté franc-maçon de l'oeuvre et lui rend sa légèreté mais il garde pour autant l'égyptianisme rêveur. Grinda transmet un message sur le réchauffement de la planète, mais ses scientifiques sortent du monde de Jules Vernes. Papageno veut des petits papagenos et des papagenas (c'était écrit comme cela dans le sous-titrage) et l'on voit des embryons... c'est admirablement fait. `
On sait que dans cet opéra, la gentille du début, la Reine de la Nuit, qui souffre parce que sa fille est enlevée par le méchant, Sarastro, eh bien : elle n'est pas si gentille ! Et le méchant contrairement aux apparences, n'est pas si méchant et ses épreuves sont là pour que le couple du jeune héros et de la jeune héroïne Tamino et Pamina (la fille de la Reine de la Nuit) se méritent l'un l'autre.
Or Grinda dans le début de sa mise en scène utilise l'ouverture comme un prologue : les trois enfants (les messagers dans l'opéra) s'endorment et vont assister à l'histoire. Leur papa donne des cadeaux (C'est Sarastro !) : un appareil photo, un ordinateur qui jouera le rôle des clochettes magiques de Papageno, et la flûte qui jouera le rôle de celle, enchantée, de Tamino. Arrive la méchante nounou, pas affectueuse pour un sous (C'est la Reine de la Nuit). Grinda dans son commentaire a compris combien cet opéra est psychanalytique dans l'oeuvre de Mozart. Qui ne sait que Mozart a perdu sa mère tout jeune et que son père (immense pédagogue) a endossé les deux rôles ? D'où la défiance des femmes chez Mozart, sa peur puis son affection sans bornes pour son père. Il n'y a pas que Dom Giovanni (la statue du commandeur foudroye Dom Giovanni) qui parle de ce thème paternel : il est évident que Sarastro est le père de Mozart qui assume aussi l'amour maternel et que la Reine de la Nuit est son ressentiment pour l'abandon maternel.
Plateau étonnant
Quant au plateau il était merveilleux lui aussi. Le ténor Tamino (Matthias Klink) mozartien à souhait, clair et valeureux ; la soprano Pamina (Hélène Le Corre) émouvante, Papageno (Lionel Lhote) si comique, même Monostatos (Loïc Felix) si souvent sacrifié (chapeau à l'allusion à Orange Mécanique pour le costume de Jean-Pierre Capeyron)... Les trois enfants étaient plus que remarquables, le choeur superbement nuancé. Le chef Philippe Auguin, dès les premières notes, emporte l'adhésion : quel musicien ! Chez lui, les brefs coups d'arche du baroque, l'esprit de Mozart en chaque note...
Sarastro est la voix de basse la plus étrange jamais entendue : Bjarni Thor Kristinsson. Au moins trois registres de voix, ce n'est pas une qualité. Le timbre est nasal surtout dans l'aigu, c'est un défaut. Mais l'étrangeté colle au personnage comme dans un dessin animé, c'est une voix à caractère. Le registre grave est cependant somptueux et devrait inciter un compositeur contemporain à écrire un rôle dans cet ambitus si limité et difficile, juste pour ce chanteur, l'effet serait impressionnant.
Mais la Reine de la Nuit, Aline Kutan, l'emporte sur tout le plateau. Une voix de vraie femme et pas de jeune fille ! combien dramatique pour l'expression du rôle mais fulgurante et délicate pour les mythiques aigus ! L'absolue voix adaptée au rôle. Mais aussi tout simplement, une grande musicienne. Rarement récitatifs de la Reine de la nuit, pas même en enregistrement, sont chantés avec autant d'entendement du texte. Brava !
1 commentaire:
Tout à fait d'accord avec le remarquable commentaire ci-dessus et pour applaudir, presque 3 ans après, cette inoubliable performance de la Flute Enchantée. Existe-t-il quelque part un enregistrement vidéo?
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