samedi 15 novembre 2008

déroutant concert du Maître Yakov Kreizberg, star proclamée de Monaco

La métaphore de la fleur

Maître Janovsky avait élevé l'orchestre a un niveau technique sonore si élevé que tout amateur voulant jouir ailleurs d'une pareille soie violonistique doit désormais prendre les transports et aller à Milan, Paris ou Aix l'été : cette année le Berliner y a exhiber sa supériorité absolue. Mais dans la région, Monte-Carlo brille à la première place. 

Lors de l'année de transition où la place de chef était vacante, dans ces mêmes colonnes, inquiet de ce que l'orchestre vivotait seul et surtout avide d'utiliser la magnifique métaphore d'Elsa Morante, nous avions écrit que l'orchestre était une "fleur malade d'ombre". Le soleil est arrivé et comme la campagne d'affichage représente une fleur cette année justement, le Maître Kreizberg a repris (évidemment c'est une rencontre fortuite) l'idée en déclarant : "un orchestre est une fleur qui a besoin d'être arrosée et je me réjouie de lui apporter cette rosée".

Voici donc le premier concert que j'entends sous sa baguette. Déroutant. 

Concerto pour violoncelle N°1 de Chostakovitch par Daniel Müller-Schott
déjà joué par Nathalia Gutman et Marek Janowsky lors du concert Dutilleux en 2006 : comparaison

La main de Daniel Müller-Schott est trés légère, subtile, raffinée, précise, technique. Cela paraît étonnant pour un fleuron de l'école russe (censée représenter une puissance romantique presque violente) mais cela fait de lui le jumeau de Lugansky, pianiste. On peut dire donc que la jeune génération russe est très française dans son style tout en gardant la force technique et harmonique de l'ancienne génération. Daniel Müller-Schott y met toute sa capacité narative, ses sentiments. Force est de constater qu'il n'a pas la puissance de Nathalia Gutman dans cette oeuvre. Oui, Chostakovitch ne demande pas de la beauté sonore, de la perfection technique, il demande d'arracher les cris de la mort du violoncelle, de montrer la laideur brute du monde soviétique et comme Victor Hugo il fait de cet oeil hideux une lumière sublime. La cadence pour être réalisée impeccablement sacrifie forcément en vitesse et c'est si dommage ! Bien au contraire, pour qu'elle atteigne son but il faut avaler des notes, hâter des temps, il faut de l'imperfection. Yakov Kresiberg montre une capacité d'adaptation flagrante (eu égard à la septième de Beethoven tonitruante qui suivra), il est dans le même ton, l'orchestre est diaphane, délicat là où Janowsky était criard. Or l'obstination de l'oeuvre est criarde et le thème doit faire mal aux oreilles renforcé par le piccolo même. Janowsky et Gutman avaient raison :lL'ombre de Staline marche sur les âmes, voilà le message, toute sensibilité chopinisante étant a bannir.  Quel bis nous donne Daniel Müller-Schott ? Une esthétique habanera de Ravel ! On ne peut manifester plus grand contre-sens avec autant d'art et de talent - de perfection, insistons sur ce point.

Yakov Kreisberg impose sa personnalité dans une septième de Beethoven tonitruante.

On avait compris, lors de la conférence de presse, que c'est le chef des jeunes, des engagements humanitaires, de la fougue, il veut arracher l'adhésion du public, il est enthousiasmé. Quoi de mieux qu'une "Apothéose de la Danse". Or voilà le point déroutant! Voulant tant démontrer la Victoire de cette oeuvre on croirait entendre la "Victoire de Wellington" qui fut crée à l'époque en même temps que cette Symphonie et qui en était le pendant pompier (Beethoven la renia même de sa propre plume). C'est certes un aspect de Beethoven : lui-même suivant le tempérament de ses années de vie, doublait ou ralentissait les tempi de ses oeuvres, il donna des indications contradictoires dans ce sens et l'on accepte ce soir un allegretto allegrissime ! Et même on retient son souffle sans même respirer entre les mouvements ! Mais la stupeur nous saisit quand on va de pianissimi en fortissimi par degrés si rapides qu'il n'y a plus de place pour continuer encore le crescendo et l'on est même à se demander si Kreisberg ne détruirait pas à ce rythme les couleurs merveilleuses données à l'orchestre par Janowsky... stop à la critique ! c'est aller trop vite en jugement, il s'agit d'une interprétation en or décapé,  voire un coup de pub peut-être. Il faut entendre bien plus pour pouvoir juger un chef capable d'oser pareille extrémité, il n'y a donc pas ici une critique du jeu de Kreisberg mais une interrogation, une intrigue ! 

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