dimanche 2 novembre 2008

Concert de l'ensemble Voxabulaire à C'est pas Classique

Comment se fait-il que personne n'ai jamais pris la peine de se pencher sur cet ensemble qui vivote sur la Côte-d'Azur tant bien que mal ? Certainement sa discrétion, son adminstration trop amateur faute de moyens, son manque d'activisme publicitaire, d'agressivité promotionnelle et surtout le peu d'attrait que son fondateur, Paolo Riccucci, a pour l'entregent azuréen qui prévaut tant pour la réussite ici.

Paolo Riccucci, directeur artistique de Voxabulaire

Qui est Paolo Riccucci ? Personnellement je l'ai entendu pour la première fois il y a 15 ans chanter du Monteverdi avec un tel sentiment de la langue, une rythmique si personnelle et si proche de l'Italien, comme toute Sprezzatura se doit d'être, que j'y ai vu un très grand musicien. Jusqu'ici il n'a pas percé, sans doute par des défauts dans les aigus de sa voix dont justement la qualité est d'être douce et claire ce qui rend ces défauts d'autant plus perceptibles. Mais plusieurs années de fréquentations de chanteurs reconnus, un passage chez Diapason et d'autres revues critiques musicales réputées m'ont fait réaliser que mon jugement est ferme et que ces défauts ne sont pas tant si importants eu égard à la plastique de son impact sur l'auditeur. Les chanteurs disent qu'ils sont nus et que leur chant est le reflet de l'âme. L'impression que donne Paolo Riccucci est d'un ange ténor et cela l'emporte sur l'analyse critique. Après tout, ce que l'on permet comme défaut à des musiciens qui ont eu une carrière, on ne le permet pas à ceux qui ne l'ont pas eu, mais il s'en faut de beaucoup que ces derniers aient la science et le goût de ce Paolo Riccucci ! Et surtout, au sujet de carrière, ne parlons pas d'Arianna Savall, fille de Savall, entendue récemment au prix Prince Pierre de Monaco et dont la technique vocale et la diction n'ont pas progressé depuis le concert de Tours il y a cinq ans dans un luxe de musiques rarissimes et un orchestre de violes pour une voix de débutante ! Mais à elle, d'emblée, le certificat d'interprète raffinée et les excuses pour les défauts vocaux.

Voxabulaire, un laboratoire de musique vocale ancienne et contemporaine.

Dans cet ensemble se sont réunis pour chanter la musique ancienne les meilleurs éléments des professionnels de Nice et ses environs. Y chantent ceux de l'opéra de Monte-Carlo, ceux de Nice, les supplémentaires d'Avignon, des jeunes perles nouvellement sorties des conservatoires de Menton, d'Aix et même de Paris. Depuis cinq ans ils travaillent, ils ont monté des oratorios de Carissimi, les Vêpres de Monteverdi, les Dames de Ferrare de Luzzasco Luzzaschi, les motets de Stefano Rossetti da Nizza (les premiers à le faire vraiment !) et créé un grand nombre de compositeurs contemporains. Et le niveau ?

A C'est pas Classique : niveau diapason ! pour des chanteurs inconnus ! Alors que dans d'autres salles le même jour des chanteurs connus étaient bien loin de cette perfection... L'emendemus in melius de Carissimi à trois voix, dont Liesel Jürgens (nous vous avons déjà parlé de sa voix à propos de Mendelssohn à l'Opéra) arrachait des larmes en foisonnant de nuances ! Christina Greco, simple choriste titulaire de l'opéra de Nice a chanté un lamento de Barbara Strozzi dans une perfection de déclamation de style d'intonation qui ferait pâlir les stars d'enregistrement, en particulier celle qui s'y ait adonné dans un disque chez Ligia digital... Thierry Di Meo, lui aussi choriste de l'opéra de Nice, a chanté un Dowland avec la parfaite diction et surtout toute la spiritualité qu'on y attend. On les avait entendu il y a 5 ans. Que de progrès accomplis ! Tout ceci grâce à Paolo Riccucci. Un jeune, Gabriel Jublin, contre-ténor remarquable, avait la particularité de donner à son interprétation une fraîcheur adolescente qui colle avec son physique : certes dans son second air à double croches, c'est encore techniquement frais, mais n'est-ce pas parce que Voxabulaire est une école, une formidable école, un outil indispensable à Nice et sa région ? Mais que tarde-t-on à s'en apercevoir ? Le public lui ne s'y est pas trompé, 400 personnes se pressaient à la porte de la salle dont la capacité ne dépassait pas les 100. Nul n'est prophète en son pays.

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