mardi 1 juillet 2008

Le concerto Köln joue à San Simpliciano de Milan

Festival Pietre Sonore, 3° édition, promu “Festival musique baroque milan”

Progression fulgurante sous les effets de l'intelligence et de l'action perspicace de son directeur artistique, Gianluca Capuano. L'an passé l'oratorio "San Agostino" de Hasse terminant la saison de concerts de San Maurizio ouvrait celle de San Simpliciano (le deuxième festival Pietre Sonore), un visage plus grandiose avait été ainsi donné au festival. Aujourd'hui le festival s'ouvre par l'invitation d'un groupe prestigieux, le concerto Köln.

Superbe présentation du professeur Mellace

Comme l'an passé, un grand universitaire (rappellons que San Simpliciano est aussi une faculté réputée), dans la plus élégante langue italienne, présente le théme du festival, cette année le concerto : concerto, nous dit le professeur Mellace, qui est la forme par excellence du baroque. Déjà Monteverdi avait appelé ses madrigaux, concertos, et pourtant il s'agissait de voix et non encore d'instrument. Le mot possède une ambiguȉté étymologique, concerto pouvant signifier “combattre ensemble” ou au contraire “rechercher une harmonie ensemble”. C'est là un bien modeste résumé de la poésie de cette introduction sous les voutes altières de l'illustre église ambrosienne, introduction capable de nous faire sentir par avance la beauté rare des instruments anciens mis en valeur, viole d'amour, oboe d'amore, faggot.

Douceur de l'interprétation allemande

Tout d'abord c'est la première fois qu'on entend un claveciniste, Alexandre Puliaev, ornementer de belles harmonies les notes fondamentales de l'accord des violons : pour qui a de la culture, cela rappelle que les préludes sont nés de ce tatonnement initial pour rendre juste un luth, mais ici l'effet est étendu a la dimension d'un orchestre. Un toucher sensible, des idées poétiques, une netteté remarquable font le style d'Alexandre Puliaev.
Aux premières notes de l'”Arrival of the Queen of Sheeba” haendelienne, on reconnait les coups d'archets énergiques, courts, le raffinement et en mȇme temps une sérénité toute allemande. Pour certain ce sera trop sage, pour d'autre ce sera “une forteresse” (pour paraphraser le choral allemand), une force tranquille.
Dans le concerto de Telemann TWV 53:e1, l'incroyable dialogue entre la flȗte traversière (Cordula Breuer), le hautbois (Martin Stadler) et la viole d'amour (Chiharu Abe) subjugue. Dans le mouvement lent, de toute évidence Telemann cite un concerto brandebourgeois de Bach, mais avec sa fantaisie et sa souplesse personnelle, quasi française. Un génie galant que ce Telemann ! Chiharu Abe faisait corps avec son instrument et enflait ses longues tenues avec une noblesse d'élite. La viole d'amour possède des cordes sympathiques qui lui confére le brillant d'une plus riche résonnance harmonique, elle “quintois” comme un violoncelle, c'est à dire que la couleur de la quinte s'entend plus fortement. Dans l'accoustique de San Simpliciano, sa couleur était un peu voilée, ce qui a nui en rien à la dégustation.
Le fagott (Lorenzo Alpert), très virtuose, a fait sa première apparition en continuo pour les couleurs savoureuses du traditionnel menuet et gavotte final dans les concertos de Haendel (concerto grosso HWV 313), tandis que le Hautbois fait vibrer nos coeur sous une phrase mélancolique comme Haendel en a le secret. Le fagott est roi virtuose en soliste dans le concerto de Vivaldi (F VIII N°6), malheureusement sacrifié par la faiblesse dans le registre baryton de l' accoustique de l'église (comme le violoncelle perdu dans le son de la contrebasse). Il fallait tendre l'oreille, chaque attaque de note étant couverte par la résonnance de la précédente. C'est bien de défendre cet instrument difficile mais le basson français a plus de chaleur ! (ne reprenons pas une dispute qui date de l'époque et qui perdure encore dans les orchestres modernes).
Le moment de grȃce fut le concerto BWV 1055 de Bach, restitué au hautbois (parvenu jusqu?a nous au clavecin, la musicologie permet de restituer la partition premiére). Oui ! poésie légère, élégiaque, émotion contenue et perfection pour Martin Stadler.
Retour à la vivacité pour la sinfonia en la de Sammartini, déjà classique dans ses accents de phrases, dans ses notes battues à l'alto, une syntaxe qui prépare Mozart mais aussi les futurs irrestibles entrains de Rossini. Quatre premiers violons, trois seconds violons, deux altos, une contrebasse et un violoncelle, mais c'est l'effectif de l'Aria de Bach, non ! Il ne vont pas oser ce bis ! Eh bien oui, il faut alors que la dynamique les nuances en soient remarquables, on y apprend beaucoup en réécoutant ce que l'on sait par coeur sous les doigts de maȋtres, et l'on regrettera d'autant qu'ils furent trop sages pour ornementer la reprise de la première partie.
Il y a bien longtemps qu'un tel plaisir à écouter de la musique instrumentale pure du XVIII° siècle ne s'est manifesté, l'ennui poind quand l'interprétation est trop routinière... c'est d'autant plus un plaisir lorsqu'on sait que cet ensemble a "longuement roulé sa bosse" et demeure toujours aussi frais et bondissant, son secret et certainement de ne pas avoir de chef et de laisser s'exprimer les idées de chaque membre.

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