vendredi 5 août 2005

Gilles Colombani ; Résurrection baroque à Saint-Maximin


Entretien avec Gilles Colombani, initiateur du Festival « Baroque en Provence ». L’homme est tenace, passionné par la musique baroque. Il porte le projet d’un nouveau festival de musique baroque dans un site exceptionnel qui est aussi un chef-d’œuvre architectural marqué par le XVIIe siècle et la naissance du Roi Soleil. Il désire restituer à Saint-Maximin, une antique tradition où la musique faisait vibrer les pierres. Ce pragmatique opiniâtre, ébloui par les proportions exceptionnelles de la Basilique Sainte-Marie-Magdeleine, a regroupé autour de son projet plusieurs personnalités dont le chef d’orchestre Hervé Niquet. 


D’où vient votre passion pour le Baroque ? 
Gilles Colombani : 
Je l’ai toujours aimé ! Je regrette de ne pas avoir suivi de carrière musicale. J’ai été organiste, d’abord immergé dans le répertoire romantique. J’étais un inconditionnel de Berlioz, j’avais une sorte de prédisposition pour la musique française, déjà ! Peut-être qu’en avoir trop écouté me disposait inéluctablement vers le Baroque. Mais ce n’est pas moi qui suis venu au Baroque, c’est le Baroque qui est venu à moi, grâce à un jeu électronique, le CDrom édité par la réunion des musées nationaux, et consacré au château de Versailles. Le jeu permettait d’entendre comme fond musical le Te Deum de Lully. Il s’agissait d’un enregistrement d’Hervé Niquet. J’ai acheté ce disque et je devins un amateur de musique baroque. A partir de là, mon rêve a été d’inviter le Concert Spirituel et Hervé Niquet pour un concert. J’ai les ai donc contactés. Par la suite, au hasard d’un passage à Fréjus, Hervé Niquet est venu à Saint-Maximin. Il a logé à l’hôtel du Couvent Royal et voilà : comme nous tous, le lieu l’a convaincu. Il a été enthousiasmé par l’acoustique, le jubé de la basilique, l’orgue historique. La Basilique est un lieu exceptionnel, un écrin désigné pour la musique baroque. 
Te Deum de Lully. Cette œuvre est devenue comme un emblème pour moi. Vous comprenez à présent pour quelles raisons… 

Parlez-nous du concept qui préside à votre festival et quel est l’angle de votre programmation ? 
GC : 
Notre programmation nous permet d’ajouter aux concerts, un volet pédagogique comprenant une master-class de plain-chant. La Basilique est faite pour cela grâce entre autres à la présence de l’orgue historique. Pour recruter le chœur des stagiaires, nous avons sélectionné les élèves-chanteuses à travers un réseau de chefs de chœurs, de Rodez à Perpignan, de Toulouse à Montauban, de Lyon à Aix-en-Provence. Nous souhaitons redonner à Saint-Maximin la place qui était la sienne dans le passé, en particulier à l’époque baroque. C’était un lieu où l’on ne faisait pas que passer mais où l’on savait aussi s’arrêter. Saint-Maximin, de par ce lien qui associe la ville à la figure de Sainte Marie Magdeleine, était un lieu de pèlerinage, une destination particulièrement convoitée à laquelle on se préparait. 
Dans l’Antiquité, Saint-Maximin était une cité lacustre, -que l’on ne peut fouiller faute de moyens- ; la ville comprenait l’oppidum du Mont Aurélien ; puis l’arrivée des « Sept de Béthanie » inscrit définitivement le site dans l’Histoire religieuse. Il s’agit des personnalités proches du Christ : les Marie, Lazare et l’aveugle miraculé. Alors que Lazare fonde Saint-Victor aujourd’hui à Marseille, que les Maries donnent leurs noms aux Saintes-Maries-de-la-Mer, Marie-Magdeleine évangélisait notre pays et décidait de se fixer dans la Baume, -la grotte, en provençal-, d’où la « Sainte-Baume ». Elle devait y mourir avec Sidoine l’aveugle miraculé dans les bras de l’évêque Saint Maximin qui déposa ses reliques en prévision des invasions. Au XIII ème siècle, Charles II d’Anjou racheta les terres au Pape pour y édifier la Basilique en l’honneur de la Sainte. C’est Louis XI qui permit l’achèvement du chantier. Les orgues des frères Isnard, mondialement reconnus parmi les plus beaux de France, datent quant à eux, de 1772. Sur la route de Saint-Jacques de Compostelle, la Basilique a toujours été visitée par de nombreuses personnalités religieuses ainsi que par les Templiers. Depuis les « Panégyriques de Saint Marie Magdeleine » sont une célébration importante du calendrier de Saint-Maximin. Les reliques de la Sainte, - un crâne enchâssé dans de l’or- sont sorties de la Basilique en grande pompe lors d’une célébration à laquelle toute la population est conviée. Pour nous, organiser le festival, la veille des Panégyriques, était une gageure. Mais la date que nous avons choisie prend toute sa valeur car nous avons décidé, dans le cadre des fêtes en l’honneur de Marie Magdeleine, de donner les Vêpres dédiées à… Sainte Madeleine, Vêpres du XVII ème siècle. Les complies de Louis XIV que nous avons aussi sélectionnées évoquent un autre épisode tout aussi légitime au regard de l’histoire de la Basilique. Louis XIV produisit un édit pour avoir le droit, -les rois de France venaient ici en habits humbles-, de se présenter en grande pompe devant Dieu. Il y vint en 1660 et fit cadeau de l’hôtel de porphyre. La mère de Louis XIV, Anne d’Autriche est venue aussi prier Marie Madeleine pour avoir un fils. La naissance du Roi-Soleil a marqué le lieu. Le Souverain devait bien rendre grâce à la Sainte qui lui avait permis de naître… 
L’histoire de Saint-Maximin est particulièrement riche. Il est fascinant de constater que la musique y occupe une place cruciale. 

Comment assurez-vous le volet pédagogique pour le plain-chant ? 
GC. : 
C’est Rolandas Muleïka, Directeur de la classe de Polyphonie et spécialiste du chant médiéval au Conservatoire National de Région de Toulouse qui coordonne notre volet pédagogique. Le travail des jeunes filles est ponctué par un examen : l’interprétation des Vêpres Solennelles puis des Complies en pleine nuit. Vêpres et Complies encadrent le programme interprété par le Concert Spirituel. 

Que sont vêpres et complies ? 
GC : 
Les mâtines sont les prières du matin ; les vêpres, les prières de l’après-midi ; les complies, celles de la nuit. Le programme de la seule soirée du 20 juillet suit l’ordre établi : nous avons fixé les vêpres vers 19 heures ; les complies à 23 heures : nous souhaitions offrir aux festivaliers l’expérience de la Basilique plongée dans le noir. Le chœur des chanteuses est caché derrière l’autel. Seules les bougies tenues par les jeunes filles éclairent le vaisseau : la pénombre favorise l’intensité des prières et aussi le mystère de la musique. 

Comment imaginez-vous le festival dans quelques années ? 
GC : Je souhaite inviter d’autres personnalités musicales aux côtés d’Hervé Niquet. La notion de festival musical qui se déroule l’espace d’une seule nuit donne à notre projet sa cohérence et sa singularité. En prenant appui sur la beauté des lieux et surtout leurs qualités acoustiques, j’imagine un parcours baroque associant le Couvent Royal, -superbe lieu lui aussi-, le magnifique cloître dont l’acoustique semble parfaite pour la musique de cour, plus intime ; le réfectoire adapté pour la musique médiévale vocale, enfin la Chapelle Royale qui est chauffée. Mon projet serait aussi de faire venir les mélomanes en hiver : un nouveau pari que je veux relever car notre pays est tout aussi beau en dehors de l’été ! 


Crédit photographique : © DR 


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