mercredi 8 octobre 2008

De Falla permettra-t-il de remettre à flot le Ballet de Nice ?



Il faut craindre que non, quoique l'effort de Paul-Emile Fourny soit très louable et, pour la première fois depuis deux ans, visible et avoué. C'est un échec.

Mais avec suffisamment d'éléments positifs pour faire le point sur le potentiel et les besoins du Ballet de Nice, ce qui donne l'occasion de lancer un fervent appel à la ville de Nice pour qu'elle investisse dans son corps de Ballet, encore méritant (mais pour combien de temps ?), malgré le départ de bons éléments, son effectif plus que réduit, l'absence d'un maître de génie.

La première cause de l'échec de cette soirée Manuel de Falla, c'est son inégalité en partie due au compositeur lui-même. Il y avait deux ballets : l'histoire du Tricorne, un avocat portant chapeau tricorne ridicule faisant la cour à une meunière qui se joue de lui avec l'aide de son mari. Ce premier ballet n'est pas un chef d'oeuvre musical malgré son charme divertissant. En deuxième temps : l'Amour sorcier, thématique gitane : Carmelo en embrassant Candelas devant le fantôme gitan d'un amour passé qui la hante, brise le charme maléfique et l'initie à l'Amour. Ce second ballet possède des pages célèbres  comme les danses de la frayeur et du feu rituel. 

Eléonora Gori, maître de Ballet à l'Opéra de Nice, devait défendre sa réputation et sa sensibilité en chorégraphiant le "Tricorne". Elle déçoit, et bien plus quand on a le souvenir (si la mémoire ne faillit pas) du sensible ballet sur deux étages qu'elle avait donné, à ses débuts, sur les préludes et fugues de Chostakovitch magistralement joués par Ballenstein le pianiste de l'Opéra. Or son Tricorne est aussi classique et décoratif que cette musique en deçà de Debussy, jamais passionné, toujours en surface.

Même le décor se voulait raffiné avec sa fontaine centrale en faïence d'un turquoise splendide mais inefficace pour l'action, puisque cela oblige de remplacer le moulin par un seau d'eau. Du coup, il est bien mal aisé de comprendre pourquoi l'avocat ridicule (il devait chuter dans le moulin) se déshabille. On est supposé le savoir. Narration certes, mais trop simple et même prenant le pas sur le reste, classicisme rigide, comique de convenance, absence de parfum d'Espagne... La meunière et le meunier mettent autant de talent et de bonne technique pour peu.

Heureusement en deuxième partie, l'Amour Sorcier est un bon ballet de Jean-Gérald Dorseuil et Nathanaël Marie. Dans un fil un peu embrouillée, la gestique commente plutôt qu'elle ne narre les sentiments de l'histoire, et l'on finit par comprendre l'essentiel à travers les corps comme à travers l'émotion de la voix parlée espagnole de Patricia Fernandez - la maîtrise de l'émotion étant le point fort de cette actrice-chanteuse, décevante sur le reste. Ici un peu de tempérament hispanique, un peu de fougue, de colère, d'amour violent, comme dans la musique de De Falla, supérieure à son premier ballet. Un très poétique jeu d'ombre sur un long silence de l'orchestre prouve un subtil instinct de la spatialisation des danseurs sur scène par nos deux chorégraphes. 

Dans le premier ballet on avait déjà l'idée du potentiel technique de la troupe, dans le second celle de son potentiel expressif, il aurait fallut un troisième ballet avec un chorégraphe de génie. Et c'est bien là ce qu'il manque à Nice, un chorégraphe de génie à demeure qui lui donne le temps de s'exprimer. Le temps de développer son parfum : la parfaite maîtrise de cette étoile-ci (Aldriana Vargas), la grâce des membres de ce danseur-là (Jamaal Le Var Phinazee), l'hautaine prestance de cet autre étoile (Andres Heras Frutos), le tempérament fougueux de celle-là (Laure Zanchi) ... Permettons de douter que Casse-Noisette, un classique que Nice doit affronter en effectif si réduit, pourra offrir l'occasion de développer tout cela. 

Oui, dans cette troupe, il y a encore de belles personnalités ! Que faut-il pour les mettre en valeur ? Sans doute, une narration intimiste, courte, forte psychologiquement et sous la chorégraphie de jeunes talents. Encore mieux si le ballet était en permanence sous la houlette d'un seul, comme on l'a dit et génial ! Peut-être en dansant sur des commandes faites à des compositeurs neufs ou sur un bon choix de compositeurs anciens. Certainement dans des spectacles malléables avec accompagnement d'un effectif instrumental réduit comme le détachement de l'orchestre appelé "ensemble Apostrophe". Tout cela permettrait de redémarrer, peut-être plus discrètement qu'avec des classiques, mais avec plus de caractère : d'attacher vraiment, au final, l'attention du public. 

 

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Eleonora gori
a
Cedric Costantino

Monsieur

Votre critique du8/10/08 concernant le Tricorne, a retenu mon attention.Domage que le ballet sur une musique de Shostakovitch que vous citez en comparaison n'est pas mon oeuvre mais celle de MmeKirsten Debrock.

Eleonora Gori

Anonyme a dit…

Bravo pour votre analyse !...On est bien retombé bas et c'est grave ! A l'image de toute cette maison qui malheureusement subit les conséquences d'une direction désastreuse...quant au ballet actuel il n'y a plus grand chose à en dire ! Tout simplement.

Anonyme a dit…

Je regarde les spectacles du Ballet de l'Opéra de Nice depuis le 2001 et Je suis tout à faire d'accord avec Cedric Costantino.
La situation au sein du Ballet n'a pas du tout évolué depuis le départ de l'ancien directeur Marc Ribaud..l'effectif est fortement réduit,les spectacles de danse aussi...
Où va finir ce Ballet que depuis presque 3 ans continue de souffrir des chutes vers le bas?

Avec amitié ,un abboné du vieux Nice

Anonyme a dit…

Comme dirait un des responsable du ballet: "c'est pas mon problème"!