samedi 1 janvier 2011

Une comparaison de Hervé et Offenbach

A l’époque on louait les trouvailles mélodiques et les folies du « compositeur toqué », l’inventeur de l’opérette, le génial Hervé. Quand vous entendrez cette musique absolument délicieuse, vous ne manquerez pas de faire la comparaison avec Offenbach, et de vous poser la question, pourquoi la postérité a retenu Offenbach, plutôt que Hervé.


Voici la réponse : Offenbach, avec une solide technique allemande de l’écriture musicale, et ce que l’on appelle le génie rare d’un étranger pour une langue d’adoption, justement parce qu’il n’était pas francophone, a trouvé des formules mélodiques neuves, incisives et parfois s’est élevé à un degré d’inspiration originale qui fait que certains morceaux d’anthologie ont éclipsés la normalité de toute une part de sa production. De même, tout ce qui était drôleries chez Hervé et chez ses librettistes (onomatopées, pseudo italianismes, pseudo germanismes et anglicismes, jusqu’aux tours mélodiques…) Offenbach l’a copié, voire plagié, rendant inutiles les premières versions d’Hervé. Mais il est vrai que dans les Contes d'Hoffmann, Offenbach s'est élevé à une hauteur élective pour la postérité et cette seule oeuvre explique le choix de l'Histoire.

Hervé quant à lui, n’était pas techniquement solide, son harmonie n’était pas soignée, autodidacte, il n’eut que quelques leçons du grand Aubert, qui gentiment voulu soutenir ainsi un jeune talent déjà éclatant et reconnu. C’est un défaut mais aussi une qualité, car très librement Hervé avait une oreille ouverte aux harmonies dans l’air du temps et aux recherches les plus originales. On entend chez lui, non seulement Gounod, mais aussi Chopin, Beethoven et Wagner. En tant que Français, son sens de la rhétorique est plus ancien, presque baroque, on entend souvent des rythmes de sarabande (comme les quatre Saisons), un souci si délicat des ornements et surtout des retards musicaux : Tout cela en fait, malgré sa solidité technique en deça d’Offenbach, un musicien raffiné dont le discours musical suit la même voie (plus modestement) de recherche qu’un Liszt et un Wagner : C’est d’ailleurs parce qu’il a reconnu en Hervé un vrai musicien dramaturge que Wagner a adoré Hervé, affirmant qu’il était le plus authentique esprit parisien tandis qu’il détestait Offenbach pour sa vulgarité musicale.


Pour rendre plus clair l’originalité unique du binôme Hervé/Offenbach, il faut recourir à une comparaison avec un binôme comique du théâtre romain antique Plaute/Térence. Plaute écrivait génialement dans le langage du peuple, celui d’un rire éclatant ; Térence écrivait plus délicatement pour les aristocrates dans le langage d’un sourire discret. Et bien, musicalement Offenbach est Plaute, tandis que, dans ses livrets plus bourgeois et édulcorés, il est Térence. Par inverse, Hervé musicalement si raffiné est Térence, tandis que par son rire brutal, pataphysicien et théâtral, il est Plaute. On ne doit donc pas s’étonner que le peuple du XX° siècle est retenu Offenbach pour sa musique, tandis que celui du XXI° redécouvre Hervé pour son théâtre tout en s’étonnant qu’on ait oublié la beauté de sa musique.


Cédric Costantino pour présencemusicale.com


lire l'édito de Coralie Welcomme sur présencemusicale.com


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