lundi 6 juillet 2009

Encore deux mots sur le génie du Schubert plagiaire

Quand Tchaïkovsky copie le thème de la symphonie de Schubert, celui du nocturne de Chopin dans sa propre symphonie, ou tourne en majeur une autre étude de Chopin, quand Wagner prend le thème des adieux de Beethoven comme thème du destin pour sa tétralogie et s'inspire du motif du retour de la même sonate pour son thème des flammes à faire vaciller la Walhalla des Dieux, quand il s'accapare le motif de l'eau d'un pauvre petit Mendelssohn pour haute raison philosophique et intérêt impératif du bien public, quand plus humblement Chopin restitue ses frêles impressions de Field et de Bellini, c'est la macération créatrice qu'on regorgite, c'est la matière digérée qui déborde, c'est la bouillie de l'oiseau déversée à ses petits enfants. Même identiques, effet ou thème n'appartiennent plus à l'oeuvre première mais entrent dans la personnalité du nouveau créateur : c'est faire son blé du terreau de l'hypertexte.
Chez Schubert : tout autre chose. L'admiration pour le modèle, le respect et le sentiment d'infériorité qui le ronge créent une dichotomie étrange. Le thème appartient toujours à Beethoven : on peut dire, tel menuet de sonate, tel motif, telle structure sont de Beethoven. Mais en même temps c'est comme si Schubert faisait parler très respectueusement Beethoven à travers sa voix féminine et inquiète, dans ce manque de confiance tout à la fois génial et ignorant qu'il se hisse à l'égalité d'inspiration chaque fois qu'il cède à la tentation de citer, par faiblesse, par désespoir de faire autant, par le besoin de dire d'une même bouche. Ce n'est pas une assimilation de Beethoven, c'est le fantôme du thème de Beethoven qui passe, désincarné, dans cette mi-voix et cette fragilité de la fleur sous le souffle de la nuit : c'est Beethoven chuchoté par Schubert.

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