mercredi 25 mars 2009

LE SIÈCLE D’OR ESPAGNOL - EGLISE DES BILLETTES

LE SIÈCLE D’OR ESPAGNOL - EGLISE DES BILLETTES - PARIS - Lyrique - Reseau France Billet: "Philippe Maillard Productions

BEAUTÉ, SPIRITUALITÉ & PASSION AU XVIIe SIÈCLE CABEZÓN SANCES DURÓN MARTIN Y COLL...

LIA SERAFINI soprano
ENSEMBLE JANAS
LORENZO CAVASANTI flûte à bec
JORGE ALBERTO GUERRERO violoncelle
PAOLA ERDAS clavecin & direction

L'Espagne du XVIIe siècle tire sa richesse musicale de l’union entre musiques populaire et savante, intégrant les influences italiennes grâce au génie des Cabezón, Durón ou Martin y Coll. L’Ensemble italo-espagnol Janas en traduit la latinité dans un programme dont le cœur est le poignant Stabat Materde Sances.

Un moment magique

Telle était l'annonce du concert parisien du groupe de Paola Erdas, concert qui en espagnol se dit HERMOSURAS : beauté formelle absolue. Ce concert rappelait dans la paix intérieure qu'il diffusait à chacun, dans l'esthétique choisie, posée et analytique, dans la splendeur de sa construction, rappelait ceux de l'ensemble les flamboyants de Mikael Form. C'est appaisé, charmé que l'on ressort de ce vrai moment à part.

La Serafini en ange séraphin

Oui un séraphin, séraphique. Quels progrés depuis le concert de Lyon au programme identique, il y à trois ans ! On se réjouit de la voir chercher à toucher toujours plus le public. A Paris le coeur était vraiment transpercé ! Mais la comparaison avec Agnès Mellon dans le même répertoire... c'est la moelle qui doit être transpercée !

Ici suit une méticuleuse critique de sa prestation. Ce n'est pas mettre en doute la grande artiste qu'est Lia Serafini. C'est au contraire, via le rôle de critique qui malheureusement n'est pas modeste (sale métier), qui prétend être sûr de ses jugements (ce qui est trés aléatoire !), l'accompagner vers un futur d'artiste bien supérieure encore.

La Serafini touche mais pas encore suffisament intinctivement
Assurément sa voix est bien puissante, tout dans le son qu'elle est, et aussi grâce aux puissantes harmoniques. Mais cette préoccupation de faire un trés beau son, maîtrisé au coma prêt comne le ferait un flûtiste (surtout pour les finales !), fait de sa voix un timbre plus que des paroles. On ne comprend rien du tout à ce qu'elle dit. C'est un défaut qu'elle partage avec d'autres chanteuses dont l'oreille est si bonne, qu'elles en oublient qu'elles communiquent du sens.
Une vision petite comme une architecture de la Renaissance
Elle est trop dans les miniatures, les petits effets, sa vision musicale est comme une gravure de motifs floraux...particulièrement douée pour la décoration ! Aussi la ligne de la pièce se perd, la psychologie est morcelée.
Lâcher la voix, c'est un contre-exemple pour elle : l'horreur du style bel-canto lui fait tenir en arrière les notes qu'on voudrait entendre claquer et quand un auditoire devine que la puissance de la voix est là potentiellement, cette retenue crée une frustration : c'est une haie qu'elle ne saurait franchir de peur de perdre son style. Combien le public a besoin au contraire qu'elle se lâche ! Qu'elle se rassure : elle n'aura jamais une voix d'opéra, sa voix est formatée dans une esthétique médiévale pour toujours, assurant l'acèse de son auditoire.
La douleur est une laideur qu'il faut accepter
Mais pour le XVII° siècle plus d'humanité est nécessaire : ce qui était laid au Moyen-âge est devenu beauté douloureuse dans le Style Nouveau. Non pas que Lia Serafini n'est pas parvenue à être plus émotionnelle qu'à Lyon, plus humaine. Mais il faut qu'elle puise encore plus loin en elle d'expressions pour que tel mélisme du Stabat Mater ne soit pas qu'une floriture mais une larme, pour que le coeur de l'auditoire soit soulevé d'un même souffle du début à la fin de l'oeuvre.
Laissez vous aller, ange, l'on sent que vous avez les tripes pour cela : qu'on les voit ! qu'elles saignent sous nos yeux ! Ressentez d'un bout à l'autre de votre mélodie les souffrances de Marie berçant son enfant dont elle voit les futurs clous, oubliez-en les détails qui vous sont désormais une seconde nature.
Faites des phrases plus longues ! Osez crier de douleur sur le "Dum pendebat" !
Concordance esthétique des interprètes
Alors qu'il se tenait jusqu'ici dans un même raffinement du détail, tout d'un coup, Jorge Alberto Guerrero, le violoncelliste, ose octavier dans le grave l'ostinato de cette berceuse pour souligner un moment déchirant : l'effet de violence ne répondait pas à la voix trop esthétique de Lia Serafini, au contraire il était en contradiction. C'est peut-être ce passage qui pourrait permettre à cette magnifique interprète de jauger l'espace qu'elle a encore à franchir pour s'adresser à chaque mère douloureuse qui est en son public.
Bravo Lorenzo !
Lorenzo Cavasanti est élégantisse comme à son habitude. Il reste dans l'oreille du concert cette quadrupe anacrouse d'une note finale. Comme elle était déclamative à souhait, emphatique dans le plus subtil raffinement, une révérance ! Lorenzo Cavasanti : aimable, aristocratique, corellien.
Paola la Magnifique
Quant à Paola Erdas, son pazzamezzo antico, ou plutôt une antique basse de foglia, était tout simplement un espace de vie prodigieux. Vraiment pourquoi le critique Philippe Ramin lui reproche de ne pas faire les respirations de phrases ? C'est totalement faux ! Les français sont-ils capable de comprendre une esthétique du clavecin totalement différente que leur école ? Entendre Paola Erdas, c'est toujours un choc intense, ah que dire ! un condensé d'intensité ! Il y a toujours une mâle gravité (c'est le sang sarde !), une profondeur des basses, un sens de la tension qui porte le public vers des régions pathétiques. On ne peut dire qu'admiration.
Homogénéïté ?
Il faut peut-être conclure que Paola Erdas oscille entre deux aspects de sa personnalité musicale. Un soin esthétique extrême et raffiné qu'elle met dans le choix du noble Lorenzo Cavasanti, de Jorge Alberto Guerrerro et l'ambivalente Lia Serafini. Et puis une lave émotionnelle qu'elle possède de toute évidence elle-même et qui pointe aussi chez ses amis, que l'on désire tant voir jaillir chez Lia Serafini, que l'on entend chez Guerrerro dans ses solos. On souhaite au groupe d'y trouver un équilibre à l'image de celui qu'a déjà Paola Erdas dans son jeu personnel.

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