lundi 29 septembre 2008

Polémique sur la théâtralité, à propos d'une critique de ma critique de François Salque

On a écrit que je me suis fait avoir par la théâtralité de François Salque, et que les Starker, Truls, Mork, Kogan et Oistrakh sont bien autre chose. 

Superficialité et profondeur

Le souvenir du jeu de François Salque est lointain désormais dans le temps. Il ne m'a pas été loisible de l'entendre dans un répertoire qui parle de profondeur, de souffrance, de mort, ni même de joie surhumaine, mais plutôt dans une masterclass, dans des répétitions de musique de chambre. En nature, au milieu des autres musiciens, son jeu sortait de l'ordinaire de par son expressivité, sa diction, son sens oratoire. Ces qualités peuvent être considérées comme propres à l'école française. Vont-elles au delà de la superficialité ? N'a-t-on pas dit que l'art français est de parler sur un ton détaché et plaisant des choses les plus profondes ? Je ne sais. Pour trancher, il faudrait écouter très attentivement la discographie de François Salque. 

Mais voici par une anecdote une réponse plus générale sur l'opposition de la "théâtralité", sorte d'expressivité de façade, et la vraie expressivité, l'authentique (sens étymologique : "propre à soi-même").

L'élève de Montserrat Torrent

C'est une chance inouïe d'entendre l'opinion des anciens. Montserrat Torrent, grande organiste espagnole, venait de donner un concert vers Saint Raphaël, on y entendit une oeuvre de Cabezon, à moins que ce ne fut Bruna, qui égrainait dans une lenteur incroyable les ornements de la renaissance avec un jeu propre aux pionniers du baroque (comme l'est notre star hispanique), jeu dépassé aujourd'hui puisqu'on sait que c'est la mélodie cachée sous les ornements qui doit être lente et non l'ornement. Mais dès la première note, on vit que Montserrat Torrent connaissait la structure de l'oeuvre et qu'elle savait d'où elle partait, où elle nous conduisait. C'est la magie des sages. Puis,  à l'aprés- concert, elle parla, beaucoup, manière de compenser sa surdité. Elle parla d'un de ses élèves qui fit, je ne sais plus pour quelle raison, ce que fit la harpiste Polygnota de Thèbes au 151ème concours Pythique supprimé par état de guerre : cet élève joua tout Bach, seul, pour remplacer les candidats d'un concours annulé et satisfaire le public, et c'était si beau que tout le monde pleurait. A la suite de quoi, il devint élève de la plus grande école, du plus réputé des organistes, Olivier Latry, titulaire de Notre Dame de Paris. Montserrat Torrent eut l'occasion de réentendre son élève aprés son passage à l'école française, et de dire : "vous m'étonnerez toujours, mais vous ne m'émouvrez plus jamais". 

 

Aucun commentaire: