Louis Nicolas Clérambault (1676-1749) : Motet o piissima, o sanctissima mater C. 135 ; Premier Livre d’Orgue Suite du 1° ton C. 46 ; Motet Germinavit radix Jesse C. 124 ; Premier Livre d’Orgue Suite du 2° ton C 47 ; Magnificat à 3 voix et basse continue C. 136. Ensemble …in Ore mel… :Vincent Lièvre-Picard, haute-contre ;Hervé Lamy, ténor ; François Bazola,basse ; Christine Payeux, viole de gambe ; Olivier Vernet, orgue et direction. 1 CD Ligia Digital Lidi 0202156-05. Enregistrement réalisé en l’église Saint-Martin de Seurre. Durée : 63’08
Ce disque possède les vertus d’une initiation complète. Initiation à la grande liberté d’interprétation d’un ensemble quiassure : …in ore mel… (« dans la bouche miel ») ; initiation à l’orgue solo pour les néophytes (d’abord attirés par la partie vocale du disque) ; initiation à l’œuvre vocale de Clérambault pour les autres (les organistes sont plus familiers des suites) : c’est par elle seule que Clérambault est un grand, et non pas pour ses élégantes, charmeuses ou mignonnes pièces de clavier. Plusieurs facteurs encore ont concouru à éclairer le visage du compositeur. D’abord l’agencement du programme qui enchâsse deux suites pour orgue puis par trois motets à la Vierge pour voix d’hommes dont leMagnificat conclusif. Choix combien judicieux ! … quand on pense que les suites d’orgue ont de fortes chances d’être des alternances de Magnificat… Ensuite, le choix d’une éloquence précieuse pour l’interprétation des motets colle parfaitement aux tendances d’un compositeur qui tourne ses phrases comme des joyaux à la recherche d’une certaine plasticité mélodieuse. D’où viennent de telles options ? Il semble que le principe de l’ensemble …in Ore mel…, dirigé par Olivier Vernet, s’attache à exalter les qualités et les tempéraments de chacun. Les chanteurs conviés sont particulièrement éloquents : le haute-contre Vincent Lièvre-Picard ne pouvait qu’insuffler ce style par le maniérisme naturel à sa technique, émission nonchalante, grâces sur chaque note… Hervé Lamy, visiblement peu en forme (ce n’est pas son timbre habituel que l’on entend ici), s’est trouvé parfaitement inspiré de le suivre, au point que paré des mêmes effets et de cette voix retenue, il est un « autre » très bon ténor – c’est un rusé ! mais qui ne serait pas fan de cetOrphée inoubliable - quant à François Bazola, plein de grande prestance vocale, il trouve là encore le moyen de moduler son timbre particulier de façon à en faire un véritable art à la française.
Aucune contingence ne semble leur résister et tout paraît ici, simple et naturel (à l’image du continuo savant et léger de Christine Payeux). Le résultat est convaincant, beau, en particulier le et misericordia noté « fort lent » par le compositeur. On s’alanguit, on fait démonstration de cette manière française de dire l’essentiel, s’en en avoir l’air, en parlant à peine, en faisant montre de facilité dans le maintien, cette apparence qui recouvre tout sans le cacher ou encore cette superficialité qui se doit d’énoncer la profondeur.
Enfin le dernier éclairage du visage de Clérambault se retrouve dans les pièces d’orgue avec Vernet seul aux claviers. Ne parlons pas des qualités de l’orgue historique dont la taille est appropriée à la finesse de ce répertoire, mais évoquons le style personnel et spontané de l’organiste. La personnalité de l’organiste fait merveille dans Bach, il fait tout autant merveille dans le style français : parfaite rhétorique, justes respirations, notes inégales, jeu inspiré. Voici donc un portrait très opportun de Clérambault : préciosité de l’interprétation vocale, récital d’orgue transcendant, pour tout cela certes, ce disque est la référence pour qui veut aller à la découverte d’un auteur toujours gravement délaissé, -malgré les éclairages récents que lui a réservé le centre de Musique baroque de Versailles- et qu’il faut placer auprès de Couperin : ne fut-il pas le successeur de Nivers auprès des Demoiselles de Saint-Cyr de Madame de Maintenon ?
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