Maurice Ravel, David Sanson, Actes Sud, Atles, collection Classica. 160 pages Prix. 15 € N° ISBN 2-7427-5484-9 Dépôt légal : avril 2005.
David Sanson a trouvé une forme originale pour exprimer son amour de la musique de Ravel. Le style jeune et soutenu de l’auteur dresse une évocation du musicien en forme de ballade, parfaitement assortie avec le format oblong de ce livre concocté sous le contrôle des éditions Actes Sud. Comme dans les panégyriques de l’antiquité le plan en est subtil, des facettes du génie sont abordées faussement et seulement en apparence contre la chronologie : maturités, le géomètre, curiosités, l’engagé, postérités, le voyageur, affinités, l’enfant, sensualités, le Belvédère. Quel raffinement en chiasme des titres de chapitres ! Raffinement de l’écriture et de la sensibilité à l’écoute des pièces ravéliennes. Sans que l’on s’en aperçoive, toute la biographie de l’auteur est repensée, réorganisée à l’impact de ses œuvres et parfois aux impressions délicates et émues de notre journaliste en quête de l’auteur aimé.
Peu importe si le Boléro est commenté deux fois : la partition est abordée sous deux approches différentes, à la manière des poèmes médiévaux ; la redondance est lyrique et quasi cinématographique. Nous ne sommes pas là dans l’analyse prosaïque des rapports de l’auteur avec ses proches ; ce n’est pas un livre d’historien moderne mais d’amateur (au sens ancien), d’orateur, un panégyrique onirique. Un exemple parmi d’autres de ce Ravel pour la postérité : touchant à la sexualité de l’homme, notre jeune écrivain répond par la sensibilité de l’œuvre, sa volupté, mettant le doigt sur le fait (disons en une image ravélienne sur la « peau ») qu’il n’y a pas plus parlant à tous et en même temps plus tacite sur les teneurs originelles. Et voici ce qu’est la sexualité de Ravel : « ce n’est pas tant la septième mineure que Ravel chérira mais bien la cristalline septième majeure ». Rendons grâce à David Sanson de respecter le génie qui a voulu garder secret le mystère de ses effusions personnelles !
Et tout le livre, en compagnie du maître rêvé et sublimé, collectionne cette succession d’ombres chinoises ou de bibelots tant prisés par le solitaire esseulé parfaitement accordée à la citation d’Arbie Orenstein « Si on entend par sens de la vie, la façon dont on passe son temps entre deux éternités, alors sa signification ultime pour Ravel était de créer une musique aussi parfaite, aussi polie et aussi belle qu’il pouvait. Telle était sa passion, et même son obsession ». Le panégyriste invite à se plonger dans le labyrinthe des relations de Ravel aux êtres et au monde, pour découvrir des couleurs nouvelles ! Mais il s’arrête sur le seuil de ce monde, comme impuissant à concrétiser ce désir qui l’a porté jusque là… surtout parce que Ravel l’a voulu ainsi : son œuvre, sentimentalement universelle, est issu d’une sensibilité cachée en privée, publiquement dévoilée sur la partition. Il ne reste plus qu’à pieusement, avec l’autorisation du gardien, mettre ses doigts sur le clavier de la maison de poupée que s’est bâtie Ravel près de Paris, le Belvédère.
Les inconditionnels y verront une brève et délicieuse délectation d’auto souvenirs auditifs ; les néophytes courront vite aux disques judicieusement conseillés à la fin du livre, tant sont dites de bonnes et belles choses sur Ravel dans le temps à peine écoulé d’un trajet SNCF, Paris Ciboure.
jeudi 30 juin 2005
Petit panégyrique d’un Ravel onirique
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